PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Enseigner au XXIème siècle – le 6 février 2014 :

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On voit ces jours-ci, à la faveur de l’ignoble campagne pour le « Retrait » de l’école et des diatribes obscurantistes contre l’ABCD de l’égalité, refleurir la vieille opposition, qu’on pensait dépassée, entre « instruction » et « éducation ». Certains députés de droite clament à l’Assemblée que le but de l’école primaire se limite à « lire-écrire-compter », trahissant une méconnaissance de ce qu’a toujours été l’école républicaine, une institution qui a toujours eu pour ambition à la fois d’instruire et d’éduquer. De nombreux discours de Jules Ferry en attestent. Par exemple, sa circulaire de novembre 1883, sur l’enseignement moral et civique :

« En vous dispensant de l’enseignement religieux, on n’a pas songé à vous décharger de l’enseignement moral : c’eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l’instituteur, en même temps qu’il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage et du calcul. »

Nul besoin de se rapporter aux débats de la Convention de 1793 entre Condorcet et Rabaut Saint-Etienne sur les relations entre éducation et instruction qui ont un intérêt historique mais se posaient dans un tout autre contexte.

Ici en fait, il s’agit surtout pour les adversaires du ministre Vincent Peillon d’empêcher l’école de jouer un rôle volontariste pour faire évoluer des représentations sociales, pour amener l’esprit critique en l’occurrence sur les rôles masculin/féminin comme elle peut le faire sur d’autres sujets, qui forcément soulèvent des questions par rapport à l’éducation familiale. Quand l’école contribue à des campagne contre l’obésité ou le tabagisme, quand elle remet en cause des préjugés racistes qui vont à l’encontre parfois de ce que l’enfant entend au repas familial, quand on prône la « pensée personnelle » qui , comme l’avait noté par exemple Basil Bernstein dans les années 70, va à l’encontre de la valorisation du « on » dans les familles populaires, etc. on est à la fois dans l’éducation et l’instruction. L’important est de travailler ces questions d’une part en informant les familles (sans qu’on brandisse des slogans du genre : « l’école n’a pas à rendre des comptes » !) d’autre part en veillant au respect des convictions , en évitant de blesser ou de laisser penser que le rejet de certaines idées signifie forcément le rejet des personnes qui les portent. Tout cela demande d’ailleurs tout un savoir-faire pédagogique et cela devrait être une priorité pour les Ecoles du professorat que de faire acquérir les capacités à mener un débat avec les élèves ou à dialoguer avec les familles (voit mon précédent billet)…

En réalité, les « instructionnistes » ne sont pas contre l’éducation quand il s’agit de faire obéir à des règles, quand cela va dans le sens de la conformité à « leur » morale. Mais s’il s’agit de former à l’esprit critique (dont je ne sais pas très bien s’il appartient à la sphère éducation ou à l’instruction), alors on aime moins.

Cependant, il est important pour les partisans d’une école qui éduque et instruise à la fois de bien balayer devant leur porte. Oui, la tentation peut exister d’inculquer un « bien penser » et de confondre éducation morale et moralisme. L’esprit critique doit s’exercer en tous domaines, y compris par exemple lorsque les élèves constatent des comportements d’enseignants non conformes à ce qui est prôné dans les programmes. Par exemple des attitudes sexistes sous couvert de « grosses blagues ». D’autre part, il faut accepter l’idée que l’égalité hommes-femmes par exemple  est loin d’être entrée dans les faits, contrairement à ce qu’affirment les publicistes du Figaro. Tant que les tables rondes de colloques resteront aussi masculines et tant que les organisateurs ne veilleront pas de manière volontariste à rééquilibrer les choses, pour ne citer que cet exemple, on pourra se dire que le travail n’est pas fini. Ces questions ne concernent pas les autres, mais chacun de nous. Le dispositif ABCD de l’égalité les aborde souvent avec intelligence. Tant pis si beaucoup croient qu’ils ne font pas davantage parler les garçons dans leur classe ou qu’ils ne font aucune différence dans les copies, alors même que des observations rigoureuses montrent le contraire (mais cela peut être corrigé si justement on est conscient de ces phénomènes et qu’on va à l’encontre de nos représentations spontanées)

L’instruction neutre, sans les valeurs, le « lire » qui finalement n’aborderait pas les contenus qui nous entrainent forcément dans les débats, les points de vue, le bruit du monde, donc l’éducation, tout cela reste une abstraction. En fait, s’opposent surtout deux visions de l’école : l’une qui serait la conservation de l’ordre établi en confinant les enfants dans des règles familiales (d’où le fait d’être choqué qu’on dise que l’enfant n’appartient pas à sa famille), l’autre qui serait émancipatrice, par le savoir, mais aussi par le développement d’attitudes intellectuelles et morales, et qui peut se heurter aux « valeurs familiales » comme elle se heurter à l’école elle-même quand celle-ci n’est pas à la hauteur de ses propres exigences.

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