PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Alternatives Economiques n°338 – septembre 2014 :

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couverture
La croissance peut-elle revenir ?
— septembre 2014 —
 

Malgré l’affirmation républicaine qui trône sur la façade de nos mairies, les inégalités sociales demeurent bien vivantes, puisque, loin de se réduire, elles semblent prospérer. Ce qui nous vaut à la fois un gros livre pluriel, dans lequel François Dubet a rassemblé, suite à un colloque organisé en 2013, les contributions de spécialistes renommés (Luc Boltanski, Alain Caillé, Jacques Donzelot, Marie Duru-Bellat, Pierre Rosanvallon…), et un autre, plus resserré, dans lequel le même auteur développe la thèse qu’il esquisse dans la conclusion du gros volume. Voilà donc, sur un sujet que l’on croyait rebattu, un tir groupé qui ne manque pas d’intérêt.

Inégalités des chances

Dans le premier volume, on retiendra notamment la contribution de Pierre Rosanvallon. Il y retrace la problématique de l’égalité des chances, censée permettre de classer chacun selon ses mérites, et en montre les limites, plaidant en faveur d’une "société des égaux" : car l’égalité des chances aboutit davantage à légitimer les inégalités qu’à les réduire, alors que, souvent, ces inégalités empêchent de "faire société" (comme le montre avec pertinence Jacques Donzelot à partir de ses travaux sur les prisons, les banlieues et les villes). Une position que ne partage pas totalement Alain Renaut qui, dans une ligne assez "rawlsienne", défend l’idée qu’il existe des inégalités justes.

Dans la conclusion à ce volume, François Dubet soutient la thèse que ce retour des inégalités, au moins en France, n’aurait pas pu se faire sans un certain accord de la population : le "désir d’égalité sociale recule dans notre société", estime-t-il, notamment en raison du fait que les gens se sentent moins proches, moins semblables, plus méfiants les uns à l’égard des autres. Aussi souhaite-t-il que soient mises en place des "politiques de solidarité".

Cohésion sociale

C’est justement cette idée qu’il approfondit dans le second livre, à la fois plus ramassé et plus abordable. Certes, la mondialisation et la financiarisation de nos économies ne sont pas étrangères à la remontée des inégalités, mais l’explication n’est pas suffisante. C’est la société française qui fait le choix des inégalités, assène-t-il dès les premières lignes. L’inégalité se décline au quotidien dans une multitude de comportements, où chacun d’entre nous cherche à s’assurer d’un rapport de domination, même symbolique, qui lui soit favorable. Quand on y ajoute la peur du déclassement, cela donne une société produisant une préférence collective pour l’inégalité.

La réponse consiste donc à développer la solidarité. Celle-ci était fondée jusqu’à présent sur l’intégration par le travail, par les institutions et par la nation. Tout cela a explosé. Le travail est fragmenté – diplômés/non-diplômés… -, l’individu prime et on ne croit plus à l’action nationale. Inutile d’essayer d’y changer quoi que ce soit, nous dit Dubet, c’est irréversible. Une hypothèse qui le conduit à fonder la solidarité sur une autre base : une meilleure cohésion sociale. Dans ce but, il propose quelques pistes générales (une représentation politique plus à l’image de la société) ou pointues sur son domaine de prédilection, l’école (qu’il veut plus autonome). Une approche intéressante, même si le lecteur se prend à douter de sa capacité à modifier les choses en profondeur.

La préférence pour l’inégalité. Comprendre la crise des solidarités, par François Dubet
La République des idées-Le Seuil, 2014, 128 p., 11,80 euros.
Inégalités et justice sociale, par François Dubet (dir.)
Coll. Recherches, La Découverte, 2014, 304 p., 25 euros.
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Categories: 4.2 Société

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