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La Finlande est connu dans les milieux éducatifs pour se placer régulièrement parmi les pays ayant les meilleurs résultats mesurés par la fameuse enquête PISA. En 2009 encore, elle se situe tout en haut du tableau, juste derrière des pays asiatiques réputés pour la dureté de la condition faite aux élèves. Comment ce petit pays extrêmement discret sur la scène mondiale et surtout connu pour ses hivers rigoureux obtient-il ces résultats ?
Cette question obsède de nombreux États qui envoient régulièrement des représentants dans les écoles finlandaises pour comprendre le secret de leur succès. Un reportage de l’émission de Radio-Canada Une heure sur Terre, magazine social qui ne peut être visionné qu’au Canada malheureusement, s’est intéressé au phénomène alors que le Québec réfléchit sur les moyens d’améliorer les résultats de ses élèves et surtout de limiter le décrochage scolaire.
La recette finlandaise : un choix de société qui favorise les enfants et les professeurs
Qu’est-ce qui explique la réussite en Finlande ? Comme nous l’avons déjà mentionné sur Thot, l’enfant est au cœur de l’éducation finlandaise. Le dispositif finlandais se caractérise notamment par un niveau de difficulté adapté aux élèves, un travail collaboratif fortement encouragé, des séquences de travail très courtes et un encadrement enseignant très fort. Mais ce n’est pas tout! D’autres faits, présentés par le reportage et résumés dans ce billet du blogue québécois Jeanne Émard, sont assez bouleversants pour un Nord-Américain. En effet, les petits Finlandais ne commencent l’école qu’à l’âge de 7 ans, un an plus tard qu’au Canada ou aux États-Unis. Les journées d’école se terminent très tôt (entre 13 h et 14 h) et les apprenants ont peu de devoirs à faire à la maison.
De plus, ils ne subiront aucun examen avant leur cinquième année de scolarité! Les évaluations avant cette étape ne servent qu’à fournir des renseignements aux enseignants pour l’encadrement de chaque élève. Le principe est d’éviter que les premières années scolaires soient trop stressantes et d’outilller les enseignants pour qu’ils se concentrent sur la détection précoce des problèmes des enfants afoin de les aider et de leur donner toutes les chances de s’épanouir à l’école.
En Finlande, les enseignants font eux aussi l’objet d’une grande attention. Ce métier est très valorisé par la population et conséquemment, de nombreux jeunes Finlandais souhaitent devenir professeurs. Pourtant, peu d’entre eux pourront pratiquer cette profession. En effet, les programmes de formation des maîtres sont très contingentés en Finlande et seuls 10 à 12 % des candidats sont admis. Ils suivent alors un curriculum rigoureux de 5 ans au bout duquel ils sortiront avec une expertise pédagogique enviable. Un tel engouement pour le professorat est-il explicable par les salaires offerts ? Absolument pas. La rémunération d’un enseignant finlandais est comprise entre 36 600 $ (en dollars canadiens) à 49 000$ par an selon l’expérience, alors qu’au Québec, elle va de 37 000$ à 72 600$. Ce n’est donc pas l’aspect financier qui attire les jeunes Finlandais vers l’enseignement, mais bien l’attrait du métier.
Une telle réussite doit se fonder sur un processus d’évaluation régulier, penseront certains. Ce n’est pas tout à fait faux. Les directeurs d’école finlandais peuvent arriver à l’improviste dans un cours pour évaluer les professeurs. Pourtant, l’enseignant ne ressent aucune nervosité par rapport à ces contrôles inopinés. Cela s’explique par le fait que les évaluations, un peu comme celles des élèves, servent surtout à améliorer la qualité du travail réalisé par l’enseignant. Ce dernier ne risque donc pas de perdre son emploi en étant évalué, d’autant plus qu’il n’est pas considéré comme le seul responsable de la réussite des élèves : il fait partie d’une équipe éducative dans laquelle on trouve aussi le directeur, des enseignants spécialisés et des assistants.
Comment cette société scandinave en est-elle arrivée là ? En 1972, la première coalition de gauche du pays instaurait sa réforme en éducation après plusieurs années de pourparlers avec les municipalités et les enseignants. Les autorités avaient compris que la Finlande ne pouvait compter, comme d’autres nations, sur l’exploitation de ressources naturelles sur son territoire pour s’enrichir. Pour s’assurer d’un développement économique à long terme, il fallait donc investir dans les ressources humaines. Le scepticisme sur cette réforme a été grand à l’époque, particulièrement de la part des professeurs. Et pourtant, après quelques années, le système scolaire public finlandais a réussi à être un des plus égalitaires et performants dans le monde.
Pendant ce temps, en Amérique du Nord…
Le reportage de Radio-Canada a été filmé alors que l’historienne et spécialiste américaine de l’éducation Diane Ravitch visitait la Finlande. L’auteure du livre « The Death and Life of the Great American School System » a été fascinée par la qualité du système finlandais, qui fonctionne selon des principes aux antipodes du système en place aux Etats-Unis. Elle rapportera ses observations dans le Washington Post en octobre 2011 dans un article titré « Why Finland’s schools are great (by doing what we don’t) ». Diane Ravitch n’est pas tendre avec l’éducation de son pays. Elle distingue au moins trois problèmes de taille :
- Les professeurs sont peu considérés par la population en général.
- Il y a une obsession pour des contrôles et programmes pédagogiques uniformes qui ne laissent pas de place à la créativité.
- Les évaluations actuelles des enseignants mènent à des dérives.
En effet, aux États-Unis, les professeurs des écoles publiques sont principalement évalués en fonction des notes obtenues par leurs élèves. Ainsi, ils sont payés « au mérite ». Le système américain récompense donc les enseignants et directions d’établissement obtenant les meilleurs résultats aux tests et ceux qui n’obtoiennent pas des scores satisfaisants peuvent être mis à pied. L’idée qui sous-tend ce dispositif est qu’en se débarrassant des 5 à 10% « d’incompétents », les États-Unis seront alors au même niveau que la Finlande dans les palmarès internationaux. Or, pour Mme Ravitch, quelques spécialistes de la pédagogie et de nombreux professeurs, cette méthode est en train, au contraire, de miner l’éducation américaine. Elle instaure un climat de compétition et de tension nuisible qui ne permet pas la collaboration dans les établissements scolaires. La pression des notes est telle que certains enseignants trichent pour conserver leur emploi. En juillet 2011, le plus gros scandale de tricherie scolaire aux États-Unis était dévoilé. 178 professeurs et directeurs des écoles publiques d’Atlanta auraient falsifié les résultats des élèves lors des tests standardisés. Une situation qui durait depuis quelques années, d’après le rapport du Georgia Bureau of Investigation, et dont la révélation a créé un malaise immense dans les sphères éducatives américaines.
Pendant ce temps, toujours en Amérique du Nord, le Québec se pose des questions sur son système d’éducation. Il s’en sort bien dans les résultats de l’enqupete PISA, mais son taux de décrochage alarmant fait dire à certains hommes politiques que l’heure est venue pour que le Québec se dote d’un pacte avec les enseignants : une augmentation substantielle de salaire en contrepartie d’une évaluation s’approchant de celle des États-Unis, basée sur les notes et l’appréciation des parents. La province hésite donc entre les principes de social-démocratie qui ont bâti son système d’éducation et un désir d’amener de la rigueur dans le corps professoral à la manière de ses voisins du sud.
Mise à part Mme Ravitch aux États-Unis, peu de voix en Amérique du Nord proposent des solutions s’approchant de la méthode finlandaise pour améliorer les systèmes scolaires. Pourtant, comme le démontrent les évaluations internationales, elle est efficace et pas si coûteuse. Bien que le pays compte une majorité d’écoles publiques et que les études universitaires soient grautites, la Finlande consacre un pourcentage moindre de son PIB que le Québec en éducation. La clé de la réussite n’est donc pas seulement une question d’argent : le modèle finlandais est flexible, accompagnateur, collaboratif et inclut autant les professeurs que les directions d’école et la communauté dans l’éducation des enfants. Ceci témoigne de la priorité accordée aux acteurs directs de l’éducation et s’est accompagné d’une réduction drastique de l’administration éducative, un certyain nombre de tâches ayant été déléguées aux enseignants.
On le voit, le système finlandais est construit sur des bases bien différentes de celles qui sous-tendent nombre de systèmes éducatifs dans les pays développés. S’ils veulent prendre exemple sur la Finlande, ces derniers devront revoir profondément leurs modèles, ne pas se contenter de changements à la marge. Qui osera relever ce défi ?