Le repas est traditionnellement un moment d’échanges et de convivialité.
Les mots « copain » ou « compagnon » signifient partager le pain, le repas avec quelqu’un et montre bien l’importance d’un « manger ensemble ».
Aujourd’hui on rencontre beaucoup de difficultés pour que tous mangent ensemble la même chose : Allergies, régime « sans gluten », végétarien ou végétalien, principes d’origine religieuse ou traditionnelle…., autant de blocages susceptibles d’entraîner des tensions lors des repas, d’autant plus qu’il est très ardu de pouvoir respecter à la lettre les différentes prescriptions susceptibles d’être présentées lors des repas.
Faut-il pour autant prôner un individualisme alimentaire forcené où chacun mangerait de son côté ce qu’il souhaite ou faut-il mettre en avant ce qui unit plutôt que ce qui sépare ?
Que disent les textes réglementaires ?
La question des « interdits alimentaires »a existé dès la mise en place de l’école laïque, publique, gratuite et obligatoire. Les textes concernant les cantines , dès la création de l’école laïque par Jules Ferry , préconisent de respecter les interdits alimentaires religieux des élèves . Il faut dire qu’à l’époque , il y avait de nombreux interdits alimentaires catholiques : viande ou gras le vendredi, gras et gâteaux pendant la période de Carême…..
La logique de ces textes peut ainsi se résumer :
- L’école a une attitude passive de respect des interdits religieux. Elle propose à l’élèves des solutions alternatives : poisson le vendredi, repas sans porcs…..leur permettant de se restaurer sans enfreindre les interdits religieux.
- L’école n’a pas à avoir dans ce domaine un rôle actif en faisant la promotion de pratiques alimentaires religieuses. Ainsi, dans la suite logique de l’attitude des textes du début du XXe siècle qui refusaient face à l’attitude de certains communes qu’on serve obligatoirement pour certaines fêtes religieuses du « pain béni », il apparaît que l’école n’a pas à proposer de la viande kasher ou hallal , ou « certifié zen»
C’est dans cet esprit qu’a travaillé la Commission STASI sur la laïcité en 2003 :
« Les administrations prennent en considération, davantage que par le passé, les interdits alimentaires liés aux convictions religieuses. Les responsables des cantines dans les écoles, les hôpitaux et les prisons veillent à proposer, dans la mesure du possible, des menus diversifiés.
Des substituts au porc et le poisson le vendredi doivent être proposés dans le cadre de la restauration collective (établissements scolaires, pénitentiaires, hospitaliers, d’entreprise). »
Une circulaire du ministère de l’intérieur du 16 août 2011 « Rappel des règles afférentes au principe de laïcité – demandes de régimes alimentaires particuliers dans les services de restauration collective du service public » a notamment indiqué :
« La laïcité n’est ni le reniement ni le cantonnement des religions. Elle est la condition du respect des choix personnels dans une société ouverte où histoire et patrimoine ont été souvent forgés par les grandes traditions spirituelles ou religieuses.
La laïcité de l’Etat implique donc une neutralité des services publics à l’égard de toutes les croyances ou pratiques religieuses.
Cependant, le service s’efforce de prendre en compte les convictions des usagers dans le respect des règles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement. ….
Ces règles s’appliquent aussi en matière de restauration collective fournie aux usagers dans certains services publics comme les établissements d’enseignement, les établissements pénitentiaires ou les hôpitaux.
Dans chacun des services offrant une prestation de restauration collective, la neutralité est la règle, même si l’organisation de chaque service obéit à des dispositions particulières.
Il n’en reste pas moins, qu’en pratique, la plupart des cantines proposent depuis longtemps des substituts au porc, et servent du poisson le vendredi, permettant ainsi le respect des prescriptions ou recommandations des trois principaux cultes présents en France. »
Gérer le collectif et le singulier
Peu de personnes pour différentes raisons rejettent les fruits et les légumes. Une belle occasion de faire manger ensemble des produits « naturels », de faire découvrir de nouvelles saveurs……de permettre de montrer la qualité de ces produits partagés en commun par tous.
Reste la viande ou le poisson….L’idéal est dans ce domaine de permettre le choix ou le non-choix, avec un self service avec des propositions diversifiées et équilibrées exclusivement consacré à cette partie du repas pour permettre à chacun de manger convenablement en conformité avec ses obligations, préceptes ou principes alimentaires……
Un certain nombre de communes ont résolu cette question en proposant dans les écoles maternelles et élémentaires ( la question ne se pose pas dans les lycées et collèges où il y a à peu près partout des self-services avec possibilités de choix) un repas commun à tous les enfants composé de légumes et de laitages et, en sus, un choix effectué par l’enfant entre viande de poulet de bœuf, porc, poisson ou oeuf, plat de légumes en supplément. Un tel dispositif évite des pré-inscriptions des enfants selon leurs traditions, et les éduquent à la diversité des choix alimentaires.
Quand à la question des restes pouvant exister dans ce cas, pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui se fait en Suède, en Finlande, aux USA et dans d’autres pays où pour n’avoir à jeter aucun reste de ce qui a été proposé dans les cantines des écoles primaires, des « doggy-bag » pour leur repas du soir sont proposés aux parents lorsqu’ils viennent chercher l’enfant ?
Jean-Louis AUDUC mars 2015
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