In Cairn.info – Savoirs 2013/1 n°31 :
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EDITORIAL
La revue accueille dans ce numéro 31 une note de synthèse, La transmission intraorganisationnelle des savoirs, relevant d’une perspective assez peu habituelle pour les chercheurs et praticiens de la formation des adultes habitués à nous lire. Elle s’appuie en effet essentiellement sur des travaux anglo-saxons, la plupart non traduits et donc peu diffusés en francophonie, du moins en France ; elle permet en outre une incursion dans une discipline, les sciences de gestion, qui n’avait pas encore été jusqu’ici véritablement abordée dans nos colonnes. Nous la devons à une équipe pluridisciplinaire et pluri-universitaire québécoise composée de Nancy Lauzon, Jean-François Roussel, Claudie Solar et Maud Bouffard.
Cette ouverture vers des terrains moins familiers répond à deux objectifs : d’une part faire connaître Savoirs au-delà de notre lectorat constitué au fil des numéros, mais aussi, et surtout, proposer un état des recherches dans un domaine très proche de la formation d’adultes, mais qui, comme le soulignent les auteurs de la note, en reste très largement indépendant.
Le passage en revue de ces travaux en sciences de gestion anglo-saxons pose un certain nombre de questions, dont la plus essentielle touche à la cumulativité des savoirs en sciences humaines et sociales et la seconde, à la communication entre les disciplines, le découpage des objets et le choix des points de vue s’avérant toujours plus ou moins compatibles entre les différentes approches.
Comment les travaux de recherche naviguent-ils d’un univers disciplinaire à l’autre ? Mal visiblement…, les références fondamentales des uns semblant totalement ignorées ou délaissées (pour cause d’inadéquation ?) par les autres. La lecture de cette note de synthèse amène donc un certain dépaysement culturel et, inévitablement, une interrogation sur la solidité des repères qui nous accompagnent au quotidien dans le développement de nos analyses.
Ainsi, le lecteur averti trouvera sans doute étonnant qu’encore très récemment, selon les chercheurs travaillant dans cette perspective managériale, les savoirs se transmettaient, voire se transféraient, d’un « détenteur » à un « destinataire » quasi passif. Les représentations très imagées d’un savoir qui « colle », qui se conserve dans des « réservoirs », les « capacités d’absorption » ou de « rétention » de ces mêmes savoirs par des récepteurs « novices » mettent en scène des conceptions très particulières (plutôt liquides ou pâteuses) d’un savoir extérieur aux individus, qu’on peut stocker, s’échanger et qui rapporte de l’argent. Ces conceptions très monétaires, dénoncées par Paulo Freire dans les années 1960, peuvent surprendre par leur actualisation au tournant du siècle. La vision mécaniste de la transmission semble toutefois avoir récemment évolué vers une complexité plus grande et une différenciation davantage prononcée entre savoir et information. Il n’en reste pas moins que les différentes classifications des savoirs proposées par ces chercheurs nous invitent à relire nos propres catégories et à croiser les apports sur ce thème de différente disciplines : philosophie, psychologie, didactiques, psychosociologie, histoire des idées…
Je tiens ici à remercier les deux relectrices qui m’ont accompagnée dans le travail de pilotage de cette note de synthèse, Sandra Enlart et Véronique Leclercq. Nos échanges intercontinentaux avec les auteurs ont permis d’engager un dialogue fécond sur la base de nos interrogations.
Le numéro contient aussi deux articles de recherche. Lucie Aussel s’intéresse au développement professionnel perçu et objectivé de certaines catégories de travailleurs : les cadres et techniciens du secteur agricole : des animateurs d’un dispositif d’insertion. La méthode de recueil des données et leur analyse effectuée dans le cadre de l’évaluation d’une formation a mis en évidence l’émergence de nouvelles compétences, distinguées ici entre compétences fonctionnelles, de processus et sociales. Emmanuelle Jouet, quant à elle, analyse un projet expérimental visant à accompagner vers l’emploi des personnes vivant avec un trouble psychiatrique.
L’article est l’occasion d’interroger le concept d’empowerment et sa traduction concrète à travers des pratiques innovantes d’accompagnement, s’appuyant sur l’expérience et l’expertise des usagers eux-mêmes.
Bonne lecture.
Françoise F. Laot
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