SOMMAIRE
INTRODUCTION : INTERNET A L’ECOLE, LANCEZ-VOUS SANS PLUS ATTENDRE !
SE LANCER, OUI MAIS COMMENT ?
Comment choisir vos pratiques numériques ?
Des pratiques numériques au service des compétences
Test psycho : pour quelle(s) pratique(s) numérique(s) êtes-vous fait ?
L’équipement
Les disparités de matériel informatique dans les écoles
Comment équiper idéalement sa classe ?
En cas de matériel insuffisant, agissez !
Comment avoir Internet dans la classe ?
Les obstacles à dépasser
Comment se former au numérique ?
La formation initiale
La formation continue
Le Droit Individuel à la Formation
Les échanges avec des collègues
Les recherches sur le web
LES RESEAUX SOCIAUX ET LES BLOGS
Les réseaux sociaux
Comment choisir son réseau social ?
Les compétences travaillées grâce aux réseaux sociaux
Les obstacles à dépasser
Les blogs de classe
Les compétences travaillées grâce aux blogs
Comment choisir sa plateforme de blogging ?
Comment je m’y mets ?
Les obstacles à dépasser
LES ENT, LES VIDEOS, LE SON ET LES PHOTOS VIA INTERNET
Les espaces Numériques de travail
Un ENT, kézako ?
Comment cela fonctionne-t-il techniquement ?
Un ENT, ça change quoi au quotidien ?
Comment je m’y mets ?
La vidéo, le son, la photo via Internet
Les compétences travaillées et les intérêts de la production vidéo, photo et audio
Comment je m’y mets ?
Les obstacles à dépasser
CONCLUSION : APPRENEZ EN MEME TEMPS QUE VOS ELEVES !
SITOGRAPHIE
GLOSSAIRE
ANNEXES
Les documents pratiques
Les modèles d’autorisation
5 exemples de fiches de préparation
INTRODUCTION
«Internet à l’école», ces mots ne doivent surtout pas vous effrayer ! Les Instructions officielles de 2008 pour l’école ne vous obligent pas à devenir des enseignants «geeks» ! Répondre aux exigences des programmes concernant l’usage d’Internet dans votre classe ne nécessite ni formation particulière ni matériel compliqué à utiliser. Lorsqu’on s’intéresse au détail du volet numérique des IO 1, il en ressort la volonté d’intégrer Internet à votre pratique de manière simple et transversale.
Loin de rejeter le fondement des IO, les professeurs des écoles reconnaissent à 97% la valeur ajoutée des outils numériques dans l’enseignement2. Au programme : faire des élèves des internautes autonomes capables de se servir du matériel informatique et d’Internet au quotidien pour enrichir leurs connaissances, créer, présenter et partager leur travail mais aussi communiquer par messages. Le tout avec le souci d’inculquer une culture numérique fondée sur la responsabilité (comportement en ligne) et l’esprit critique dans la gestion des données traitées (recherche et tri des informations).
Internet à l’école, une urgence sociétale
Michel Guillou 3, observateur du numérique éducatif et des médias numériques, consultant et conférencier confirme : «
La question de se lancer ou non sur Internet avec les élèves ne se pose plus. Elle s’impose aux enseignants en dépit de toutes les difficultés matérielles engendrées par ces usages et de l’absence de “preuves scientifiques” concernant les bénéfices du web sur le niveau des élèves.» L’école n’a pas le choix, elle doit simplement s’adapter à l’évolution globale de la société. Selon l’Insee 4, trois ménages français sur quatre possèdent une connexion à Internet ! Et plus de 80 % des parents estiment que le développement des technologies du numérique a un impact positif sur l’enseignement5. «La question n’est pas de savoir si le numérique entrera ou non dans toutes les écoles mais avec quelle rapidité il le fera», explique le journaliste Emmanuel Davidenkoff dans son livre Le Tsunami numérique 6.
Selon Michel Guillou, l’utilisation d’Internet à l’école ne répond donc pas à un besoin. Elle va de soi. L’économie est numérique, la société est numérique, les élèves sont numériques ! Il ne s’agit pas de faire évoluer les comportements des enfants mais bien de s’adapter à ce qu’ils sont devenus. C’est à dire, des enfants habitués aux écrans. À 10 ans, 34 % des enfants sont équipés d’un smartphone 7. 48 % des enfants de 8-17 ans sont connectés à un réseau social (Facebook) 8. 44 % des 6-8 ans surfent déjà sur Internet 9. Ces digital native ou encore mobile born en pleine évolution métacognitive pourraient être amenés à penser de plus en plus comme ils surfent : en revenant en arrière au besoin, en changeant de
support d’accès au savoir en cas de blocage, en prenant du recul sur leurs apprentissages.
Stéphanie de Vanssay10, enseignante et conseillère technique au SE-Unsa chargée notamment de la question du numérique à l’école, avance un argument de poids : «On ne peut laisser les parents seuls face à l’éducation à Internet car cela creuserait les écarts entre les élèves des familles favorisées à l’aise avec le numérique et les autres.» D’autant que la spécialiste rappelle que la pratique à la maison est inégalement accompagnée par les familles et qu’elle n’est pas spécifiquement tournée vers les apprentissages mais plutôt vers les loisirs. «L’école peut et doit permettre à tous les enfants de transférer les habiletés développées dans des activités numériques ludiques dans des usages au service des apprentissages.» Aussi, l’école doit permettre de créer de nouvelles compétences qui à leur tour pourront enrichir les pratiques personnelles des enfants. « C’est l’hybridation des usages ludiques et scolaires et la capacité à détourner un outil qui sont déterminantes», conclut Stéphanie de Vanssay. Pour rappel, seulement 61 % des parents français se sentent à l’aise pour accompagner leurs enfants dans leurs usages des technologies numériques…11
Bref, les profs n’ont plus le choix : ils doivent se connecter en classe. «La possibilité pour chaque élève de donner son opinion à la portée du monde (via un blog ou les réseaux sociaux) constitue désormais une liberté fondamentale. L’acte de publication est devenu universel. Nous sommes tous producteurs de média.», insiste Michel Guillou. Lire, écrire, compter et publier, voilà pour lui le programme de l’école de demain.
Et Stéphanie de Vanssay d’ajouter : «Être capable de se constituer des réseaux et de les utiliser au quotidien pour s’informer, échanger, trouver des solutions, travailler est devenu une compétence précieuse de nos jours. » Au lieu de craindre les réseaux sociaux, les enseignants ont donc tout intérêt à les pratiquer avec les élèves. Il existe bien une autre obligation de la société numérique faite à l’école : apprendre aux élèves à se mouvoir dans l’espace numérique. «Comme un instituteur explique à sa classe le code de la route en sortie, il indique les précautions à prendre sur Internet : règles de publication, protection des données privées, obligation de citer ses sources, etc.», défend Michel Guillou. 91 % des moins de 29 ans considèrent d’ailleurs que maîtriser les outils numériques est devenu indispensable pour évoluer dans le monde du travail 12.
Pourtant, sur les 97 % d’enseignants convaincus par le numérique à l’école, seuls 5 % d’entre eux l’utilisent tous les jours 13.
Internet, un enjeu qui dépasse les enseignants
Un obstacle matériel se dresse d’abord : «Quand il n’y a pas le minimum (selon moi une connexion et au moins un terminal connecté dans chaque salle de classe), c’est très difficile d’intégrer le numérique dans le quotidien de la classe. Il y a encore une majorité d’écoles primaires dotées d’une seule salle informatique, plus ou moins bien équipée, où les classes se relaient sur un créneau d’une heure par semaine ! » Pour Stéphanie de Vanssay, la question de l’équipement n’arrange donc rien mais n’est pas seule responsable de la situation. «Un enseignant déterminé se débrouillera toujours avec les moyens du bord et un enseignant qui ne veut pas ou se sent incompétent, même avec tout le matériel qu’il faut, n’en fera rien ou pas grand-chose.»
À quoi tient alors cette absence de détermination et de confiance en soi ?
«Il ne faut pas croire que les professeurs, même les plus âgés, sont freinés par un manque de compétence ! Ils sont pour la plupart des internautes aguerris. Ce qui les empêche de passer la vitesse supérieure c’est l’absence d’exemplarité dans leur pratique. Ils continuent à enseigner comme on le leur a appris, c’est à dire sans allumer un ordinateur.» Pour Michel Guillou, le décalage entre pratique personnelle et pratique professionnelle se creuse donc un peu plus chaque jour. Et une formation spécifique n’y changerait rien ou si peu… «C’est une question de volonté politique. Les modalités d’enseignement ne suivent pas la révolution numérique. Pour preuve, à ce jour, aucune épreuve n’intègre le numérique au baccalauréat ! Sans parler de l’interdiction pour les élèves du secondaire d’utiliser un smartphone dans l’enceinte du collège ou du lycée ! On croit rêver !»
Michel Guillou dénonce aussi l’absence de soutien qui sévit dans certaines académies. «La pression hiérarchique est terrible. Il faut demander moult autorisations avant de développer un projet. Les enseignants innovants sont rarement reconnus et encouragés. Les professeurs référents numériques sont bénévoles.» Un sentiment que partage Jean-Philippe Solanet-Moulin 14, professeur des écoles en CM2 à Beauvais et enseignant 3.0 : «Pendant longtemps j’ai eu le sentiment d’être pris pour un fou furieux par mon inspection.»
Stéphanie de Vanssay tente d’expliquer ces réticences : «Internet désarçonne les générations plus anciennes et cela n’est pas spécifique aux enseignants. Dans leur cas, ils craignent qu’Internet leur retire une partie de leur rôle de “transmetteur” de connaissances. Il existe une peur très forte de perdre le contrôle surtout chez les cadres de l’Éducation
nationale. Internet n’est pas compatible avec des pratiques pédagogiques “à l’ancienne” fondées sur la transmission magistrale des savoirs. Il rend encore plus nécessaire les pédagogies actives et/ou différenciées (qui ne sont pas nouvelles mais restent minoritaires), la collaboration entre élèves, le travail par projets, la résolution de situations complexes… » Autant de pratiques auxquelles les enseignants n’ont pas été formés dans leur cursus universitaire. La conclusion du rapport Fourgous 15 (mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines, sur l’innovation des pratiques pédagogiques par le numérique et la formation des enseignants) résume : «Il faut faire évoluer les pratiques pédagogiques traditionnelles vers des pratiques innovantes, comprenant un peu de magistral, mais surtout permettant à l’élève de développer sa confiance, d’expérimenter, de collaborer, de créer… tout en respectant les différences de chacun d’entre eux : ce n’est pas avec l’éducation d’hier que nous formerons les talents de demain (…)» « La logique de formation des enseignants orientée vers un concours et une transmission verticale des savoirs s’assortit mal de la pratique collaborative propre au numérique », corrobore Jean-Philippe Solanet-Moulin. Autrement dit, tant que l’état d’esprit de l’Éducation nationale et les moyens mis en œuvre n’évoluent pas (modalités d’enseignement, matériel, formation), il ne reste que le système D. Excepté dans les secteurs qui ont profi té d’une volonté politique forte et d’un budget conséquent comme le plan ENR dont a bénéfi cié Sandrine Menut, enseignante dans la Marne, qui témoigne de “sa chance” : « Personne n’a été obligé de s’y mettre mais le matériel mis à notre disposition, la possibilité de choisir en concertation un ENT (Espace Numérique de Travail), les formations qu’on nous a proposées ont porté leurs fruits. Aujourd’hui, tous les profs qui ont bénéfi cié de ce plan école numérique rurale participent activement même si c’est à des degrés différents. »
Ailleurs, les enseignants les plus motivés par le changement ont fait le choix de ne pas attendre, conscients de la lenteur d’une harmonisation des pratiques et des disparités budgétaires.
Internet à l’école, une révolution horizontale
« Pour innover, vivons cachés ! », résume avec humour Jean-Philippe Solanet-Moulin. Dans la plupart des académies, la révolution numérique gagne donc les salles de classe de l’intérieur grâce à la toile d’araignée géante que tissent les profs sur le web. « Les écoles bouillonnent d’initiatives que les classes retrouvent sur Internet. Les échanges d’expériences et d’activités pédagogiques entre instit’ ont lieu sur les réseaux (surtout Twitter) et les blogs de façon horizontale. Il faut espérer que cette “résistance” fera changer le sommet de la pyramide avec le temps. » Jean-Roch Masson, professeur des écoles dans une classe de CP à Dunkerque, a lui été inspiré par Laurence Juin 16, professeur en lycée professionnel à la Rochelle et initiatrice de l’utilisation pédagogique de Twitter. Depuis, l’enseignant est devenu une référence dans le domaine et il avoue compter bon nombre de journalistes et de communicants au sein de ses abonnés Twitter. Aujourd’hui, il existe près de 200 twittclasses dans l’hexagone17. La médiatisation liée aux pratiques numériques dites « innovantes » amplifi e ce phénomène de transmission horizontale des savoirs. Joachim Wiard, professeur des écoles dans une classe de CM1 à Cambrai, confi e qu’il s’est lancé dans l’aventure de Twitter après avoir vu un reportage à la télé sur une twittclasse à Paris. Il y a donc beaucoup d’échanges entre professeurs des écoles de régions différentes, parfois plus qu’entre collègues d’un même établissement… « La transmission de savoirs entre collègues d’une même école commence à fonctionner. À force de communiquer à l’extérieur sur mes projets numériques, mes voisins et voisines de classe se sont intéressés à mon travail », ajoute Jean-Philippe Solanet-Moulin. Les « convertis au numérique » n’ont plus qu’à répandre leur bonnes ondes !
2 | www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-content/uploads/2012/09/consulter_la_
comparaison_internationale_sur_le_numerique1.pdf
3 | Le blog de Michel Guillou : culture-numerique.fr et sur Twitter : @michelguillou
4 | www.insee.fr/fr/mobile/etudes/document.asp?reg_id=0&id=3849
5 | Étude réalisée en face à face, du 28 novembre au 2 décembre 2013, pour l’INRIA auprès de 1 145 individus
âgés de 14 ans et plus. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, PCS
du chef de famille) après stratification régions et habitat.
6 | Le Tsunami numérique, Emmanuel Davidenkoff, Éditions Stock, 2014.
7 | Étude TNS Sofres pour Action Innocence et l’UNAF
8 | Enquête réalisée par TNS SOFRES par téléphone auprès d’un échantillon national représentatif de 1 200 enfants
et adolescents de 8 à 17 ans.
9 | www.lexpress.fr/actualite/societe/insultes-sur-facebook-il-n-y-a-pas-d-impunite-sur-internet_935718.html
10 | Les articles de Stéphanie de Vanssay sur le blog du SE-Unsa : ecolededemain.wordpress.com et sur Twitter
@2vanssay
11 | Insee, mars 2011 : www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1340
12 | www.digischool.fr/actualites/etude-opinion-way-numerique-19926.php
13 | www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-content/uploads/2012/09/consulter_la_
comparaison_internationale_sur_le_numerique1.pd
14 | Son blog: jipsou.net; le site de sa classe (Google Sites): classenet.info; la chaîne YouTube de sa classe youtube.com/user/TabletteSTES; son Twitter : @jipsou; sa twittclasse : @CM2_A
15 | www.missionfourgous-tice.fr/missionfourgous2/IMG/pdf/Rapport_Mission_Fourgous_2_V2.pdf
16 | Son blog : maonziemeannee.wordpress.com, son Twitter : @frompennylane
17 | Classes référencées sur le site twittclasses.fr