In Questions d’Educ – le 30 janvier 2014 :
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[…] Les mauvais résultats du système éducatif français auraient tendance à nous faire oublier que la question de la réussite de tous les enfants se pose dans de nombreux pays. Souvent les mêmes constats, conduisent aux mêmes prises de consciences et aux mêmes préconisations. Ainsi en est-il de l’étude belge conduite par GROSJEAN Sandrine pour le mouvement socio-pédagogique CGE (ChanGement pour l’Egalité) et intitulé « Apprendre en maternelle Dépasser la bienveillance ».
« Des inégalités en maternelles ? Oui, elles existent. Et qu’en fait-on ?
Il est très rare que les enseignants du maternel se voient comme des acteurs politiques. Pourtant, l’école a une triple fonction sociale : instruire, socialiser et sélectionner.
On peut supposer que tous les enseignants se reconnaissent dans le premier objectif qu’on pourrait reformuler en disant : faire entrer tous les jeunes dans la culture de l’écrit et de l’abstrait, transmettre un savoir qui aille au-delà du savoir-faire.
Pour le deuxième, la socialisation, il y a déjà plus de nuances. Autant les enseignants du maternel voire du primaire sont très conscients de cette mission et la prennent en charge, autant au secondaire, bon nombre de professeurs dissocient ces fonctions en disant « moi je suis là pour enseigner, pas pour éduquer ».
Pour le troisième objectif, la sélection, la tendance s’inverse. Les enseignants du fondamental ne s’y reconnaissent pas, là où certains enseignants du secondaire assument partiellement au moins ce rôle.
Pourtant, notre système scolaire agit à ces trois niveaux et donc tous les agents du système contribuent plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement aux différents objectifs.»
Ainsi débute cette étude qui met en évidence des « pratiques de classe qui agissent sur le passage de l’enfant à l’élève, au-delà de la bienveillance » des enseignants. L’analyse de sept séquences trouvées sur la toile montrent « que certaines pratiques favorisent l’entrée dans les apprentissages scolaires, d’autres moins ». Tout en rappelant que « les apprentissages en maternelles servent de fondation à toute la scolarité », l’auteure qu’il est « indispensable que les adultes » qui les accompagnent les enfants « soient conscients des passages nécessaires » qui leur permettent de devenir « des élèves apprenants. Faute de quoi, les enfants dont les familles sont éloignées de la culture scolaire risquent de passer à côté des attitudes indispensables pour apprendre, creuset des inégalités scolaires. »
Comme dans le cas de l’École française, cette étude met en lumière les dérives de la sélection qui conduisent à ce que ce soient « les enfants ayant les indices socioéconomiques les plus faibles qui sont le plus maintenus en maternelle et orientés vers l’enseignement spécial » et participant ainsi à « une reproduction des inégalités de génération en génération ».
Lutter contre cette dérive demande d’être conscient des choix effectués, mais aussi –dans un souci de prévention- « de mettre en œuvre des stratégies qui misent sur le maillon le plus faible, les enfants les plus éloignés de la culture scolaire ». Le constat révèle alors que, dans le cas d’intégration d’enfant porteur de handicaps ou dans la prise en compte des difficultés d’apprentissage, « les appuis et les relais se créent et tous les élèves en profitent ».
L’étude qui tente « de mettre en lumière des pratiques de classe qui permettent de lutter contre les inégalités ou qui inconsciemment les renforcent », conclut donc que « l’enseignant est un acteur politique qui a une réelle possibilité d’action sociale, seulement il n’en est que rarement conscient, car il a peu de connaissances sur les impacts de ces actions dans la reproduction des inégalités »
Des éléments essentiels à mettre au cœur de la formation de tous les enseignants et acteurs de l’Éducation… et pas seulement en Belgique