1)Mesure quantitative et qualitative de l’impact de PISA
Pourquoi s’intéresser à la réception d’une évaluation internationale ?
Les rapports faits en France par le Haut Conseil de l’ évaluation de l’ école, ont montré que, un dispositif d’ évaluation, si remarquable, soit -il, perdait une grande partie de son intérêt si aucun usage n’ en était fait par les responsables de l’ école. Tel était peu ou prou le diagnostic établi pour le système français : Forces et faiblesses de l’évaluation en France. Il était donc important de mesurer l’impact de PISA auprès des décideurs d’autant plus que la réalisation de l’enquête par l’OCDE, lui donnait sans doute, de par le statut de l’organisme, un impact supérieur à celui des précédentes enquêtes internationales.
L’impact mesuré est bien sûr un impact immédiat, d’autant plus que l’indicateur utilisé, le nombre d’articles de presses recensés dans la base de données de l’OCDE accessible en consultant le site : www.pisa-oecd.org est un indicateur très conjoncturel mais nous verrons que, dans le cas de l’Allemagne, la discussion continue dix huit mois après. Par ailleurs cet indicateur mesure aussi la place de l’éducation dans le débat public. Deux points sont aussi à relever pour nuancer la pertinence de l’ indicateur : Certains pays sont absents de la base ( Corée Japon , Hongrie) et ceux pour lesquels des différenciations régionales ont été introduites et ont soulevé des passions sont surreprésentés ( Suisse , Belgique , Canada )
Les résultats mesurés dans le tableau ci-dessous montrent une très grande variabilité suivant les pays même si d’une manière générale, les pays qui ont eu de bons résultats, ont moins de citations que ceux qui ont eu des mauvais résultats avec le contre-exemple de l’Italie qui, a des résultats analogues à ceux de l’Allemagne. Il n’y a pas eu de vrai débat en Italie , peut -être parce que les Italiens n’ ont jamais prétendu avoir un des meilleurs systèmes éducatifs !
Impact fort Impact moyen impact faible
Bons résultats Autriche ( 120) Suede(54) Irlande(32)
Canada (92) Australie (49) N-Zelande (25)
Royaume-Uni (87) Finlande (8)
Résultats moyens Suisse (199) Rep.Tchèque (43) USA (39)
Belgique (99) Norvège (34)
Danemark(88) France(32)
Mauvais résultats Allemagne(774) Mexique (67) Italie(16)
Portugal (98) Espagne(56) Grèce(3)
Brésil (84)
La typologie des réactions et des analyses est très variée, voire disparate, allant de la simple présentation de palmarès à des essais d’ analyse ou à des recommandations.
Un nombre important, voire majoritaire de réactions, conséquence logique d’une présentation de type palmarès, sont des réactions de satisfaction du type : »nous sommes les meilleurs ou dans la première ligue mondiale » lorsque les résultats sont bons, ou de consternation quand ils sont mauvais du type « nous sommes les cancres de la classe ou nous méritons le bonnet d’âne » quand les performances sont mauvaises . Ces réactions un peu chauvines sont parfois accompagnées d’ un peu de commisération quand un pays fait mieux qu’ un pays proche culturellement. Les Autrichiens s’enorgueillissent de faire mieux que les Allemands, et les Britanniques ne sont pas mécontents de devancer nettement les Américains.
Des réactions de même nature sont présentes quand l’échantillon de PISA a été suffisamment élargi pour pouvoir comparer les résultats des différentes communautés linguistiques (Belgique Suisse, Canada) ou ceux des provinces (Canada), des Länder ( Allemagne) ou même des cantons suisses. Les résultats de la Communauté francophone de Belgique sont très inférieurs à ceux de la Communauté flamande, ; les performances de la Suisse francophone sont meilleures que ceux des autres communautés. Au Canada, les Québécois mais aussi des provinces anglophones ont d’excellents résultats. En Allemagne, les meilleurs résultats des Länder gouvernés par les chrétiens démocrates ont alimenté la polémique et opposé le « laxisme et la démagogie social démocrate au sérieux conservateur » En Italie, mais cela a été peu écrit , il y a un fossé important entre l’Italie du Nord et le Mezzogiorno.
Reste à savoir si une grande partie des disparités régionales ainsi constatées , ne reposent pas avant tout sur des différences sociales pou liées à la composition de la population scolaire.
Les autres réactions , de nature plus intéressantes , essayent d’ interpréter les résultats et d’ en tirer éventuellement des recommandations. Exercice difficile car les explications sont certainement multiples et les résultats méritent des recherches assez fouillées . Il est difficile d’ avancer une hypothèse sans trouver immédiatement un contre-exemple. Il est malgré tout intéressant de tirer un rapide bilan de ces hypothèses car elles reflétent beaucoup de débats en cours sur l’ éducation , y compris dans notre pays et le débat dans la presse est quelquefois de qualité (presse belge et suisse notamment )
Nous ne reviendrons pas sur les discussions méthodologiques autour des biais culturels traitées dans le précédent séminaire. Elles sont surtout l’ apanage des pays du Sud(France , Italie, Grèce), avec parfois la mise en cause de l’ OCDE : » le mandant est suspect. Notons toutefois qu’ est invoqué comme facteur de réussite l’ accoutumance au type d’ exercices présentés dans PISA.Un des resonsables de l’ évaluation britannique :Stephen Crowne reconnaît ainsi que les bons résultats de PISA s’ expliquent en partie par une proximité avec les évaluations existant en Grande Bretagne ( Rencontres de la DESCO -31 Mai 2002)
Les arguments d’ insuffisance d’ investissement dans l’ Education sont parfois avancées(Allemagne , Communauté Francophone de Belgique ), notamment mais pas seulement par les représentants des enseignants mais nous avons vu lors du séminaire précédent que la relation côut performance n’ était pas évidente. Une variante est de souligner cette insuffisance dans le secteur des technologies éducatives, considérées par l’OCDE , comme un facteur favorable au développement de la lecture et où la Finlande s’ illustre
Les performances économiques des pays sont également avancées. Le cas de la Finlande , voire de la Suède , qui ont des résultats remarquables en matière de recherche et de développement technologique , ceux de l’Irlande ou de la communauté flamande sont ainsi cités . Inversement , comme on l’ a constaté en France, les vieilles régions industrielles (Wallonie , Nord Rhénanie Westphalie) ont plus de difficulté pour la réussite des élèves d’ origine modeste.
Une troisiéme série d’ hypothéses tourne autour de la composition de la population scolaire avec la question des immigrés , celle de la mixité sociale et celle du climat des établissements. L’ absence de banlieues difficiles , le bon climat scolaire des établissements , le faible pourcentage d’ élèves d’ origine étrangère expliquerait le bon résultat des finlandais et de certaines régions suisses ou canadiennes .UNn observateur suisse fait judicieusement observer que Suisse et Canada ont à peu près le a même proportion d’ immigrés et qu ˜ en tenant compte de cette dimension , les résultats médiocres des élèvzs allemands ne seraient pas fondamentalement changés. Certains commentateurs et notamment un des principaux responsables de L’OCDE dans le domaine éducatif mettent également l’ accent sur la mixité sociale et soulignent les mauvais résultats des pays qui font une ségrégation précoce.( Allemagne , Suisse) Cela rejoint des hypothèses faites en France sur l’ excellence de la Bretagne qui mettent en avant la mixité sociale . Ces discussions sont intéressantes dans la perspective du débat sur le collège unique mais le modèle scandinave apparâit comme moins inégalitaires que le modèle anglo-saxon
Des questions comme l’ impact du redoublement ( Allemagne , Belgique , Italie ), de la formation des enseignants ( Allemagne , Belgique ), de l’ autonomie des établissements sont aussi évoquées
Deux types de recommandations sont fréquents :
– la nécessité d’un véritable enseignement préscolaire et d’ un abaissement de l’ âge de la scolarisation obligatoire ( Suisse ,Allemagne )
_la nécessité de doter les pays qui n’ en n( ont pas d’ un dispositif d’ évaluation fondé sur des standards nationaux et des tests de comparaison des performances à ces standards. l’ existence de ces dispositifs est considéré comme un facteur explicatif des bonnes performance s des élèves canadiens ou finlandais . Encore faut il s’ en servir !
2 la reception en Allemagne et en france
Dans un deuxième temps nous nous intéresserons tout particulièrement à la réception de PISA en France et en Allemagne, deux pays qui se sont targué d’avoir parmi les meilleurs systèmes éducatifs et qui ont obtenu l’un des résultats moyens, et l’autre des résultats médiocres. Or les réactions des deux pays, tous deux entrant dans une campagne électorale, ont été totalement contrastées. L’Allemagne a vécu PISA comme une catastrophe nationale, remettant en cause les fondements de son système éducatif et en a fait un des thèmes majeurs du débat public Des réformes de structure ont été proposées.
En France on a relativement moins parlé de PISA que de la refonte des programmes de philosophie ! . Le débat n’a pas été porté volontairement au niveau politique
L’analyse s’est portée avant tout sur une étude détaillée des forces et faiblesses des élèves français et sur les pratiques pédagogiques que pouvaient révéler ces résultats. Le point particulier du rapport a l’ erreur a été ainsi particulièrement relevé.
a) présentation du système allemand
Avant de rentrer dans l ˜analyse des débats en Allemagne peut être faut – il résumer rapidement les lignes de force du système éducatif Allemand
C’est un système très décentralisé, la compétence étant intégralement celle des Länder et le ministre fédéral de l’éducation, qui n’existe que depuis 1969, ne joue qu’un rôle extrêmement limité, à des questions de financement notamment. Le seul organe de coopération est celui de la commission de la fédération et des Länder pour la planification de l’éducation et le développement de la recherche. L’harmonisation en détail de l’enseignement est mise au point par la conférence des ministres de l’éducation régionaux.
Des progrès ont été faits en matière de reconnaissance mutuelle des examens et d’harmonisation des programmes mais toute décision importante d’harmonisation requiert l’unanimité Ce qui frappe l’observateur français, habitué aux dogmes des programmes et horaires nationaux, c est la diversité des programmes et des horaires. L’article du Monde de l’éducation de février 2003, intitulé : Allemagne, un exemple à ne pas suivre parle de 2600 programmes scolaires. Le baccalauréat (Abitur) n’est pas identique d’un Land à l’autre. Sur dix ans de scolarité élèves de Rhénanie -Westphalie reçoivent 1400H d’allemand contre 1900H pour les élèves bavarois.
– une absence de véritable enseignement préscolaire Le Kindergarten allemand n’est pas l’équivalent de notre école maternelle et tient plutôt d’une garderie, en ne proposant que peu d’activités d’apprentissage de type préscolaire
– le caractère cloisonné des filières après l’enseignement primaire, correspondant à peu près à la situation de la France d’avant le collège unique.
Les élèves en fonction de leur niveau scolaire sont répartis en trois filières pour le premier cycle de l’enseignement secondaire : la Realschule et de la Hauptschule qui débouchent essentiellement sur des écoles supérieures techniques ou sur l’enseignement dual ( apprentissage) et le Gymnasium (Lycée ) qui seul débouche à terme sur des études supérieures et l’entrée à l’Université. Les Länder sociaux – démocrates sont pour un décloisonnement mis en œuvre de manière encore modeste dans des Gesamtsschulen, les Länder chrétiens- démocrates y sont plutôt opposés et sont pour une sélectivité renforcée. On parle de débat : massification contre qualité
-L’organisation différente des rythmes scolaires mais avec une journée plus courte s’arrêtant à 13h et des vacances annuelles moins longues
_ un système dual c’ est à dire fondé sur une alternance en entreprise très importants , , point qui ne concerne pas les questions débattues aujourd’hui .
Notons que sur les deux derniers points, place de l’apprentissage ( période Cresson à Matignon ) et rythmes scolaires jusqu’à récemment, le système éducatif allemand faisait figure de référence. Il faut donc se garder des modèles.
b) le débat en allemagne
Les mauvais résultats enregistrés pour PISA ne sont pas vraiment une surprise pour les experts. Déjà , au début des années 1990,l’ étude IRLS( « ˜international reading literary study » ), centrée sur la lecture, avait classé le pays tout juste dans la moyenne ainsi que l’enquête TIMSS sur les mathématiques et les sciences. Les spécialistes des questions pédagogiques, connaissaient déjà les faiblesses du pays en la matière. . Dés 1999 avait été crée un « Forumbildung », un forum d’experts chargés d’élaborer des recommandations. Parmi celles ci – présentées en janvier 2002 lors d’un colloque, on peut citer notamment :
Le renforcement du secteur pré -élémentaire en lui donnant une vocation pédagogique
L’augmentation du nombre d’établissements offrant la journée continue
La diffusion de la formation tout au long de la vie
L’ école doit transmette non seulement des connaissances mais enseigner des compétences sociales.
L’utilisation des nouvelles technologies de communication doit être enseignée de manière systématique
Le niveau des qualifications doit être élevé, l’apprentissage de compétences transversales favorisé et une plus grande perméabilité des filières assurée
L’éducation et la formation des jeunes issus de l’immigration doivent être améliorées.
Les établissements doivent être plus autonomes et se soumettre à des évaluations externes ou internes.
Les travaux des experts du FORUM ont été corroborés par les résultats de PISA, qui a donné une justification empirique à un malaise diffus.
On a pu en effet parler de « PISA-CHOC » comme les syndicats d’enseignants, d’un « deuxième phénomène du Spoutnik », allusion au retard américain dans la conquête spatiale en 1957. Le patronat a parlé de scandale, de catastrophe éducative. Les ministres de l’éducation des Länder, ont jugé ces résultats inacceptables. 3Les élèves allemands sont – ils stupides, titrait le célèbre hebdomadaire « Der Spiegel »Le pays des « poètes et des penseurs découvrait un système éducatif peu performant ; le pays de l’économie sociale de marché, le tenant de l’égalité des chances se révélait comme le pays dans lequel les différences sociales étaient les plus marquées et les facteurs déterminants plus qu’ailleurs des difficultés scolaires. , le plus incapable d’ intégrer les enfants d’ immigrés. Le patronat allemand d’un pays réputé pour la qualité de sa main d’œuvre, s’inquiétait de ces résultats et de la capacité à maintenir cette qualité lors des renouvellements de génération. S’y ajoutait, de manière secondaire, le fait de ne pas côtoyer scandinaves, britanniques et anglo -saxons mais les pays du « Club-med » latins.
Cet électrochoc a permis au départ initialement de créer un certain consensus au niveau politique autour des mesures suivantes :
– Renforcement de la vocation scolaire des établissements préscolaires avec un effort sur les enfants de l’immigration.
– Programmation par les Länder d’une augmentation du nombre d’établissements fonctionnant en journée continue, avec une aide fédérale de 4milliards d’Euros
– Développement de dispositifs d’évaluation externes et internes.
Ce consensus vola en éclats lorsque fut publiée en juin 2002 une étude complémentaire donnant des résultats région par région et mettant en tête les Länder gouvernés par la CDU. L’ » opposition y vit une différence entre la pédagogie molle, démagogique et égalisatrice des sociaux – démocrates et celle plus élitiste et valorisant le goût de l’effort des chrétiens démocrates. ( on retrouve les débats français sur la pensée post » soixante-huitarde ») Cela n’ avait pas grand sens on les spécialistes Allemands qui faisaient remarquer que les régions de gauche avaient une proportion plus forte d’ élèves d’ origine étrangère et de milieux défavorisés, inversement La Bavière qui a les meilleurs résultats pratique une certaine sélectivité sociale. On voit de ce point de vue la meilleure qualité du débat en France sur ce type de comparaisons, entre établissements par exemple, avec la notion de « valeur ajoutée » qui tient compte de la composition de la population scolaire.
Cette polémique donna l’occasion au chancelier Schröder d’affirmer sa position dans un discours important le 27- 6- 2002 fondée sur l’argumentation suivante :
-le constat : *déficiences, voire débâcle de l’école allemande en insistant sur le fort pourcentage d’élèves ayant de graves difficultés en lecture, les trop forts handicaps liés à l’origine sociale, et la situation particulièrement difficile des enfants de migrants
• L’insuffisance de la coordination des ministres régionaux de l’éducation et le caractère vain du palmarès entre Länder
– L’objectif : être dans dix ans parmi les cinq premiers dans le monde en matière d’éducation
Les moyens :
• Unification des programmes scolaires et constitution de normes nationales sur les compétences des élèves.
• Remédier au déséquilibre de financement primaire secondaire et favoriser l’enseignement primaire (cf. discussion lors de la première séance sur les déséquilibres français)
• augmenter le nombre d’écoles ouvertes toute la journée
• priorité à l’ enseignement de la langue allemande et mise en place de dispositif d’ évaluations pour en vérifier le niveau atteint . Une attention toute particulière sera apportée à l’apprentissage des enfants de migrants, notamment par une scolarisation précoce ˜ on rejoint ici les conclusions tirées en France
• développer une véritable pré scolarisation et abaisser l’ âge de la scolarisation
• autonomie plus grande des établissements, point qui apparaît peu relié aux autres mesures mais qui est recommandé, et par l’OCDE, et par la Commission Européenne
La situation fragile du gouvernement Schröder et son absence de majorité au Bundesrat rendra très difficile un recul sensible du fédéralisme, une unification des programmes et un abandon des filières séparées avec la promotion de la « Gesamtsschule » Le consensus semble en revanche possible sur le renforcement de la journée continue pour lequel les Länder accepteraient un financement fédéral, sur un apprentissage dés le pré-scolaire et sur la mise au point de tests d’ évaluation communs à tous les élèves. Les Länder semblent prêts à introduire des standards scolaires communs et unifiés dès la rentrée 2004_-2005,même si tout n’est pas réglé sur les modalités de travail en commun entre le Bund et les Länder.Ces standards communs seraient prévus en allemand, mathématiques et langues.
Il reste à regarder rapidement les positions prises par les enseignants, le monde patronal et les experts en éducation
Les enseignants et leurs représentants syndicaux ont aussi considéré les résultats de PISA comme alarmants. Ils ne s’en sentent pas responsables et renvoient cette responsabilité sur les politiques qui n’ont pas assez investi dans l’éducation.
Il faut noter que les enseignants français interrogés sur le métier d’enseignant ne considèrent pas, pour une grande majorité d’ entre eux que l’échec des élèves incombe à l’école, encore moins aux enseignants eux même. . Ils ne sont pas très favorables à des évaluations systématiques et ont attaqué les politiques favorisant le redoublement.
Ils ont enfin déploré que, dans cette affaire, on ait plus « caqueté que pensé » et ont regretté des solutions à courte vue
Le patronat allemand, s’est engagé, plus qu’il ne l’avait fait et plus sans doute que cela serait concevable en France dans le débat sur l’école. Les résultats de PISA ont été considérés comme une honte par le président de la confédération allemande Michael Rogowski ; C’est un scandale que une des premières nations industrialisées ait un taux d’alphabétisme de 22% dit le président de la confédération des employeurs allemands Dieter Hundt. Ce dernier ajoute que les programmes doivent être dépoussiérés et concentrés sur les connaissances de base, ce qui permettrait de réduire la durée des études ( CF certaines idées comparables de Claude Allègre)Il prône des standards nationaux qui doivent être vérifiés par des tests. Il est pour la journée continue, contre la suppression du redoublement, pour le maintien des filières séparées et pour le salaire des enseignants au mérite. Il ne voit pas pourquoi les enseignants du primaire et du collège sont moins payés que les enseignants du lycée. Le responsable d’un des plus grands cabinets de conseil aux entreprises Roland Berger demande une augmentation des investissements dans l’éducation. . Le président de la fédération des chambres de commerce déclare : » Si nos élèves ne ressortent pas de l’ école avec les bases minimums , il est temps que les patrons entrent dans le débat pour faire pression. »
Les experts et notamment le Max Planck Institut notent qu’il faut éviter de tirer des conclusions hâtives et mettent en garde contre un activisme politique qui consisterait à se focaliser sur une mesure isolée censée apporter dans de brefs délais une solution à tous les problèmes mis en évidence par l’étude PISA
Tous les chercheurs insistent sur les efforts à faire en faveur des enseignements préscolaire et primaire et sur la nécessité de dispositifs d’évaluation nationaux. Il n’y a pas accord en revanche sur la question des filières différenciées. Andréas Schleicher ; un des responsables du secteur éducation de l’OCDE, pense que c’est un handicap pour l’Allemagne, position que ne partage pas Jürgen Baumert responsable allemand pour PISA. Ces deux experts s’accordent pour attirer l’attention sur l’importance à attacher aux pratiques pédagogiques des enseignants. Ils prônent une formation moins universitaire et plus pratique ( CF débat en France sur les IUFM) et une diversification des pratiques pédagogiques.
c) le débat en France
Il n’ y a pas eu de véritable débat en France , en tout cas pas de débat politique et le choix de porter le débat sur le plan technique a été délibéré. Les raisons en sont multiples :
-Les résultats , moyens , n’ étaient pas , comme en Allemagne , susceptibles de provoquer un choc et pas assez bons pour faire de l’ autosatisfaction
-Le ministre de l’ époque Jack Lang avait été choisi pour calmer les esprits
-La France était habituée à une pratique de l’ évaluation et les données de PISA ne contredisaient pas des orientations comme redonner de l’ importance à la lecture ou mesurer les compétences et pas seulement les connaissances des éléves de collège de manière standardisée
La direction en charge de l’ évaluation (DPD ) avait développé une culture consistant à présenter les résultats d’ évaluation non en terme de palmarès mais en terme d’ analyse. La présentation des résultats de PISA a été faite par le ministère et non dans le cadre d’ une conférence de presse de l’ OCDE et des hypothèses de travail avaient pu être émises et notamment celles du droit à l’ erreur
Les données de PISA ont été mises à disposition des chercheurs avec financement de projets. Des présentations ont été faites devant des représentants des syndicats d’ enseignants ( colloque de l’ institut de recherche de la FSU ) , devant les chercheurs ( biennale des sciences de l’ éducation ) . PISA et les évaluations internationales ont été présentées , dans le cadre du programme national de formation continue des enseignants lors d’ une université d’ été .
La position française , telle qu ˜ elle vous est présentée dans les documents joints , repose sur les principes suivants :
PISA apporte un regard complémentaire à une longue pratique d’ évaluation des acquis des élèves . IL permet notamment de voir que notre système est moins inégalitaire et présente une dispersion moindre que d’ autres pays.
Il faut aller au delà d’ une lecture de palmarès et voir ce que révèlent les résultats de PISA comme forces et faiblesses de nos élèves . Les analyses à conduire sont donc des analyses à finalité pédagogique , portant sur les processus d’ apprentissage et les pratiques pédagogiques des enseignants . C’ est sans doute l’ originalité de la réaction à PISA , dans notre pays tournée non pas vers des mesures structurelles et organisationnelles mais vers la recherche de réponses aux questions posées par les résultats de PISA . CE sont donc quelques hypothèses de reflexion qui vont être présentées rapidement à partir de quelques constats et qui sont développées dans les documents joints.
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La position moyenne de la France cache des performances très variables suivant les activités proposées. L ˜ analyse des résultats par item permet de mettre en évidence cette variabilité . Ainsi, en compréhension de l’ écrit , pour plus de 20% des items testés , la France se classe parmi les cinq premiers pays et parmi les dix derniers pour un nombre comparable d’ items
Dans ce domaine PISA distingue trois compétences :
-S’ informer c’ est à dire savoir prélever des informations dans un texte , compétence pour laquelle nous sommes au -dessus de la moyenne
-Interpréter , c’ est à dire donner du sens à un texte compétence pour la quelle nous dépassons aussi la moyenne internationale
-Réagir c’ est à dire mettre le texte en relation avec leurs connaissances , leurs idées et leurs expériences , compétences pour laquelle , à l’ opposé des britanniques , nos résultats sont inférieurs à la moyenne ;
En mathématiques nos éléves sont particulièrement bons en géométrie et dans la lecture et l’ interprétation de graphiques , deux points particulièrement pratiqués dans notre enseignement . En mathématiques et en cultures scientifiques nos élèves sont plus à l’ aise lorsqu’ ils sont sollicités sur des supports scolaires , beaucoup moins autrement
Si l’ on poursuit l’ analyse , nos élèves sont paradoxalement à l’ aise lorsqu’ ils sont face à des QCM, peu pratiqués dans l’ enseignement français et beaucoup moins lorsqu’ ils ont des réponses construites à effectuer . Le nombre de non réponses est alors particulièrement élévé . Des hypothèses ont été faites à partir de ces premiers résultats.
La question réagir repose partiellement sur la capacité à l’ argumentation qui est plus développée en seconde et comporte un nombre important d’ items qui sollicitent l’ opinion des élèves. Or les élèves français semble particulièrement démunis lors qu’ on fait appel à leur avis personnel. . Une des hypothèses est qu’ ils sont réticents à donner leur opinion car ils ne sont pas sollicités à le faire dans le cadre de l’ école.
La seconde hypothèse porte sur l’ apprentissage de l’ écrit ; le très fort taux de non réponse peut laisser supposer que nos élèves ont des difficultés particulières dans le domaine de l’ expression écrite. Une hypothèse complémentaire porte sur les rapports entre l’ écrit et l’ oral. En effet la pratique orale de l’ argumentation , le recours au débat permettent de structurer l’ écrit et peut -être les élèves français n’ ont ils pas acquis , faute d’ un oral construit, les mécanismes de pensée propres à les aider à répondre au type de question en jeu dans la compétence réagir.
Ceci nous renvoie aux pratiques dans les classes . Relève aussi de l’ observation des pratiques dans les classes et de la relation mâitre élève, la réticence des jeunes français à répondre L’ erreur , considérée par l’ école , non pas comme nécessaire à l’ apprentissage mais comme une faute, et stigmatisée comme telle, pourrait -être à l’ origine de l’ attitude des élèves , quel que soit leur niveau.
L’ article de la revue Futuribles , une évaluation mondiale des élèves de 15 ans reprend ces hypothèses en constatant que le taux de non réponse à des questions ouvertes est double en Allemagne , France , Italie et Japon de ce qui est observé en Finlande , au Canada et aux Etats-Unis. Ces différences , s’ interroge l’OCDE traduisent elle dans les premiers pays , un comportement particulier vis à vis de l’ incertitude, une faiblesse à développer des raisonnements originaux ou une approche plus scolaire ? Alain Michel , membre du Centre pour la recherche et l’ innovation dans l’ enseignement (CERI) de l’OCDE reconnaît que l’ Ecole en France ne favorise peut-être pas la créativité et prone une conception de l’ Ecole , moins académique et plus pragmatique. L’ ensemble de ces réflexions mérite un dialogue approfondi avec les enseignants , les concepteurs des programmes scolaires et les chercheurs en éducation.
L’ étude PISA , au delà des critiques que l’ on peut faire , tant méthodologiques que dans le mode de présentation des résultats , aura eu le mérite de :
• redonner de l’ importance au débat sur l’ éducation dans différents pays , malheureusement pas en France.
• montrer tout l’ intérêt de la connaissance des systèmes éducatifs étrangers et de l’ échange autour des bonnes pratiques , sans pour autant rechercher des modéles
• favoriser la recherche en éducation, par la richesse des données accumulées
• attirer l’ attention sur les inégalités dans l’ éducation et sur la nécessité de mieux prendre en compte les difficultés des enfants de migrants.