L’objectif du conseil général est de créer, à terme, dans chaque canton rural, une bibliothèque municipale associée.
Comment s’assurer que le livre soit accessible en tout point d’un département, y compris dans ses zones rurales et périurbaines? Depuis quatre ans, l’Indre-et-Loire fait le pari d’un réseau de bibliothèques municipales associées (BMA), directement liées à la bibliothèque départementale de prêt (BDP), pour plus de proximité et une mise à disposition plus importante de livres dans tous les cantons. Auparavant, la piste du bibliobus avait été abandonnée, dès 2000. «Un audit réalisé dans le département avait démontré que nous ne touchions que 1,87% de la population avec ce bus contre 12 à 15% avec une bibliothèque au fonctionnement moyen», raconte Didier Guilbaud, directeur du livre et de la lecture publique de Touraine.
C’est cet échec qui pousse, dans un premier temps, le conseil général à renforcer la création de bibliothèques sur le territoire, si bien que leur nombre passe de 85 en 2000 à 135 aujourd’hui. Pourtant, ce saut quantitatif ne résout pas tous les problèmes, et notamment «le manque de bibliothèques structurantes au niveau des cantons, qui correspondent en Indre-et-Loire aux bassins de vie », développe le directeur du livre.
Saut qualitatif
Pour rapprocher les livres des lecteurs, un plan de création de BMA est adopté en 2006. Objectif affiché par le conseil général: «rendre, à partir de ces bibliothèques, le même service que celui de la BDP », à savoir un large fonds de livres disponibles, un personnel professionnalisé, mais également des prêts réguliers aux petites bibliothèques municipales pour varier les écrits disponibles. Chaque BMA fait ainsi l’objet d’une convention entre le conseil général et la commune, voire l’intercommunalité, qui l’accueille. En contrepartie d’obligations de service et d’un budget minimaux pour la municipalité, le conseil général s’engage à renforce; l’investissement, met en commun son fonds de livres,apporte un soutien informatique et de formation du personnel, et envoie sur place une partie de ses effectifs. Avantage principal: «un maillage du territoire » plus efficace, estime Didier Guilbaud. Pour les villes qui acceptent cette collaboration, le saut qualitatif est certain. «Cela nous a permis d’avoir des bâtiments qu’une bibliothèque classique n’aurait jamais eue: 300 m2 pour environ 10000 habitants et une commune de 1000 habitants!» se félicite Alice Charon, bibliothécaire à la BMA de Neuvy-le-Roi. «Cela signifie aussi davantage de personnel départemental sur place et de proximité: les autres bibliothèques du canton n’ont plus besoin d’aller jusqu’à Tours pour se réapprovisionner », ajoute-t-elle. Animateur du réseau de la BMAde Sorigny, qui recouvre aujourd’hui les deux cantons de Chambray-IèsTours et Montbazon, Christophe Girault dresse le même constat: «La proximité géographique fait que les bibliothèques du canton peuvent venir plus souvent, une fois par mois à la BMA, contre une fois par trimestre auparavant pour aller à la centrale départementale. » Et d’ajouter que la circulation des documents n’en est que meilleure.
Longues négociations
Aujourd’hui les BMA sont au nombre de quatre: Amboise, Neuvy-le- Roi, Preuilly-sur-Claise et Sorigny, une cinquième étant en projet à Genillé. La direction du livre a pour objectif d’en créer vingt,« soit l’équivalent du nombre de cantons ruraux », décrypte Didier Guilbaud. Les discussions entre le conseil général et la municipalité à même d’accueillir une BMA ne sont d’ailleurs pas toujours chose aisée. «Les communes s’interrogent sur les principes de fonctionnement et ont souvent peur d’être dépossédées de leurs compétences culturelles », admet-il. Ainsi, le projet de Genillé, en pourparlers depuis un an et demi, ne devrait pas voir le jour avant 2013. Tout projet de BMA nécessite quatre à cinq ans pour aboutir, les communes devant être rassurées sur le maintien de leurs prérogatives et, en même temps, sur la capacité de la direction du livre de Touraine à les soutenir. Autre obstacle au bon fonctionnement du réseau d’une BMA: la difficulté à faire travailler ensemble les bibliothèques du canton sur des projets communs d’animation culturelle. «Les bibliothèques ont encore tendance à organiser leurs animations chacune de leur côté. Nous avons du mal à les fédérer pour lancer des projets ayant une résonance dans les deux cantons», regrette Christophe Girault. Enfin, les BMA ne peuvent pallier une des faiblesses des autres bibliothèques municipales «de base» : leur personnel bénévole, «beaucoup plus fluctuant que le personnel salarié », constate Alice Charon. Si les cantons ruraux accueillent de nouveaux habitants, ce sont surtout des actifs, «qui n’ont plus le temps de s’impliquer comme les anciens ». Et quand un bénévole part, il faut à la fois en trouver un nouveau – chose difficile – «et le former. Et les communes n’ont pas toujours les moyens d’engager du personne!», conclut -elle.
Aurélien Hélias
CONTACT
• Didier Guilbaud, directeur du livre
et de la lecture publique de Touraine,
tél.: 02.47.85.53.36, dguilbaud0cg37.fr