Madame la ministre
Tout d’abord un grand merci pour votre présence aujourd’hui parmi nous pour partager le résultat de nos travaux et nous faire part de vos propos.
La refondation de l’école et au-delà celle de l’éducation est sans aucun doute un des chantiers majeurs dans lequel s’est engagé le gouvernement. Le rapport coordonné par le commissaire à la stratégie et a la prospective jean Pisani ferry et remis au président de la république au printemps fait de la refondation de l’école un des piliers essentiel du redressement du pays. Claude Lelièvre et Emmanuel Davidenkoff nous ont rappelé dans notre séance introductive à la fois la difficile gestation du concept de socle commun mais aussi l’urgence qu’il y a à refonder l’école face aux formidables mutations sociales et culturelles en cours notamment avec la croissance exponentielle des effets du numérique.
Françoise Cartron le rappelait hier, la loi de refondation de l’école adoptée il y a tout juste 16 mois ouvre de véritables perspectives, mais encore faut il que les acteurs de la communauté éducative s’emparent des leviers mis à leur disposition, encore faut il que nous puissions ensemble lever les obstacles et bousculer les inerties pour que cette refondation de l’école devienne réalité.
C’est dans cet état d’esprit qu’hier après midi, à l’initiative de la Ligue de l’enseignement, du collectif des associations partenaires de l’école publique et avec votre soutien et la participation de votre ministère, près de 300 acteurs des quatre principales composantes de la communauté éducative représentant les parents, l’éducation nationale, les collectivités territoriales, les associations ont travaillé pour produire un ensemble de propositions très concrètes et constructives pour donner un nouvel élan à cette refondation dont nous souhaitons tous ici, qu’elle réussisse.
Nous pourrons discuter de ces propositions, je l’espère avec votre ministère dans les semaines qui viennent. Nous allons d’ailleurs engager dans la table ronde prévue cette après midi la discussion sur l’agenda précis de mise en oeuvre que nous souhaitons bâtir avec les services de l’Etat concerné, avec les collectivités, les associations et les parents. Mais, au delà, je souhaite à travers cette courte intervention vous faire part des cinq grands axes qui nous semblent essentiels pour réussir la refondation.
1) Tout d’abord celui de la parentalité. Il faut remettre les parents au coeur du dispositif éducatif notamment à l’école. Il faut le répéter, les parents sont les premiers éducateurs et il faut donner tout son sens au concept de coéducation qui est au coeur de la loi.
C’est un véritable renversement de perspective pour l’éducation nationale. Et je dois vous le dire madame la ministre, beaucoup d’entre nous ont apprécié les gestes symboliques que vous avez accompli en direction des parents. Mais il ne faut pas que les rapports parlementaires comme celui de Valérie Corre, les rapports du Comité nationale de l’innovation ou de la mission d’appui décrochage restent dans les tiroirs. Il faut mettre en oeuvre les espaces parents, les moments d’échange, modifier les postures, trouver les modalités d’accompagnement notamment des familles les plus éloignées de l’école .Nous souhaitons que soit accentué le soutien aux dispositifs existants qui vont dans ce sens : Programme de réussite éducative, réseau appui et d’aide à la parentalité, mallette des parents, dispositifs de mobilisation de bénévoles comme ceux que met en oeuvre l’association Fondation des étudiants pour la ville mais aussi les associations qui se mobilisent dans le domaine intergénérationnel. Pour que cette question soit prise en cause de façon réelle et sérieuse par l’administration, ne faudrait il pas créer à l’image de la mission ministérielle de lutte contre les violences scolaires, une mission interministérielle à la parentalité ?
Il n’y aura pas de refondation de l’école si nous ne réinstallons par les parents au coeur du dispositif, en favorisant leur mobilisation citoyenne. L’intensité et la qualité du débat éducatif qui s’est développé dans tous le pays à l’occasion de la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires témoigne des attentes des parents. A nous de savoir mettre en oeuvre les conditions d’un réel échange citoyen avec eux, tout d’abord en reconnaissant toute leur place.
2) Le second thème qui nous semble essentiel est celui de l’innovation. Il faut permettre au sein de l’école que se multiplient les innovations et les initiatives pédagogiques que ce soit dans le contenu de l’enseignement (numérique, pédagogies innovantes), dans l’organisation des équipes enseignantes (organisation des écoles, rôle des directeurs, modes de concertation et d’intervention dans les classes..), dans les relations avec les coéducateurs (familles, équipes éducatives péri et extra scolaires). L’éducation nationale recèle en son sein de véritables pépites. Beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense généralement sont les enseignants et les personnels qui s’impliquent et cherchent à innover, mais dont l’élan est bridé par une organisation qui stérilise trop souvent cette énergie.
Cela pose notamment la question du cadre dans lequel l’institution éducation nationale reconnait et valorise cette innovation. Les propositions existent : redéfinition de l’article 34, redéfinition du rôle des corps d’inspection et de l’encadrement, mise en place systématique de dispositifs d’accompagnement en matière d’évaluation, et de recherche action.
3) Cela conduit naturellement au troisième thème sur lequel nous souhaitons que l’effort soit porté : celui de la formation. Celle des personnels de l’éducation nationale, mais aussi celle des intervenants dans le cadre péri et extra scolaire, et des parents. C’est un enjeu essentiel qui doit produire des résultats rapides. C’est pourquoi il faut remettre en urgence au premier plan la formation continue dans la perspective d’une formation tout au long de la vie en privilégiant les formations sur site et en équipes.
Il faut également penser la formation initiale en favorisant la convergence des deux filières actuelles Celle de l’éducation nationale, et la filière animation, pour permettre une meilleure cohérence des référentiels éducatifs entre ces deux types de professionnels.
Il faut donc mener à bien la réalisation effective du projet des ESPE qui doivent devenir de véritables écoles professionnelles formant à l’ensemble des métiers de l’éducation. Nous avons ainsi formulé au sortir de nos travaux plusieurs propositions très concrètes qui pourraient se traduire dès la rentrée prochaine avec la mise en place dans des ESPE volontaires, en lien avec les collectivités territoriales concernées et avec les associations d’éducation populaire de formations de responsables de l’animation périscolaire.
L’ouverture des ESPE est une des conditions essentielles de leur transformation. Il faut que la convention qui va être signée officiellement dans quelques instants entre le CAPE et le réseau des Espé se traduisent aussitôt dans les faits. Il est tout aussi important que dans les mois qui viennent puissent être mis en place en lien avec les Espe, l’IFE, Canopé et toutes les ressources qui pourraient être mobilisées, des dispositifs de recherche action accompagnant le développement des démarches réflexives des acteurs sur le terrain
4) Quatrième chantier, et non le moindre : faire progresser la réalisation de l’école de la scolarité obligatoire en accentuant l’effort sur la mise en place du troisième cycle, en favorisant et en promouvant les initiatives innovantes (collèges innovants, collège maison des savoirs sur le territoire, voire communautés d’établissement écoles/collèges innovants…). Nous n’avons fait qu’ébaucher dans les ateliers cette question, mais c’est également un axe décisif de la refondation. Je voudrais seulement signaler que dans le cadre de la réforme territoriale en cours, la proposition qui faite par certains de donner la compétence de la gestion des collèges aux régions nous parait être un contre sens total. Le collège est un élément essentiel du territoire éducatif de proximité, en lien avec les écoles et doit relever d’une collectivité de proximité.
La logique du socle milite pour une cohérence et une continuité école primaire collège.
5) Enfin, il faut accompagner les collectivités territoriales dans leur investissement dans le champ éducatif, pour la constitution d’un véritable service public éducatif local. Il faut bien sur prendre en compte la grande hétérogénéité de l’engagement de ces collectivités. Mais il y a sur le terrain quelque chose qui est en train de bouger. De plus en plus d’élus locaux s’impliquent ou veulent s’impliquer dans le champ éducatif
Il ne faut pas sous estimer les défis auxquels sont confrontés les collectivités locales. Le défi du contenu à donner à leur projet éducatif de territoire, notamment à travers leur contribution à un véritable parcours éducatif des enfants et à l’articulation avec les projets d’école et d’établissement. Le défi de la qualification de leurs personnels dans le domaine éducatif que cela concerne l’encadrement administratif ou les agents intervenants sur le terrain. Une réflexion réunissant les associations d’élus, le réseau français des villes éducatrices, l’association nationale des directeurs éducation des villes, le CNFPT et les Espé devrait s’engager très rapidement pour mettre en place des formations adaptées dès la rentrée prochaine.
Défi également de la mise en cohérence de l’intervention des collectivités en interne par la nécessaire transversalité inter-service, mais aussi en externe entre différents niveaux de collectivité communes intercommunalités départements régions.
Enfin dernier défi pour les collectivités mais pas le moindre, celui de leur rôle dans l’organisation du partenariat éducatif local et dans l’implication des parents.
Vous l’avez compris madame la ministre, ces deux journées ne font que révéler les formidables attentes du terrain, mais aussi la profusion d’idée et d’initiatives qui n’attendent qu’un contexte favorable pour éclore. Pour nous, la refondation est une véritable opportunité pour autant que soient réellement mis en place, avec les acteurs, les espaces, les dispositifs, les moyens organisationnels et pas seulement matériels qui permettent d’agir.
Pour autant que nous sachions nous en saisir, les attentes des parents, des personnels et des citoyens en matière éducative sont un formidable encouragement à l’action.
Il s’est passé quelque chose durant ces rencontres. C’est un de ces trop rares moments où, dans un cadre de réflexion constructive et sans langue de bois, des représentants au plus haut niveau de l’éducation nationale, et je remercie notamment madame la directrice générale de l’enseignement scolaire d’avoir très rapidement adhéré à la démarche et facilité leur participation, mais aussi des élus nationaux et locaux très impliqués dans le champ éducatif, des responsables associatifs, des praticiennes et praticiens de terrain se sont retrouvé pour échanger. Cette dynamique est elle aussi profondément refondatrice. Elle ne doit pas rester sans lendemain et nous appelons de nos voeux, sur ce modèle, la réunion tous les ans à cette date d’une conférence
Nationale de l’éducation qui permette d’accompagner cette refondation qui requiert la mobilisation de tous et qui pourrait se traduire au plan local par la mise en place de comités locaux pour l’éducation, espaces de débats réunissant les quatre composantes de la communauté éducative.
Voilà Madame la ministre très succinctement les éléments essentiels que nous pouvons vous restituer de ces premiers travaux.
Nous apprécions madame la ministre votre courage, votre sens de l’écoute et votre détermination. Nous souhaitons que vous puissiez inscrire votre action dans la durée. Vous pouvez compter sur notre engagement au service de la refondation de l’école, de la refondation de l’éducation pour l’avenir de nos enfants.
Intervention d’Etienne Butzbach, coordonnateur et animateur de la rencontre.
Lire la suite : intervention bilan a la ministre- 28nov2014