InCFDT – le 5 mai 2014 :
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À l’occasion du Conseil Supérieur de l’Éducation du 5 mai 2014, consacré à l’étude du décret modifiant le décret de 2013 sur les rythmes scolaires, Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen-CFDT, a lu la déclaration liminaire ci-dessous.
Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les membres du CSE,
Je voudrais résumer la position du Sgen-CFDT en trois remarques.
La première est que le Sgen-CFDT n’était pas demandeur d’une modification du décret de 2013 sur la réorganisation de la semaine scolaire. Non que celui-ci fût parfait : nous avons toujours dit qu’il faudra un jour en reprendre les termes, afin d’aller plus loin dans la réduction de la journée scolaire et de trouver une meilleure répartition des temps d’apprentissage. C’est en ce sens que, pour nous, la réforme des rythmes scolaires est inachevée.
Mais après une année 2013 dominée par une controverse médiatique – pas toujours très honnête – sur le retour à la semaine de 4 jours et demi, il nous semblait que l’ensemble des collègues, enseignants et non enseignants, avaient démontré leur volonté d’aller de l’avant, même si tout n’est pas rose sur le terrain. Les remontées des quelques 20 % de communes qui ont appliqué la réforme dès cette année scolaire sont plutôt positives, chacun s’accordant sur les mérites d’un meilleur étalement du temps scolaire, tant pour les apprentissages des élèves que pour les conditions de travail des enseignants. Et d’une manière générale, la contestation organisée par certains n’a pas fait recette, la logique paradoxale du slogan « ni semaine de 4 jours, ni semaine de 4 jours et demi » n’ayant évidemment convaincu personne. L’appel dilatoire à une énième rediscussion du décret de janvier 2013, à une « autre réforme » ou une « vraie concertation » tourne manifestement à vide.
Ce que les collègues attendent aujourd’hui, c’est qu’on aborde pour de bon la question de leurs conditions de travail et surtout au niveau local, car c’est là, et pas dans la lettre d’un décret, que se joue l’essentiel. Il est donc nécessaire pour eux qu’il y ait un cadre réglementaire stable, qui favorise la concertation. Les collègues veulent aussi que l’on s’occupe de leurs rémunérations. C’est le sens de la pétition « A métier identique, rémunérations et carrière identiques » que le Sgen-CFDT a lancée en janvier et dont nous vous avons remis les 18 000 signatures il y a quelques jours. Et sur ce point-là, ils attendent toujours des réponses – mais il est vrai que l’heure n’est pas à la générosité salariale.
Le décret qui nous est proposé vise à établir un « armistice » avec les municipalités qui contestent encore la réforme, certaines avec de bons arguments, d’autres avec des motivations plus partisanes. S’il faut donner un peu de souplesse aux communes qui affrontent de vraies difficultés en matière de transports des élèves, pourquoi pas ? S’il faut donner un coup de pouce à celles qui ont le plus de mal à organiser un accueil périsoclaire de qualité, pourquoi pas ? Et même s’il faut faire un geste envers ceux qui sont hostiles par principe ou par posture, pourquoi pas ? Mais à condition que ce soit pour réellement avancer dans l’esprit de la réforme, et que l’objectif final soit bien de réduire la journée scolaire et de mieux répartir les apprentissages dans la semaine.
A condition aussi de rappeler que si la construction d’un accueil périscolaire de qualité est rendu nécessaire par la réforme des rythmes scolaires, elle n’en constitue pas l’objet principal et ne doit pas devenir le motif pour y renoncer. Les rythmes scolaires doivent impérativement changer dans le premier degré, quel que soit le service d’accueil périscolaire que la société est disposée à construire, quelle que soit la capacité à s’entendre de l’État et des collectivités locales. On ne peut pas s’alarmer des mauvais résultats français aux tests PISA ou de la montée de l’échec scolaire et en même temps continuer d’organiser la journée de classe sans tenir compte des capacités d’apprentissage et de concentration des élèves. On ne peut pas prétendre faire de l’enseignement primaire une priorité nationale et dans le même temps continuer de donner aux élèves moins de 150 jours de classe par an. On ne peut pas, d’une manière générale, être crédible sur la volonté réformatrice si on juge infaisable la réorganisation de la semaine scolaire.
Le décret crée deux domaines de dérogation supplémentaires : la possibilité de réduire la semaine scolaire à 8 demi-journées, contrebalancée utilement par l’obligation d’y inclure 5 matinées, et la possibilité de réduire le volume horaire hebdomadaire en allongeant le calendrier annuel. Avec celles qui étaient déjà prévues par le décret de janvier 2013, on obtient un niveau de souplesse tel qu’il n’est pas possible de prévoir ce qui sortira de la boîte de Pandore. Cela peut être le meilleur : des organisations innovantes permettant d’appliquer la réforme dans l’esprit en surmontant des contraintes locales. Cela peut être le pire, et notamment une semaine à 3 journées de 6 heures et deux demi-journées de 3 heures, qui cumulerait les inconvénients de la semaine Darcos – des journées scolaires trop longues pour être efficaces – et de la semaine Peillon – où l’on travaille 5 jours par semaine. Mais rien, dans la lettre des textes qui nous sont soumis ici, ne peut garantir que nous aurons l’un ou l’autre. Tout reposera finalement sur le jugement des recteurs qui devront autoriser ou non les expérimentations, puisque les délais imposés sont trop serrés pour imposer une concertation suffisamment approfondie qui aurait pu constituer un rempart efficace contre bien des dérives possibles. Cela justifie de notre part un certain attentisme.
Nous n’étions pas demandeur d’un nouveau décret, nous ne nous sentons pas impliqués par le deal avec les municipalités récalcitrantes, nous sommes dans l’expectative quant aux conséquences finales de ces assouplissements : vous comprendrez que le Sgen-CFDT s’abstienne.