La question des apprentissages formels et informels interpelle beaucoup, surtout celles et ceux qui ont une responsabilité professionnelle (enseignants) ou parentale dans l’éducation. Cela se comprend, chacun ayant le souci que tout enfant puisse construire l’autonomie nécessaire pour, devenu adulte, affronter, armé des outils indispensables, la société dans laquelle il se trouve, y être et y agir.
J’ai bien essayé pour ma part d’en faire une distinction (ici), mais n’ai pas suffisamment insisté sur l’informel sans le terme apprentissage. C’est ce terme, « apprentissage » qui pollue toute conception éducative.
Qu’est-ce qu’apprendre ? C’est intégrer des informations et les transformer à un moment T en schèmes opératoires (réseaux neuronaux) pour faire, être, comprendre, créer, s’adapter… Or, c’est sans cesse que notre cerveau et notre corps intègrent des informations (le bombardement de l’environnement perçu par nos sens), c’est une infinité qui est emmagasinée dans nos neurones sans que nous le sachions, sans que nous puissions leur donner une forme (les extirper de la mémoire) pour la plupart. Elles sont dormantes.
Elles sont d’autant plus infinies que nous sommes en activité dans notre environnement. C’est là que l’interaction, le tâtonnement expérimental neuronal et corporel s’effectuent. C’est dans l’activité que se construisent nos langages (outils neurocognitifs) qui créent, interprètent des représentations des différents mondes créés, eux, par le social-historique de nos sociétés (oral, écrit, mathématique, scientifique…). C’est dans l’activité que sont utilisées, transformées les informations dormantes (informelles) préalablement enregistrées, qu’elles peuvent se relier, consciemment ou inconsciemment à celles surgissant de l’activité, devenir formelles (conscientes) pour l’aboutissement d’un projet.
Alors, quelles activités ? Toutes !
Un enfant s’amuse avec le robinet du lavabo, fait flotter la boite à savon, fait gicler l’eau sur ses copains, inonde le couloir… Qu’est-ce qui se passe dans ses neurones ? On n’en sait rien, mais probablement, un jour, on s’étonnera qu’il comprenne si bien les histoires de débit, de mécanique des fluides, de la poussée d’Archimède… et qu’il se lance dans l’expérimentation résolument scientifique.
Mais, comme vous êtres malin et que l’inondation du couloir, les vêtements trempés et le savon fondu deviennent insupportables, vous allez installer dehors une bassine, un tuyau, des récipients, mettre tout le monde en slip… et les enfants vont multiplier ce qu’ils ne savent pas que ce sont des expériences, et peut-être même qu’un des enfants va vous appeler pour vous faire voir ce qu’il vient de découvrir, vous interroger (pourquoi ?), et vous allez vous retrouver avec… du formel ou plutôt à aider à construire du formel que vous pourrez alors appeler connaissance ! Peut-être pas, mais les neurones auront continué de travailler et d’emmagasiner !
La source de l’activité, c’est toujours l’enfant, même quand il accepte et s’engage dans celle que vous proposez.
Comme vous avez le souci que les enfants se construisent ce que vous appelez les apprentissages nécessaires ou fondamentaux comme les appelle l’école (c’est votre souci, pas celui des enfants), vous allez aménager quelque peu l’environnement de telle façon qu’il soit incitateur, qu’il induise ou oriente dans des prolongements auxquels les enfants n’auraient pas pensé ou qui deviendront évidents, vous allez essayer de saisir des occasions pour les emmener dans des pistes qui sont d’autres mondes, les aider et leur donner les moyens de réaliser leurs projets, ces moyens étant aussi l’utilisation des différentes langues (écrit, mathématique, scientifique…). De tout cela nous n’avons pas cessé d’en parler à longueur de chroniques.
Si vous oubliez un peu les apprentissages, si vous arrivez à concevoir que l’important est de favoriser toutes les constructions cérébrales, que celles-ci s’effectuent toujours dans l’interaction, alors vous privilégierez sans hésiter toutes les activités dans lesquelles s’engagent les enfants, y compris celles de ne rien faire, de rêver, parce que dans toutes leur cerveau se construit et se complexifie, dans toutes… ils apprennent. Mais rien ne vous empêche de proposer des activités visant des apprentissages… formels et les enfants pourront même vous le demander !
Vous voulez non pas empêcher (cela vous ne pouvez pas !) mais limiter l’activité et la construction cérébrale des enfants ? C’est simple, maintenez-les assis à seulement vous écouter pour que ce soit, pendant ce temps, vos seules informations que son cerveau puisse percevoir et tenter d’utiliser pour ne faire que ce que vous leur demandez de faire.
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