Il existe un courant de tradition politique, depuis la philosophie antique jusqu’au marxisme, qui considère que le collectif vaut davantage que l’individuel. Et donc que l’on doit sacrifier les individus à la collectivité. Un autre courant qui transparaît à travers la Déclaration des droits de l’homme, considère que la communauté doit respecter l’individu. Que donc, l’individu est au-dessus de la groupe, que celle-ci doit le servir plutôt que l’utiliser. L’individu est la « fin suprême ».
Dans un texte intitulé « l’individualisme et les intellectuels », E.Durkheim, 1898, réplique aux anti-dreyfusards en défendant une conception des droits et libertés de l’individu, conscient du bien commun. Au fond, « Etre individualiste tout en disant que l’individu est un produit de la société ».
Les analyses de R. Castel, 1995, modèrent quelque peu l’accent peu trop optimiste lié à ce vocable en soulignant les effets de sens opposés selon les catégories d’individus concernés. L’individualisme aurait une double face : un pôle positif d’une part, ou l’individu se pose comme sujet conquérant au-delà des formes d’encadrement collectif (culture de l’ego et de la performance) et qui peut aller jusqu’à l’affirmation tranquille de sa singularité et un pôle négatif d’autre part, par soustraction d’un réseau de proximité efficace où des individus « sans appartenance », G. Mendel, 1983, (sans statut, sans travail, sans titre scolaire…), représentent le versant sombre de l’individualisme contemporain qui prend de l’ampleur. C’est surtout vers ce type d’individus que se développement les initiatives étatiques d’aide à l’orientation et à l’insertion professionnelle.
Les auteurs divergent sur l’interprétation à donner à l’individualisme dans les sociétés de masse. Est-ce un suicide culturel, comme le prétend P. Ranjard , M. Maffesoli, 1988, en parle en termes de déclin : il s’établit un « va-et-vient constant ente la massification croissante et le développement des micro-groupes que j’appellerai « tribus »… La constitution en réseau des micro-groupes contemporains est l’expression la plus achevée de la créativité des masses ».
L’individualise méthodologique est un paradigme plus qu’une théorie générale. Selon Boudon pour expliquer un phénomène social quelconque dans quelque science sociale particulière il faut considérer le phénomène comme le résultat de l’agrégation des comportements individuels. Ce paradigme s’oppose au déterminisme social. R. Boudon distingue deux types de situations « interdépendance » et de « contrat » : la première amène l’individu à se définir indépendamment d’autrui, pour la seconde, les décisions des individus ne peuvent avoir lieu sans échange social. R. Boudon explique notamment pour quoi la démocratisation scolaire ne s’est pas accompagnée de l’égalité des chances scolaires, à travers en particulier la massification, ne s’accompagne pas nécessairement d’une réduction des chances scolaires. En accroissant l’investissement scolaire, chaque famille contribue à l’augmentation du niveau de la réussite sociale pour tous. Ici se dévoile un effet pervers qui a pour conséquence l’élévation des niveaux des diplômes.
L’ensemble structuré des rapports humains définissant une société ne se résume pas dans une juxtaposition, de solitudes calculatrices. Mais aucun modèle d’analyse n’a de chance d’être pertinent s’il fait l’économie de la dimension intentionnelle et stratégique des acteurs.