In Vous Nous Ils – L’e-mag de l’éducation – le 5 avril 2013 :
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Gérard Chauveau, consultant en éducation et ancien chercheur à l’INRP (Institut de recherche pédagogique), dénonce la fracture pédagogique qui touche l’éducation prioritaire.
Lors de la dernière rencontre de l’OZP vous avez dit que l’amélioration de l’éducation prioritaire n’était pas liée à une question de moyens. Comment favoriser la réussite dans les milieux populaires ?
J’estime que la réussite de l’éducation prioritaire n’est pas qu’une question de moyens et de nombre d’enseignants. Il faut associer le quantitatif et le qualitatif. Dans les ZEP, la réussite repose sur la qualité pédagogique des actions menées. Or ce qui caractérise l’éducation prioritaire sur le terrain aujourd’hui, c’est l’extrême diversité des ressources humaines et des pratiques. Le problème c’est qu’on trouve en ZEP les équipes enseignantes les plus motivées et efficaces, mais aussi les plus fragiles et les plus instables. Cette fracture pédagogique doit être combattue.
Pourquoi dites-vous que de nombreux enseignants cherchent avant tout la « paix sociale » dans leur classe ?
C’est une tendance forte dans tous les pays : dans les quartiers défavorisés plus qu’ailleurs, les enseignants ont tendance à vouloir éviter les conflits et à se contenter d’obtenir le calme dans leur classe. Je ne leur jette pas la pierre car c’est humain, mais l’objectif premier devrait toujours être d’instruire les élèves. Une politique locale et nationale est nécessaire pour attirer l’attention sur ce risque. Il faut un pilotage étroit des enseignants afin de ne pas tomber dans ce travers.
Comment limiter le turn-over particulièrement important dans certains établissements en ZEP, et donner envie aux jeunes profs d’y faire carrière ?
En tant que chercheur, je n’ai pas réponse à tout. J’attire toutefois l’attention des décideurs sur le fait qu’il ne suffit pas de mettre des milliers d’enseignants en ZEP pour résoudre les difficultés. Des éléments de réponse existent cependant. Je considère que si l’on recrute des personnels sur des contrats de 3 ou 4 ans minimum, on limite le turn-over. Il faut aussi des noyaux humains attractifs au sein des établissements, ainsi que des actions d’excellence comme, par exemple, un projet de haut niveau sur les mathématiques ou la lecture, organisé en partenariat avec une université.
Quelle est l’importance des activités périscolaires, prévues dans la réforme des rythmes scolaires ?
Je plaide pour des actions pédagogiques de qualité, spécialement en ZEP. La pédagogie ne s’arrête pas aux murs de l’école ! Dans l’apprentissage de la lecture, les élèves ont besoin d’ateliers de lecture après la classe. C’est essentiellement une question de volonté. Il faut être très vigilant notamment sur le recrutement d’organisateurs qualifiés, afin que ce ne soit pas de la garderie. Ce qui m’affole dans le débat sur les rythmes à l’école, c’est que l’on oublie la question de la réussite scolaire. Or tant que l’année scolaire durera 144 jours, il sera impossible de produire de la réussite surtout en ZEP. Il faut revenir à une année scolaire de 180 jours, comme il y a cinq ans, voire de 200 jours si possible, avec des activités périscolaires de qualité.
Charles Centofanti