In Le Nouvel Observateur – le 31 octobre 2013 :
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Décentralisé, inclusif, égalitaire, le système éducatif finlandais devrait donner des idées à la France…
Doha, 30 octobre 2013. Dr Pasi Sahlberg dirige le Centre de mobilité internationale et de coopération, en Finlande. Il est l’un des meilleurs experts du système éducatif finlandais, qui vaut à son pays d’être classé parmi les plus performants, avec le Canada, la Corée du Sud et Singapour. Il en énumère les points forts.
- L’homogénéité
La Finlande propose un cursus unique pendant les neuf premières années de la scolarité. De 7 ans (l’âge où l’enfant entre à l’école) jusqu’à 16 ans (la fin de la scolarité obligatoire), les élèves suivent les mêmes programmes. Les écoles qu’ils fréquentent se ressemblent – même s’il existe, au sein du secteur public, des écoles ayant des particularités. Les professeurs ont reçu la même formation.
En France ? Cette homogénéité des établissements n’existe que sur le papier. Il existe de bons collèges et des collèges pourris. Et dès la sixième, 20% des enfants sont à la traîne.
- L’enfance respectée
On entre à l’école à 7 ans. Avant, les enfants sont accueillis dans des structures collectives, souvent associatives, où ils dessinent, ils font de la musique et du sport…. Bref, ils jouent. "Ils apprennent à vivre avec leurs pairs", dit Pasi Sahlberg. Et la note, cet instrument mortifère du classement et de la comparaison, n’apparaît qu’au collège.
En France ? Dès trois ans, les petits travaillent. Et sont très vite évalués.
- Le soutien
Personne ne reste en échec. L’élève qui rencontre une difficulté, même passagère, est repéré et trouve une aide immédiate auprès d’un professeur spécialisé, dans la classe ou en dehors. "C’est une démarche banale", confirme Pasi Sahlberg. A 16 ans, un tiers des adolescents a eu besoin, à un moment ou à un autre, d’un coup de pouce.
En France ? Au contraire, on laisse les difficultés s’enkyster. La mesure "plus de maîtres que de classes" mise en œuvre dans les écoles défavorisées va dans le bons sens. Encore faudrait-il que ces enseignants supplémentaires sachent s’y prendre.
- La professionnalité
La formation des professeurs dure cinq ans. Elle accorde une part importante à la psychologie, à la sociologie, et à la pratique. Pour être admis dans ces cursus, les candidats doivent montrer qu’ils savent communiquer et qu’ils aiment cela.
En France ? Cette manière de sélection préalable est impensable…
- L’équité
Les écoles sont financées en fonction des enfants qui les fréquentent. Celles qui accueillent beaucoup d’immigrés pauvres seront réellement mieux dotées, au point même d’attirer chez elles des élèves plus favorisés. "Mais l’école ne peut compenser toutes les inégalités", rappelle Pasi Sahlberg. Helsinki, par exemple, essaie de panacher habitat aisé et habitat aidé, afin que l’école qui accueille les enfants du quartier offre une certaine mixité sociale.
- La continuité
Il y a 30 ans, la Finlande a décidé de réformer son école, et cet effort de refonte s’est poursuivi sans à-coups, indépendamment des alternances politiques.
En France ? Le poste de ministre de l’Education est un siège éjectable, et les réformes successives se perdent souvent dans les sables.
- La responsabilité
"Le contrôle n’est pas le meilleur moyen d’imposer une politique, martèle Pasi Sahlberg. Mieux vaut faire confiance". Depuis la réforme en Finlande, les directeurs d’école et les professeurs ne sont plus inspectés par l’administration centrale, dont les effectifs ont fondu. Ils sont les décideurs dans leurs établissements. Et se sentent responsables de leurs résultats.
En France ? Qu’attend-on pour en faire autant?
Caroline Brizard – Le Nouvel Observateur