Une onde de choc de forte amplitude
Les tueries de ce début d’année, à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, ont produit une onde de choc de très forte amplitude sur l’opinion publique de notre pays. On a pu en mesurer l’effet, dès le week-end suivant, quand des marches républicaines, d’une ampleur inattendue, se sont déroulé un peu partout en France, à Paris comme en province.
La force de ce séisme, sur nos compatriotes, peut s’expliquer par la conjonction d’un ensemble d’évènements exceptionnels : l’exécution à la kalachnikov, sur leur lieu de travail, d’une équipe de journalistes et de dessinateurs en raison de leur impertinence à l’égard de l’islam, la prise en otage et l’assassinat de clients d’un magasin cacher au seul motif qu’ils étaient juifs, l’achèvement, à terre, d’un policier blessé d’origine maghrébine, etc.
Cependant, pour beaucoup d’entre nous, l’élément le plus déstabilisant de ces journées tragiques aura été que ces meurtriers fanatiques ne venaient pas d’une contrée lointaine, où la sauvagerie règne de façon habituelle. Les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, nés et scolarisés en France, vivaient près de chez nous, ils étaient nos compatriotes et nos voisins. Comme on avait commencé à le pressentir avec Mohamed Merah, ce trio sanguinaire nous a démontré que l’école laïque, les dispositifs sociaux de l’Etat providence, et les valeurs de la République, ne faisaient pas obstacle au développement de la barbarie islamiste dans nos banlieues. Le 11 janvier, à Paris, les républicains de la classe moyenne blanche éduquée, qui défilaient avec des panneaux « je suis Charlie », l’ont d’ailleurs bien compris en applaudissant policiers et CRS…
La prise de conscience de cette réalité dérangeante est particulièrement traumatisante pour la France, pays des droits de l’homme et du citoyen, terre d’accueil, depuis longtemps, d’apports migratoires nombreux et variés. D’autres réactions, plus souterraines et moins visibles, comme le sont les répliques d’un tremblement de terre, sont donc à attendre au cours des prochains mois. Il y aura, vraisemblablement, un avant Charlie et un après Charlie.
Pourtant, depuis de nombreuses années déjà, les acteurs de terrain, présents dans les quartiers difficiles, y font des constats alarmistes. Ils y observent, notamment, que beaucoup des jeunes issus de l’immigration post coloniale, confrontés à l’échec scolaire et aux discriminations, expriment une désespérance sociale qui nourrit de spectaculaires replis communautaires et diverses formes de violences et de délinquance. Dans le contexte des tueries de janvier dernier, ces observations, qui ont été largement négligées par les pouvoirs publics jusqu’à maintenant, apparaissent préoccupantes pour l’avenir de notre vivre ensemble. Le sociologue Didier Fassin, dans une enquête approfondie sur l’univers carcéral, espace privilégié de propagation de l’islamisme radical, a d’ailleurs relevé récemment que, dans la maison d’arrêt étudiée à cet effet, 77% des détenus appartenaient à une minorité ethnique et raciale avec, notamment, 35% de noirs et 32% d’origine maghrébine. […]
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