J’avais préparé une conférence de 25 minutes. Puis j’ai appris, il y a quelques jours, qu’il fallait se limiter à 12 minutes. J’ai passé 2 jours à tenter de rogner la moitié et là j’ai réussi à faire un texte totalement inintelligible… Alors j’ai envoyé promener ma belle conférence, me disant que j’ai écrit pas mal de textes que tout le monde peut lire en ligne, plus un livre, et je me suis souvenue de mon séjour cet automne à l’Université de Princeton, où j’avais présenté une conférence sur la laïcité. Philip Pettit, l’un des collègues qui me recevaient, a trouvé un raccourci. Pour résumer les différences entre le modèle de tolérance à l’anglo-saxonne et le modèle laïque, il a dit : Nous on commence par 1, eux ils commencent par zéro. Cela tient en quelques secondes !
Et la question de la laïcité peut très bien être posée en réfléchissant sur ce raccourci. Car aujourd’hui on a le choix entre deux modèles pour assurer la liberté de conscience. Le modèle de la tolérance s’interroge à partir de l’existant : il y a différentes religions, différentes communautés et il faut les faire exister ensemble, les fédérer. Et la plupart du temps cette fédération s’appuie sur ce qu’il y a de commun : c’est l’idée que tous croient à quelque chose, ou du moins à des valeurs et que sans ces valeurs, le lien politique ne peut pas être construit valablement. C’est le « 1 » de Philip Pettit. Le modèle de la laïcité commence par zéro, cela consiste à dire « toutes les croyances, incroyances et positions vont s’inscrire dans un espace qui les rend possibles, y compris celles qui n’existent pas ici et maintenant ». Et pour construire cet espace, il faut supposer que le lien politique est totalement étranger à tout autre lien, qu’il n’a pas besoin d’un modèle préalable de type religieux.
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