In Quai du Citoyen – le 31 mai 2013 :
Accéder au site source de notre article.
Il y a urgence !
Comme pour l’asphyxie, la strangulation provoquée par le carcan du décret sur les rythmes scolaires qui étouffe les équipes pédagogiques, l’absorption irrespirable des miasmes de l’électoralisme et des pressions des lobbies, la non considération des symptômes des désillusions des acteurs de terrain sont en train de mener la refondation à une agonie réelle et ce beau projet n’aura bientôt plus de dynamique. Cela entrainera des séquelles irréversibles dans les forces vives de notre système éducatif alors que le poison du doute s’y est de plus instillé.
La déception que j’ai pu ressentir s’est marquée au fur et à mesure des semaines et des mois car les actes n’ont plus été progressivement en conformité avec les grandes déclarations d’intentions du ministre de l’éducation nationale et du président de la république.
J’ai pu consacrer de nombreuses pages, sur ce blog , à la refondation de l’Ecole annoncée par Vincent PEILLON. J’ai pu donner les raisons qui, à mon sens, plaident pour une vraie refondation étant, pour l’essentiel, en accord avec les objectifs initiaux fixés par le ministre.
Cela ne m’a pas empêché, ensuite, d’être très critique sur la manière dont il a lancé la refondation par un décret sur « les rythmes scolaires » que j’estime toujours inadapté, inapproprié et ne répondant pas aux objectifs de la refondation même si les rythmes ne font pas toute la rénovation qu’il faut mettre en place. Il n’empêche que la promulgation du décret sur les rythmes a lancé le début de l’avortement de la refondation.
On pourra relire mes avis, critiques, arguments, suggestions et propositions sur mon blog et dans la rubrique Education notamment http://quaiducitoyen.eklablog.fr/reforme-des-rythmes-le-nouveau-decret-va-bloquer-la-refondation-a67630185.
Malgré les appels répétés de nombre de personnalités , chercheurs et acteurs compétents du terrain pour le faire modifier, monsieur le ministre n’ a pas daigné introduire de modification dans la loi qui aurait pu notamment rectifier le carcan horaire et hebdomadaire dans lequel le décret a enfermé les rythmes d’ailleurs improprement appelés « scolaires ».
Je ne peux que rappeler, par exemple, les propositions pleines de bon sens relayées par l’association réseau « PRISME » et adressées aux députés et sénateurs ainsi que les propositions ( entre autres) de Claire Leconte *, chronobiologiste de terrain qui a donné au ministre les éléments de réflexion concrets nécessaires afin de ne pas s’enfoncer dans l’ineptie de vouloir enfermer la semaine scolaire dans neuf demi-journées au lieu de laisser aux équipes pédagogiques et aux collectivités locales le soin de mettre en place de manière souple des organisations sur 4 journées et demi (ou 5) notamment pour respecter les projets mis en place ou en cours de mise en place depuis des années.
(lire son article sur son blog http://www.claireleconte.com/pages/articles/pour-la-refondation-de-l-ecole.html )
A croire que la vérité du terrain n’intéresse pas le ministre ce qui relève du mépris pour ceux qui travaillent chaque jour pour aller de l’avant.
Je pense que ces positions que j’approuve, s’appuient sur les réalités qui doivent être largement diffusées pour être connues. Je laisse à chacun le soin de retrouver les positions et propositions d’amendements relayées par l’association réseau PRISME sur son site http://www.prisme-asso.org/ et http://www.claireleconte.com/pages/lettre-ouverte-a-vincent-peillon/amendements-proposes-par-prisme-articles-46-et-47.html
Les exemples cités par Claire Leconte dans sa lettre au ministre le l’éducation nationale, après le vote de la loi par le sénat, montre à l’évidence et par les faits l’absurdité de l’application actuelle du décret sur les rythmes : http://www.claireleconte.com/blog/une-vraie-reforme-m-le-ministre.html
LA POLITIQUE POLITICIENNE EST PASSEE AVANT L’INTERET DES ENFANTS.
C’est en tout cas je que je constate dans les faits à moins qu’on ne me prouve le contraire.
Les députés et les sénateurs sont, à mon avis, restés sourds aux demandes justifiées et de bon sens de rectification de la loi. Ils ont suivi le gouvernement dans sa méconnaissance des réalités du terrain de l’école. Au sénat, monsieur le ministre a fait le nécessaire pour que les alliés communistes et écologistes votent le texte et là, curieusement, a fait des concessions. Il faut dire que si ses alliés n’avaient pas été d’accord, la loi était retoquée. Malheureusement, les sénateurs concernés de ces groupes sont entrés dans le jeu politicien habituel ce qui prouve qu’ eux non plus n’ont pas compris l’importance qu’il y avait à modifier notamment le décret carcan sur les rythmes et à prendre en compte les amendements proposés et notamment ceux concernant les articles 46 et 47 du projet de loi. C’est là aussi décevant. Je reviendrai prochainement sur les améliorations qu’ils auraient pu apporter à la loi qui est insuffisante sur nombre de points même s’il faut reconnaître quelques avancées théoriques par rapport à la situation actuelle.
L’ELECTORALISME A FAIT TABLE RASE DE L’INTERET DES ENFANTS.
Il y a eu les ballons tests sur les vacances scolaires pour essayer de savoir quelles seraient les réactions en annonçant une réduction des vacances scolaires. Aborder ce sujet en dehors de toute analyse globale de la situation était inutile et n’a servi de plus qu’à alimenter une polémique stérile. Electoralisme…
Mon avis à cette époque sur ce blog : http://quaiducitoyen.eklablog.fr/vacances-d-ete-zonage-pas-zonage-dezonage-a50090432.
Si le décret sur les rythmes est paru, de manière anormale, avant l’examen de la loi par le parlement, je considère maintenant que ce n’est plus une maladresse . Monsieur Peillon a voulu ménager les collectivités locales y compris en prenant le risque de sacrifier le dialogue et la concertation entre les partenaires.
Des collectivités locales, pas toutes heureusement, en ont profité pour imposer leur seul point de vue sur les rythmes, mettant en place dès la rentrée scolaire prochaine des organisations complétement ineptes qui sont totalement à côté des objectifs que l’on devrait avoir pour une refondation : découpages horaires aberrants, activités sans articulation cohérentes, garderie… La préoccupation a été aussi celle de faire plaisir aux électeurs parents, élections municipales de 2014 obligent et de profiter des subventions attribuées pour chaque élève. On pourrait citer de nombreux exemples qui le prouvent. De plus, les termes mêmes du décret leur a permis de ne pas consulter les enseignants. Quant aux parents, on les a informés des décisions de la ville.
Je ne reproche pas au ministre, comme l’a fait l’opposition au sénat, d’avoir mobilisé trop de moyens pour cette réforme mais je lui reproche de mobiliser ces moyens pour des collectivités locales qui n’ont pas de projets cohérents et issus d’un véritable partenariat. Actuellement on assiste dans nombre de villes « opportunistes » à la mise en place, avec l’accord bienveillant de certains DASEN (Directeur académiques des services de l’éducation nationale, ex inspecteur d’académie) , de la réforme des rythmes « scolaires » adaptée aux adultes (et aux préoccupations uniquement électoralistes). Rien de plus. Cela le ministre ne le contrôle pas ou ne veut pas le contrôler. Va savoir !
Mon avis détaillé sur d’autres points sur lesquels reviendrai http://quaiducitoyen.eklablog.fr/rythmes-a-l-ecole-il-faut-abroger-les-decrets-darcos-et-peillon-a67701441
Ouvrez votre parachute monsieur Peillon … sinon l’atterrissage va être difficile…
d’après image auteur inconnu, domaine public)
…et la refondation que vous étiez censée défendre s’écrasera grâce à vous sur le mur ou de l’indifférence due à la démobilisation ou des intérêts politiciens de certains élus à moins que ce ne soit celui de l’écœurement et du désenchantement des acteurs de terrain qui sera à la hauteur de l’espoir que vous avez suscité…et défait.
Mais sans doute que de mon avis le ministre n’en a rien à ficher.
Patrick PATTE
Ancien secrétaire général de la FCPE Nord (jusqu’au 9 juin 2012)
Ex Coordinateur et animateur du CDEN alternatif du Nord, …
(Conseil départemental de l’ Education nationale alternatif, structure de concertation départementale réunie sous le gouvernement Fillon et qui a travaillé 17 propositions clés de terrain pour l’avenir de l’école. Ces propositions ont été envoyées en juin 2012 à monsieur Peillon, nouveau ministre de l’Education nationale)
* Professeur émérite de psychologie de l’éducation, Claire Leconte travaille, depuis plus de trente ans, sur l’aménagement des temps de l’enfant.