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Le slogan de la Journée mondiale du refus de la misère est celle année « Quelle école pour quelle société ? » En quoi cela rejoint-il les préoccupations de la FCPE ?
Nous nous rejoignons dans cette interpellation car la question de l’école [1] est au cœur de la République, de la citoyenneté, de la place des gens dans la société. L’école ce n’est pas seulement apprendre des dates d’histoire, un contenu utilitariste ou la formation d’une main d’œuvre ! La vision de l’école qu’ont les humanistes est de permettre à un jeune d’avoir sa place dans la société ; avec les connaissances acquises il va pouvoir agir lui-même et être un homme libre. En cela l’école est bien un instrument de liberté et d’égalité bien plus qu’un outil de formation pour se vendre, même si c’est nécessaire
Comment la FCPE porte-t-elle les préoccupations des familles qui ont le plus de difficultés avec l’école ?
C’est assez difficile pour tous les parents d’entrer à l’école, la structure même ne le favorise pas. C’est encore plus difficile pour des parents en précarité qui se font parfois "rabrouer" dans ces contacts avec l’école. La FCPE a vocation à représenter la totalité des parents et d’être le « syndicat des écoliers » quelle que soit leur famille, leurs origines, leurs envies et leurs traditions. Pour cela, il faut une école plus juste où l’on apprend, où l’on travaille. Il ne faut pas renvoyer hors de l’école les éléments de réussite. Notre école en France souffre d’élitisme, d’encyclopédisme qui aggravent les inégalités sociales. Si l’on veut faire réussir les élèves, c’est au sein-même de la classe que cela doit se faire, dans le rapport entre le maître et les élèves, dans le travail collectif. Si l’on veut la réussite de tous les enfants, il faut transformer les relations pédagogiques en classe, il faut que les enseignants soient plus accompagnateurs, qu’ils dispensent moins un cours, un savoir, mais qu’ils « fassent classe », c’est à dire apprennent aux enfants à travailler en classe et surtout à travailler ensemble. Avec un réel éveil à la culture.
Que conseillez-vous aux parents d’élèves pour mieux associer les familles en difficulté à la vie de l’école ?
Il est très difficile de faire réellement accueillir à l’école les enfants des familles en grande difficulté quand l’administration ne le souhaite pas. Il faut donc d’abord convaincre les chefs d’établissement. Ensuite, il faut se bouger, se mobiliser, être dans les quartiers. Nous avons bien des exemples de délégués parents appelant personnellement les familles, par téléphone, par sms, et s’impliquant très fortement pour qu’elles viennent aux réunions. Il faut aller chercher tous les parents, et la FCPE fait cela.
Toutes les familles, et en particulier les plus exclues, fondent un grand espoir en l’école pour l’avenir de leurs enfants…
Oui. Mais la réussite scolaire ne peut se faire en fonction de critères extérieurs à l’école comme la situation sociale de la famille, surtout si celle-ci est démunie. L’école est aussi là pour compenser les inégalités sociales et non les renforcer. C’est comme cela qu’elle a été conçue avec la République depuis Condorcet. Aujourd’hui, par son fonctionnement élitiste, l’école aggrave les inégalités et s’écarte de sa vocation originelle. Notre école en France est la plus en échec de l’OCDE sur cette mission de réduction des inégalités. Si l’on regarde même d’un peu plus près, on s’aperçoit par exemple que les sanctions sont bien plus dures pour les enfants des familles en difficultés que pour ceux de milieu aisé. Il faut donc une école qui soit plus juste et permette aux enfants de s’épanouir et d’être bien formés. Y compris les plus défavorisés. On exige d’eux aujourd’hui des pré-requis qu’ils n’ont pas. Il faut leur donner envie. Il faut aussi des mesures sociales qui n’existent pas. Il faut une révision en profondeur du système de bourses. Sinon on n’y arrivera pas. À l’obligation scolaire pour les parents d’envoyer les enfants à l’école correspond une obligation pour l’école : c’est la réussite de chaque enfant. Or ce n’est pas ce qui se fait. L’État ne pilote pas cette obligation de réussite, il ne pilote que des moyens qui ne sont pas à la hauteur de ces objectifs de résultats.