Catherine Moisan, directrice de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), revient sur l’importance de bien mesurer les performances des lycées.
LE FIGARO – Depuis 22 ans, le service statistique de l’Éducation nationale (Depp) produit des données sur les performances des lycées. Dans quel but ?
Catherine Moisan – L’objectif est d’informer les familles et de fournir des données plus complexes et plus fines que le seul taux de réussite au baccalauréat. Celui-ci ne suffit pas à mesurer la performance d’un établissement. La Depp mesure donc la capacité d’un lycée à «garder» ses élèves et à les emmener jusqu’au bac, en prenant en compte le profil de l’établissement et des élèves qui le fréquentent. Par exemple, un lycée général et technologique de Seine-Saint-Denis n’a pas la même population qu’un lycée de Neuilly. Notre modèle statistique tend à effacer les biais pour calculer la capacité à faire progresser les élèves. L’an prochain, nous ajouterons peut-être les notes au baccalauréat, afin d’aller au-delà de cette donnée binaire qu’est la réussite ou l’échec à l’examen.
Vous prendriez alors en compte les mentions au bac, chose que vous vous refusez à faire pour le moment… Pourquoi ?
Les mentions ne sont, au fond, que des notes. Nous ne les prenons pas en compte parce qu’elles n’ont aucun impact sur l’orientation vers le supérieur, notamment les filières sélectives. Cette orientation se joue bien avant les résultats du baccalauréat.
En prenant le parti de mesurer une progression, les lycées réputés, au top sur les différentes données, sont pénalisés…
C’est vrai qu’ils n’ont pas de marge de manœuvre. Ce sont des lycées qui accueillent des élèves de bon niveau, plutôt socialement favorisés. Nous connaissons bien ces établissements. La France est un pays qui sait parfaitement faire réussir son élite. Dans le classement international Pisa, cette élite rivalise avec les petits Coréens, qui trustent le haut du tableau. Le problème, c’est que les écarts scolaires se creusent de plus en plus en fonction des déterminismes sociaux. Ce constat doit devenir une problématique collective. Aujourd’hui, près de 1,9 million de jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni à l’école, ni en emploi, ni en en formation. C’est un gâchis économique, qui annonce des bombes sociales.
La Depp fait ce constat d’inégalité depuis plus de vingt ans… En quoi l’Éducation nationale agit-elle ?
Ces statistiques sont un formidable outil de pilotage pour les recteurs. Elles leur permettent de comprendre pourquoi des équipes réussissent, là où d’autres sont en difficulté. L’utilisation de ces données, qui concernent pas moins de 4000 lycées, est donc avant tout locale, pas nationale.
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