Dans un billet de décembre 2010, suite à l’appel de l’AFEV j’avais affirmé que “orientation et notation se tenaient la main ». La suppression des procédures d’orientation que je défends dans mes présents billets, suppose de réfléchir à cette liaison dangereuse.
Que réclame la procédure d’orientation à la française ?
Face à la demande d’orientation formulée par les parents (passer dans telle classe) la réponse du conseil de classe ne peut avoir que deux valeurs : oui ou non.
- L’élève peut ou non passer dans la classe supérieure.
- L’élève doit ou non aller vers la voie professionnelle.
- L’élève doit ou non redoubler.
Pour répondre à une question binaire, le système de la notation est parfait. Le chiffre attribue à une performance une valeur qui ne décrit en rien cette performance. Elle va simplement permettre de la hiérarchiser par rapport à une autre. Cette opération d’oubli de la cause étant faite, on va pouvoir combiner ce chiffre à un autre, et obtenir à nouveau … Un chiffre !
Et oh merveille, un chiffre à également une propriété binaire : on a 15 ou on n’a pas 15. C’est simple. Et la circulaire de 1880 que je citais dans le billet, reposait sur cette simplification. Mais elle allégeait encore plus le travail du conseil de classe en édictant une limite, la norme qui permettait de prendre la décision du passage en classe supérieure : la sacrosainte moyenne.
Y a pu de norme extérieure
Mais pépin d’importance, en 1969, on supprime les compositions trimestrielles, chaque enseignant produit ses épreuves, et dans la foulée, les nouvelles procédures d’orientation de 1973 n’édictent plus aucune norme, laissant les acteurs locaux avec ce travail de définition et de régulation des flux scolaires.
Donc Reste la question épineuse “combien faut-il pour passer ?”. Et l’on obtient la fameuse réponse de Fernand Reynaud (pour les anciens, l’histoire du fut de canon) : “ça dépend” ! Mais ça dépend de quoi au fond ?
Protection et paix scolaire
En résumé cela ne peut dépendre de rien de sérieux puisque dans ces différentes opérations la nature des performances à été effacée par l’opération de la notation. On n’obtient plus qu’un système de comparaison-hiérarchisation des élèves de la classe. Depuis l’apparition des logiciels de traitement de notation, les choses ont d’ailleurs empirées. Leur capacité de visualisation des comparaisons et autres statistiques étant très importante, les conseils de classe se passent de plus en plus dans une fascination face à l’écran. Les chiffres et les courbes de plus en plus sophistiquées se multiplient, et les “systèmes d’évaluation” l’emportent sur une réflexion sur l’évalué.
Maintenir la notation permet ainsi d’éviter la question épineuse “qu’est-ce qui a été appris”. Mais pas seulement cette question… Il y en a une autre qui est évitée et qui en le faisant maintien la paix scolaire : “quelle justification donner à cette note ?”.
Notre enseignant français reste à l’abri de ce questionnement.
Bernard Desclaux