INCERTITUDE
« Il faut savoir que l’essentiel peut changer contre toute attente », Gaston Berger.
La caractéristique de la situation éducative est le surgissement d’ l’imprévu dans la classe.
Le fonctionnement des organisations de l’action sociale (organisations socio-éducatives, médico-sociales et médico-éducatives) se caractérise par un degré d’incertitude. E.C. Tolman, 1946, considère que devant toute situation nous émettons des hypothèses que nous cherchons à vérifier par notre action. Ce qui permet de donner sens à la situation et à nos actions. Ce processus aboutit à une structure de signification. Cette notion comporte trois éléments : un évènement signe, un évènement signifié et une voie comportementale menant du signe au signifié. Pour Tolman, la structure de signification est équivalente à une expectation qui envisage que le signe donne lieu à un comportement qui mènera au signifié. L’apprentissage consiste, à partir d’expériences, en la formation de structures signal-comportement-signifié.
La notion d’incertitude est une notion à double valence à la fois positive et négative,. C’est par le contrôle de zones d’incertitude pertinentes de l’organisation, là où la structure formelle n’a pu rendre prévisible les comportements, que l’acteur augmente sa marge de liberté et oriente les relations de pouvoir en sa faveur. Ces zones d’incertitude conditionnent la capacité d’action des sujets, leur permettant d’appliquer leurs stratégies personnelles visant à satisfaire leurs propres objectifs , différents des buts de l’organisation, M. Crozier, E. Friedberg, 1977.
Sur le plan psychologique, l’exercice du contrôle procure à l’individu un sentiment de maîtrise, de puissance et de compétence qui permet de satisfaire le besoin d’estime de soi, (N. Dubois, 1987, J.L. Beauvois, 1996). La valence de l’incertitude devient négative quant l’incertitude fait peur, et qu’elle parlyse l’action et empêche le contrôle de l’environnement. L.Festinger considérait que pour pouvoir agir, il faut atteindre un seuil minimum de certitude.Quand ce seuil n’est pas atteint, on parle de la privation du contrôle, Dépret, E. 1996. « La recherche active de d’information » face à des situations incertaines se traduit par une augmentation du niveau de vigilance et de l’attention, c’est-à -dire une mobilisation des ressources cognitives pour maîtriser l’environnement. « La réactance psychologique », Brehm, J.-W. 1993, est définie comme l’état d’un sujet qui face à une situation incertaine constate qu’une partie de ses possibilités comportementales est réduite ou éliminée et qu’il ne peut pas exercer du contrôle sur son environnement comme il pensait pouvoir le faire ou comme il se considérait être en droit de le faire. Dans ces deux types de réaction, à savoir la recherche active de l’information et la réactance psychologique, il existe toujours chez la personne un élan pour rétablir le contrôle, en revanche dans le troisième type de réaction à savoir, « la résignation acquise », le sujet ne fait plus l’effort du contrôle. C’est un apprentissage de l’impuissance, du non-sens qui peut être généralisé à d’autres situations de la vie. Elle s’accompagne d’anxiété et de dépression. Autrement dit, la privation du contrôle de l’environnement en ajoutant de l’incertitude à l’incertitude déjà existante dans toute situation de la vie est génératrice de stress.
Sur le plan sociologique, le rythme des mutations semble s’accélérer à un point tel que « les incertitudes dominent et culminent dans l’action, qu’elle soit éducative, didactique, formative, administrative ou politique », (Ve Biennale de l’éducation et de la formation, 2000).
Sur le plan anthropologique, peut-on encore choisir son avenir ?
« Sur quelle branche s’engagera le XXIe siècle ? Avec la notion de probabilité, les idées de l’incertain et des futurs multiples font leur entrée même dans les sciences du microscopique. Nous allons d’un monde de certitudes à un monde de probabilités. Nous devons trouver la voie étroite entre un déterminisme aliénant et un univers qui serait régi par le hasard et dès lors, inaccessible à notre raison » J. Bindé, 2000.