PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation – n°37 • 1er trimestre 2007 :

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L’apparition de la notion d’inclusion dans le débat concernant la scolarisation des enfants en situation de handicap suscite différentes interrogations. Elles portent notamment sur la distinction entre cette notion et celle d’intégration et sur la pertinence de substituer un terme à l’autre. Le vocabulaire de l’inclusion n’est guère utilisé en français pour désigner des processus concernant des personnes. Il est au contraire courant en langue anglaise, souvent couplé à l’expression éducation inclusive, de plus en plus adoptée dans les organismes internationaux.

Une des difficultés dans ce débat réside dans le fait que cette expression, ainsi que celle d’intégration, n’ont pas exactement la même signification dans les différents pays et que chacune d’elle est même parfois utilisée dans plusieurs acceptions. Le terme d’inclusion et celui d’éducation inclusive sont parfois assimilés, en France, à des pratiques d’accueil qui se limiteraient à placer des élèves handicapés en milieu ordinaire, sans aucune réflexion sur les conditions nécessaires à cet accueil. En Angleterre, c’est plutôt sous le terme d’intégration que l’on désigne cette seule présence physique, alors que le terme d’inclusion implique une appartenance pleine et entière à la communauté scolaire. En Italie, intégration est encore couramment utilisé, alors que la politique éducative se place résolument dans la perspective de ce qu’on appelle ailleurs école inclusive. De plus, dans des pays qui ont adopté la terminologie de l’inclusion, comme l’Angleterre, certaines des pratiques continuent pourtant à relever de l’intégration.

En France, on préfère parler d’école pour tous. Dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et de chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le terme d’intégration ne figure pas, il y est question de formation scolaire, professionnelle et supérieure pour l’ensemble des personnes handicapées, et d’inscription dans l’établissement le plus proche du domicile pour les enfants ou adolescents handicapés ou présentant un trouble invalidant de la santé.

Au-delà de la question sémantique, il apparaît important de clarifier les différences conceptuelles qui émergent de toute la réflexion qui s’est développée à un niveau international, et que vise à traduire le changement de terminologie proposé.

Un accueil de la diversité

La notion d’école inclusive repose en premier lieu sur un principe éthique : celui du droit pour tout enfant, quel qu’il soit, à fréquenter l’école ordinaire. Elle s’oppose à l’exclusion ou à la mise à l’écart de certaines catégories d’enfants, en fonction de leurs caractéristiques. Elle se distingue aussi de l’intégration dans le sens où il ne s’agit pas d’accepter à l’école, ou d’y réintégrer, des enfants considérés au départ comme nécessitant une éducation séparée, en raison de différences ou de particularités. Une telle orientation mène en effet «à se demander quels élèves peuvent effectivement bénéficier de l’intégration et, par conséquent, quels dispositifs adopter : intégration à temps partiel ou non, classes ou unités spéciales etc.» (Plaisance, 2005). L’éducation inclusive, au contraire, est une position radicale «demandant que les écoles se transforment elles-mêmes en communautés scolaires où tous les apprenants sont accueillis sur la base d’un droit égal» (Armstrong, 1998, p. 53). Tous les enfants y ont, a priori, leur place de plein droit. Ce principe dépasse largement les seuls enfants en situation de handicap et concerne l’ensemble des élèves, quelles que soient leurs caractéristiques, individuelles, sociales, culturelles. Poser ce principe ne signifie pas pour autant un nivellement des différences, mais au contraire une reconnaissance de la diversité. L’objectif est de développer une école qui accepte et prenne en compte les différences.

« Une école inclusive accueille tout le monde sans distinction. Cela signifie que la culture de l’école doit être telle que personne ne soit stigmatisé (…). Le curriculum et la pédagogie doivent prendre en compte la diversité » (Armstrong et Barton, 2003, p.95).

Contrairement aux craintes qu’elle suscite parfois (Gillig, 2006), l’instauration d’une école inclusive ne peut se réaliser sans conditions, elle est même très exigeante. Mais une différence fondamentale avec l’intégration est que les conditions à rechercher ne se situent pas au même niveau. Dans une perspective d’intégration, elles se situent plutôt du côté des enfants. C’est sur eux essentiellement que repose l’effort d’adaptation à l’école et à ses normes de fonctionnement. Des aides individuelles leur sont en général apportées pour leur permettre de suivre l’enseignement tel qu’il est (Gossot, 2005). Dans une perspective inclusive, on considère que c’est prioritairement à l’école de s’adapter pour prendre en compte la diversité des élèves, c’est-à-dire de s’engager dans une évolution des pratiques d’accueil et d’enseignement, pour permettre à tous les élèves d’apprendre. L’intégration repose ainsi plutôt sur une conception individualisante (et déficitaire) du handicap, celui-ci étant lié aux manques du sujet, que l’on tente de compenser ou réparer.

Au contraire, la notion d’école inclusive prend en compte la dimension sociale du handicap, entendu comme une entrave à la participation, résultant de l’interaction entre des caractéristiques individuelles et les exigences du milieu. Elle met l’accent sur le fonctionnement scolaire et sur les conditions pédagogiques à instaurer pour réduire les obstacles aux apprentissages.

Une visée d’amélioration des pratiques pour tous

Cette nouvelle notion correspond ainsi à un renversement de perspective, par rapport à l’intégration. Ce sont deux conceptions distinctes qui engagent des orientations d’actions différentes, dans un cas davantage centrées sur les difficultés des élèves et les aides à leur apporter, dans l’autre cas sur l’aménagement du fonctionnement pédagogique pour permettre les  apprentissages de tous (Armstrong et Barton, 2003).

C’est aussi ce qui apparaît dans des travaux qui se sont attachés à caractériser des pratiques scolaires inclusives au regard des pratiques intégratives (Porter, 1999 ; Hinz, 2002). En France, lorsqu’on parle  d’éducation inclusive, on s’inscrit dans le prolongement de la loi d’orientation sur l’école de 1989 qui incite à une évolution des pratiques pour prendre en compte la diversité des élèves. Il s’agit tout autant de faire appel à la créativité pédagogique que de prendre appui sur des modes de travail qui ont fait leur preuve dans la perspective recherchée. Ainsi, l’éducation inclusive ne correspond pas à la mise en œuvre d’un corps constitué de pratiques nouvelles. Il s’agit plutôt d’une orientation pour la réflexion pédagogique. Elle consiste pour les professionnels à concevoir des fonctionnements d’établissement ou de classe, avec la préoccupation de permettre à tous les élèves, quels que soient leurs niveaux de performance et leurs difficultés, de bénéficier des enseignements scolaires.

Différents travaux internationaux font état de pratiques, considérées comme étant efficaces, pour engager la participation des différents élèves et permettre une vigilance à chacun de la part des professionnels (OCDE, 1999 ; Agence européenne, 2003 ; Belmont et Vérillon, 2003). Le principe d’éducation inclusive peut induire des modes d’accueil particuliers. Par exemple, un jardin d’enfant reçoit de façon systématique un tiers d’enfants handicapés et deux tiers de valides, en ne posant aucune condition a priori à cet accueil (Herrou C. et Korff-Sausse). En revanche, l’organisation des espaces et du matériel mis à la disposition de tous tient compte des difficultés de certains. Sur le plan pédagogique, il paraît pertinent, pour susciter la mobilisation des enfants dans les apprentissages, de les engager dans des situations de recherche, à partir de leurs compétences propres, d’encourager la coopération et les interactions entre pairs. De façon générale, il apparaît également que le travail en équipe donne des moyens pour assouplir le fonctionnement scolaire et trouver des situations qui favorisent la participation de tous les élèves. Il stimule une réflexion collective orientée vers la recherche d’une amélioration des pratiques.

En Angleterre, un outil, l’Index for inclusion, a été élaboré pour aider les écoles à infléchir leurs pratiques dans le sens d’une éducation inclusive (Booth et Ainscow, 2000). Ce document écrit, conçu par une équipe de chercheurs et de praticiens, a été diffusé dans tous les établissements par le ministère britannique de l’Éducation.

Il propose, comme support à une réflexion en équipe, un questionnement sur les obstacles aux apprentissages, liés au contexte, et sur les moyens que l’école peut mettre en oeuvre pour augmenter sa capacité à prendre en compte la diversité. Il est maintenant traduit en plusieurs langues.

Vers une intégration des compétences professionnelles

La démarche inclusive ne signifie pas pour autant abandonner les élèves dans le milieu scolaire où ils auraient seulement à se couler dans le flot commun. Il peut être nécessaire d’envisager des adaptations particulières en raison d’une déficience, d’utiliser du matériel ou des techniques spécifiques (par exemple, pour les sourds ou les aveugles) ou d’avoir recours à des professionnels ayant des compétences dans le domaine concerné, pour apporter un soutien individualisé. Cependant, des élèves peuvent être en difficulté, de façon temporaire ou durable, pour diverses raisons et, en conséquence, avoir besoin à un moment donné d’aides pour pouvoir bénéficier d’une situation éducative. Des mesures de soutien peuvent alors s’adresser à un groupe d’élèves. L’éducation inclusive suppose une conception souple du soutien qui s’attache au maximum à éviter la  stigmatisation des élèves. Dans cette perspective, l’objectif est que l’ensemble des soutiens dont tous les élèves peuvent avoir besoin soit disponible dans le fonctionnement ordinaire de l’école. Cela n’exclut pas pour autant que certains élèves puissent bénéficier par ailleurs de soins médicaux ou de thérapies, en dehors de l’école.

L’inclusion ne remet pas non plus en cause la nécessité de s’entendre sur des projets individualisés pour les enfants  handicapés en difficulté dans les apprentissages, mais la préoccupation est qu’ils s’inscrivent aussi dans le projet commun de la classe. L’objectif visé est de faire partager à tous les élèves la même culture et de leur donner la possibilité de développer leur personnalité en relation avec les autres.

Dans une perspective inclusive, on n’entend pas non plus se priver de l’expérience et des compétences acquises par les  professionnels spécialisés, concernant les enfants en situation de handicap. L’idée est plutôt que ces compétences soient intégrées dans le fonctionnement de l’école, que ces professionnels puissent intervenir au sein de l’établissement et devenir des ressources pour tous, élèves et enseignants. Il s’agit alors de mettre en commun les compétences de l’ensemble des professionnels (spécialisés et enseignants) pour construire des pratiques permettant aux différents élèves de progresser ensemble dans le cadre scolaire.

Une formation à l’éducation inclusive

Pour favoriser la scolarisation des enfants handicapés, on s’accorde, en général, sur la nécessité d’une formation pour les enseignants. Le développement d’une démarche inclusive conduit à repenser les contenus et les modalités d’une formation pour les différents professionnels concernés. Elle fait apparaître l’intérêt d’une formation centrée essentiellement sur l’approfondissement des compétences pédagogiques en vue de gérer la diversité des élèves. On voit également l’importance d’une sensibilisation au handicap, qui mette davantage l’accent sur la question de l’éducabilité que sur une présentation des déficiences. L‘éducation inclusive sollicite aussi le milieu spécialisé en tant que ressource pour l’école. Les professionnels spécialisés ont alors besoin d’être préparés à de nouveaux modes d’intervention dans les écoles, auprès des enfants et des adultes. Le travail en collaboration, que suppose la démarche inclusive, aussi bien au sein de l’école qu’entre écoles et structures spécialisées, ne va pas toujours de soi. Il reste souvent contraire aux habitudes. Il paraît indispensable que la formation porte également sur les pratiques de collaboration. On peut envisager dans cette perspective des formations en équipe, des formations pluricatégorielles. Des expériences ont déjà été engagées dans cette voie (Belmont et Vérillon, 2006).

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