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"La relative méconnaissance des sorties sans diplôme
La thèse, aujourd’hui bien connue, du capital humain (Becker, 1962) définit le processus d’éducation comme un investissement permettant d’accumuler des connaissances. Cet investissement permet d’accroître ses salaires futurs en augmentant sa productivité. Les individus, perçus comme des entités maximisatrices, décident à tout moment de poursuivre ou non leurs études selon que la rémunération attendue avec le diplôme recherché excède ou non le coût direct des études et leur coût d’opportunité correspondant au salaire auquel il faut renoncer* pendant la durée de celles-ci. Cette théorie ferait ainsi de la population des non-diplômés un ensemble de personnes pour lesquelles il est plus coûteux de poursuivre des études que de travailler, au moment de la sortie du système scolaire. Dans cette perspective, il existerait donc des caractéristiques sociodémographiques propres aux non-diplômés les conduisant à sortirdu système scolaire.
La littérature s’est beaucoup intéressée à la question du lien entre le milieu social d’origine et les décisions des individus dans le processus d’éducation. Les recherches sur la question ontlongtemps estimé que ce lien était négligeable jusqu’à l’âge marquant la fin de la scolarité obligatoire, puisque la scolarisation est alors déterminée par la loi et non choisie par les individus. En 2008-2009, en France, le taux de scolarisation passe de 98 % à l’âge de 15 ans à 94 % à 16 ans et à 90 % à 17 ans. Si l’influence du milieu d’origine apparaît parfois négligeable dans le choix d’arrêter ses études, c’est qu’il est atténué par l’importance des taux de scolarisation à ces âges (Mare, 1980). En France, l’enquête Génération 1992 a fait apparaître que les non-diplômés étaient plus souvent des garçons que l’ensemble des jeunes sortis au même moment de formation initiale, plus souvent issus de milieu populaire, de familles nombreuses, et également un peu plus souvent de l’immigration
(Bordigoni, 2001). Cependant, cette même étude insiste sur le fait que cette population est loin d’être homogène. Certaines personnes sans diplôme ont leur propre foyer et un emploi stable cinq ans après leur sortie du système scolaire,* alors que d’autres ont un emploi trop précaire pour quitter le domicile de leurs parents et que d’autres encore n’ont pas trouvé d’emploi
après cinq années de vie active.
Les travaux portant sur les non-diplômés ont également cherché à connaître leur parcours, et les motivations de leur choix d’orientation. Les choix d’orientation sont un objet complexe à étudier, qui fait intervenir un très grand nombre de facteurs dont les liens de causalité sont difficiles à évaluer. À 15 ans, les projets professionnels des élèves sont déjà fortement corrélés avec leur milieu d’origine (Murat et Rocher, 2002). Il en est de même des motifs de l’abandon et de l’échec scolaire. Ainsi par exemple, en France, il existe un fort lien entre les résultats scolaires et notamment le retard scolaire d’enfants vivant dans le même voisinage depuis= plusieurs années (Goux et Maurin, 2005). Une enquête canadienne montre également que le
risque d’abandon scolaire est très lié à l’engagement et à l’encadrement parental dans les études de leurs enfants (Potvin, 1999). De nombreux facteurs interviennent ainsi dans l’abandon scolaire (Janosz, 2000) : des facteurs institutionnels, c’est-à-dire l’école et son organisation, des facteurs familiaux (l’investissement des parents dans les études), des facteurs interpersonnels (les relations sociales et avec les pairs) et des facteurs individuels (ce sont plus souvent les garçons qui décrochent, plus souvent les enfants issus des communautés noires ou hispanophones aux États-Unis, etc.). En outre, au cours de la scolarité, on peut identifier des « facteurs indirects » qui déterminent l’avancée dans le parcours scolaire et des « facteurs directs » qui influent sur la validation ou non du diplôme (Bouhia et de Saint Pol, 2010). Parmi ces facteurs jouant sur l’obtention du diplôme, le rôle de la mère semble prépondérant, ainsi que le contexte lié à l’établissement dans lequel
SI comme le produit d’un arbitrage entre les rémunérations futures attendues et les « coûts » de l’obtention d’un diplôme, les individus sont donc aussi plus ou moins contraints dans leurs choix de parcours scolaires et professionnels.
En s’appuyant sur l’approche par les « capacités» de Sen, deux auteurs de l’IDHE montrent que l’appartenance à des trajectoires d’emploi type, définies à partir du milieu d’origine et des conditions d’emploi dans les premières années
de vie active, conditionne fortement les carrières des individus peu diplômés (Farvaque et Oliveau, 2004).
Enfin, se pose également la question du devenir des personnes sans diplôme sur le marché du travail et du rôle qu’y joue le diplôme. Les individus sans diplôme sont bien plus vulnérables que les autres en termes d’insertion sur le marché du travail et ils sont plus souvent touchés par le chômage. De nombreuses études montrent en effet qu’il existe un « effet diplôme », c’est-à-dire qu’à nombre d’années d’études identique, les individus qui ont obtenu un diplôme bénéficient
de meilleures conditions d’emploi que ceux qui n’en ont pas (Jaeger et Page, 1996).
Cela rejoint la théorie du signal (Spence, 1973) selon laquelle l’acquisition d’un diplôme n’augmente pas la productivité des individus mais sert à « signaler » ses compétences aux employeurs sur le marché du travail. Ceci confirme par ailleurs l’importance de différencier diplôme et qualification. Les travaux du Cereq montrent également que le diplôme et la perception subjective de son utilité ont un impact important sur les choix de parcours scolaires et professionnels (Berthet et al., 2008). L’ensemble des travaux sur le diplôme et l’abandon scolaire est vaste et relativement disparate. Il concerne aussi bien les facteurs et les motifs de l’abandon scolaire que le rôle du diplôme dans l’insertion profession nelle. Mais il existe peu de * travaux décrivant finement les caractéristiques de ces personnes sans diplôme en France, et plus particulièrement leurs parcours scolaires et professionnels."
La thèse, aujourd’hui bien connue, du capital humain (Becker, 1962) définit le processus d’éducation comme un investissement permettant d’accumuler des connaissances. Cet investissement permet d’accroître ses salaires futurs en augmentant sa productivité. Les individus, perçus comme des entités maximisatrices, décident à tout moment de poursuivre ou non leurs études selon que la rémunération attendue avec le diplôme recherché excède ou non le coût direct des études et leur coût d’opportunité correspondant au salaire auquel il faut renoncer* pendant la durée de celles-ci. Cette théorie ferait ainsi de la population des non-diplômés un ensemble de personnes pour lesquelles il est plus coûteux de poursuivre des études que de travailler, au moment de la sortie du système scolaire. Dans cette perspective, il existerait donc des caractéristiques sociodémographiques propres aux non-diplômés les conduisant à sortirdu système scolaire.
La littérature s’est beaucoup intéressée à la question du lien entre le milieu social d’origine et les décisions des individus dans le processus d’éducation. Les recherches sur la question ontlongtemps estimé que ce lien était négligeable jusqu’à l’âge marquant la fin de la scolarité obligatoire, puisque la scolarisation est alors déterminée par la loi et non choisie par les individus. En 2008-2009, en France, le taux de scolarisation passe de 98 % à l’âge de 15 ans à 94 % à 16 ans et à 90 % à 17 ans. Si l’influence du milieu d’origine apparaît parfois négligeable dans le choix d’arrêter ses études, c’est qu’il est atténué par l’importance des taux de scolarisation à ces âges (Mare, 1980). En France, l’enquête Génération 1992 a fait apparaître que les non-diplômés étaient plus souvent des garçons que l’ensemble des jeunes sortis au même moment de formation initiale, plus souvent issus de milieu populaire, de familles nombreuses, et également un peu plus souvent de l’immigration
(Bordigoni, 2001). Cependant, cette même étude insiste sur le fait que cette population est loin d’être homogène. Certaines personnes sans diplôme ont leur propre foyer et un emploi stable cinq ans après leur sortie du système scolaire,* alors que d’autres ont un emploi trop précaire pour quitter le domicile de leurs parents et que d’autres encore n’ont pas trouvé d’emploi
après cinq années de vie active.
Les travaux portant sur les non-diplômés ont également cherché à connaître leur parcours, et les motivations de leur choix d’orientation. Les choix d’orientation sont un objet complexe à étudier, qui fait intervenir un très grand nombre de facteurs dont les liens de causalité sont difficiles à évaluer. À 15 ans, les projets professionnels des élèves sont déjà fortement corrélés avec leur milieu d’origine (Murat et Rocher, 2002). Il en est de même des motifs de l’abandon et de l’échec scolaire. Ainsi par exemple, en France, il existe un fort lien entre les résultats scolaires et notamment le retard scolaire d’enfants vivant dans le même voisinage depuis= plusieurs années (Goux et Maurin, 2005). Une enquête canadienne montre également que le
risque d’abandon scolaire est très lié à l’engagement et à l’encadrement parental dans les études de leurs enfants (Potvin, 1999). De nombreux facteurs interviennent ainsi dans l’abandon scolaire (Janosz, 2000) : des facteurs institutionnels, c’est-à-dire l’école et son organisation, des facteurs familiaux (l’investissement des parents dans les études), des facteurs interpersonnels (les relations sociales et avec les pairs) et des facteurs individuels (ce sont plus souvent les garçons qui décrochent, plus souvent les enfants issus des communautés noires ou hispanophones aux États-Unis, etc.). En outre, au cours de la scolarité, on peut identifier des « facteurs indirects » qui déterminent l’avancée dans le parcours scolaire et des « facteurs directs » qui influent sur la validation ou non du diplôme (Bouhia et de Saint Pol, 2010). Parmi ces facteurs jouant sur l’obtention du diplôme, le rôle de la mère semble prépondérant, ainsi que le contexte lié à l’établissement dans lequel
SI comme le produit d’un arbitrage entre les rémunérations futures attendues et les « coûts » de l’obtention d’un diplôme, les individus sont donc aussi plus ou moins contraints dans leurs choix de parcours scolaires et professionnels.
En s’appuyant sur l’approche par les « capacités» de Sen, deux auteurs de l’IDHE montrent que l’appartenance à des trajectoires d’emploi type, définies à partir du milieu d’origine et des conditions d’emploi dans les premières années
de vie active, conditionne fortement les carrières des individus peu diplômés (Farvaque et Oliveau, 2004).
Enfin, se pose également la question du devenir des personnes sans diplôme sur le marché du travail et du rôle qu’y joue le diplôme. Les individus sans diplôme sont bien plus vulnérables que les autres en termes d’insertion sur le marché du travail et ils sont plus souvent touchés par le chômage. De nombreuses études montrent en effet qu’il existe un « effet diplôme », c’est-à-dire qu’à nombre d’années d’études identique, les individus qui ont obtenu un diplôme bénéficient
de meilleures conditions d’emploi que ceux qui n’en ont pas (Jaeger et Page, 1996).
Cela rejoint la théorie du signal (Spence, 1973) selon laquelle l’acquisition d’un diplôme n’augmente pas la productivité des individus mais sert à « signaler » ses compétences aux employeurs sur le marché du travail. Ceci confirme par ailleurs l’importance de différencier diplôme et qualification. Les travaux du Cereq montrent également que le diplôme et la perception subjective de son utilité ont un impact important sur les choix de parcours scolaires et professionnels (Berthet et al., 2008). L’ensemble des travaux sur le diplôme et l’abandon scolaire est vaste et relativement disparate. Il concerne aussi bien les facteurs et les motifs de l’abandon scolaire que le rôle du diplôme dans l’insertion profession nelle. Mais il existe peu de * travaux décrivant finement les caractéristiques de ces personnes sans diplôme en France, et plus particulièrement leurs parcours scolaires et professionnels."
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