In Fenêtres sur cours Mai 2011 :

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Julie Delalande (Ethnologue, professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Caen) porte un regard d’anthropologue sur la recré comme lieu de sociabilisation, d’apprentissage et de transmission culturelle.

En se comportant de la manière attendue, il reproduisent des stéréotypes correspondant à la demande sociale avec une hiérarchie des sexes et une suprématie du masculin sur le féminin. Pendant la récréation, les enfants construisent une partie de leur identité par affinité avec les enfants de leur sexe. Il y a là un paradoxe entre la réalité et les discours bien-pensants qu’on retrouve aussi en classe car les enseignants n’ont pas la même attitude envers les filles et
les garçons. La culture enfantine qui se transmet pendant la récréation est-elle la même partout?
Ce point vient de faire l’objet d’un travail collectif auquel j’ai collaboré . On constate des invariants et des jeux communs dans tous les pays : les jeux d’attrape entre garçons et filles, les jeux de «plouf-plouf» avec beaucoup d’inventivité et d’humour dans les comptines utilisées. Mais la culture enfantine se nourrit également beaucoup de la culture des adultes  et on y retrouve donc les spécificités des  sociétés de chaque pays. Ces particularismes ont tendance à reculer sous l’effet d’une culture universelle mondialisée véhiculée par des films, des dessins animés, des jouets communs à tous les pays. Pour que la culture enfantine vive et se transmette, il est essentiel que les enfants puissent avoir des moments pour la construire et dans des pays comme le nôtre, ils se raréfient. C’est aussi une des fonctions essentielles de la récréation.

Pourquoi la récréation est-elle indispensable pour les enfants?
La récréation est un moment de socialisation très important pour les enfants. Contrairement à ce que pensent beaucoup d’adultes, les enfants ne grandissent pas uniquement à leur contact mais en développant des relations entre pairs. La récréation apporte un cadre fixe dans sa durée et sa répétition qui permet la constitution de groupes stables. Elle fournit aux enfants un espace privilégié au sein duquel ils peuvent mettre à l’épreuve et tester de manière autonome les enseignements des adultes.

Quelle doit être la place des enseignants?
Ils peuvent se contenter d’une position d’observateurs, être là dans l’espace, présents pour répondre aux sollicitations mais laisser les enfants se débrouiller entre eux tant qu’ils y parviennent. Le maintien de la récréation comme espace de liberté est d’autant plus important que notre société organise énormément les relations entre enfants même en dehors de l’école. Si les enseignants n’interviennent pas directement, tout ce qu’ils ont enseigné reste présent aux yeux
des enfants. Bien sûr, la relation de confiance qu’ils ont établie avec leurs élèves est essentielle pour arbitrer les conflits, recueillir leur parole et porter une attention
particulière à ceux qui souffrent. On peut aussi reprendre en classe les situations qui posent problème.

Quel est le cadre idéal pour la récréation?
Plus on a d’enfants, plus on a de conflits et de danger potentiel. L’espace doit être suffisamment grand pour offrir des sous espaces propices à des activités différenciées : jeux de ballon, jeux de course, jeux plus calmes… Tous les enfants sont à la recherche de lieux secrets, un peu isolés de l’agitation. Je pense aussi qu’il y a un intérêt, quand c’est possible, à mélanger les âges. Cela permet de maintenir les contacts entre les fratries et de favoriser les apprentissages des plus jeunes au contact des plus grands.

Violences, brimades, harcèlement: comment lutter contre ces dérapages?
Même s’ils font la une de l’actualité, ces phénomènes ne sont pas nouveaux Les chercheurs et les historiens, comme la littérature, ont montré qu’ils sont inhérents aux collectivités d’enfants. Le rôle des adultes est de donner aux enfants la possibilité de réfléchir afin de passer de la violence physique à la parole. Mais attention à apporter une réponse satisfaisante à l’enfant agressé qui doit avant tout «sauver la face» pour préserver l’estime de soi. Les relations garçon -fille sont souvent au coeur des préoccupations enfantines pendant la récré. L’école a institué la mixité en pré-supposant à tort qu’une relation égalitaire entre les sexes allait s’établir d’elle-même. Les enfants doivent se débrouiller au quotidien de cette réalité. Ils vivent la différence des sexes en s’appropriant ce que la société leur donne à voir.