Les tendances sémantiques observées dans les discours politiques et institutionnels sont révélatrices des tendances idéologiques à l’œuvre. Ainsi en va-t-il du terme de « réussite », et corrélativement du terme d’« échec », tes qu’ils diffusent depuis 5 ou 6 ans dans le champ éducatif et, plus spécifiquement, dans le champ scolaire.
La présente note s’attache :
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à identifier quelques uns des aspects implicites du recours croissant, dans ces champs, au concept ambigu mais idéalisé de « réussite » – lequel désigne (étymologie à l’appui) une issue, certes réputée heureuse, mais indexée à un résultat prédéterminé et défini sans le sujet concerné, voire loin de lui ;
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à dénoncer le fait que ce concept renvoie, en le dramatisant, à son antonyme redouté et stigmatisant, l’« échec » – évocateur quant à lui de l’immobilisation promise, par sa faute, au navigateur dont le bateau touche le fond ou au joueur dont le roi est menacé de mise à mort sur l’échiquier ;
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à alerter sur le fait que l’attention se trouve ainsi détournée de la référence, pourtant plus pertinente et plus opérationnelle, aux notions de « progression » et de « progrès » : celles-ci, en effet, signalent qu’un chemin est suivi et qu’une promesse de découverte de l’inconnu motive cet engagement sans que la « réussite » ou l’« échec » ne le sanctionnent ;
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à préserver et réactiver, en conséquence, les valeurs progressistes et les visées émancipatrices qui doivent continuer à inspirer et à caractériser l’ensemble des démarches dédiées à l’éducation, et notamment à l’instruction, des enfants et des jeunes.