Le décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 « relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires »1 a modifié l’article D.521-12 du Code de l’éducation. Celui-ci stipule désormais que-« lorsqu’il arrête l’organisation de la semaine scolaire d’une école, le directeur académique des services de l’éducation nationale [DASEN] (…) s’assure de la compatibilité de cette organisation avec l’intérêt du service et, le cas échéant, de sa cohérence avec le projet éducatif territorial [PEDT] élaboré conjointement par la collectivité, les services de l’Etat et les autres partenaires intéressés. ».
L’article 46 du projet de « loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République »2, présenté le 23 janvier 2013, propose quant à lui de reformuler comme suit l’article L.551 : « Des activités périscolaires prolongeant le service public de l’éducation, et en complémentarité avec lui, peuvent être organisées dans le cadre d’un projet éducatif territorial associant notamment aux services et établissements relevant du ministre chargé de l’éducation nationale d’autres administrations, des collectivités territoriales ».
Le 5 février 2013, le ministère de l’Education nationale a publié un « Guide pratique sur la réforme des rythmes à l’école primaire » de 60 pages, dont un chapitre de 15 pages est consacré à « la construction » d’un PEDT3. Un projet de circulaire interministérielle relative au PEDT, daté du 15 février, développe ce chapitre.
Si le Guide souligne le fait que « le projet de loi ne rend pas obligatoire le PEDT pour organiser des activités périscolaires », le projet de circulaire en ouvre timidement le périmètre et l’ambition au-delà de ce seul champ. Selon son préambule en effet, le PEDT, « mentionné à l’article D.521-12 du Code de l’éducation, formalise une démarche permettant aux collectivités territoriales volontaires de proposer à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité avant, pendant et après l’école organisant ainsi la complémentarité des temps éducatifs. Ce projet relève d’une démarche partenariale avec les services de l’Etat concernés et l’ensemble des acteurs éducatifs locaux. Cette démarche doit favoriser l’élaboration d’une offre nouvelle d’activités périscolaires, voire extrascolaires, ou permettre une meilleure mise en cohérence de l’offre existante, afin que les enfants tirent le meilleur profit de l’organisation du temps scolaire qui se met en place dans les écoles primaires à la rentrée 2013 ».
Une lecture exhaustive de ces textes amène à se demander ce qui, à ce stade, peut être compris, espéré ou craint de l’impulsion et de la base juridique ainsi données aux PEDT par l’Etat, en l’occurrence par le ministère de l’Education nationale.
Les intentions affichées par l’Etat
Le PEDT sera certes élaboré à l’initiative de la commune ou de l’intercommunalité qui y associera les autres « intervenants du domaine de l’éducation », à savoir : une forte représentation des services de l’Etat (Education nationale, Sports, Jeunesse, Education populaire et Vie associative, Culture, Famille, Ville…), la CAF ou la MSA, les associations d’éducation populaire ou à vocation sportive ou culturelle, le Conseil général, des représentants des parents d’élèves. Mais sa finalité première semble être d’apporter un appui à l’organisation des temps scolaires et aux projets d’école et de garantir une « continuité éducative » centrée sur eux, en agençant à cet effet les temps dits périscolaires – voire certains temps libres, dits « extrascolaires » (autrement dit familiaux et de loisirs extrafamiliaux) – des enfants.
Que le PEDT doive ainsi « permettre d’organiser des activités périscolaires prolongeant et complétant le service public d’éducation » se traduit d’ailleurs par une forte tutelle des services de l’Etat (notamment du DASEN et de la DDCS) sur les procédures techniques d’élaboration et d’amendement, référées à un cahier des charges précis, de ce qui prendra la forme d’un « engagement contractuel » de 3 ans maximum.
On notera que, si les « parents d’élèves » sont consultés au début de la démarche, ils ne sont ensuite qu’« informés » et que, s’ils peuvent participer à l’encadrement de certaines activités, leur rôle dans la conception et l’évaluation des grands axes du PEDT n’est nulle part mentionné4.
Les espoirs territoriaux suscités
Bien que prudente, la promotion d’une démarche de PEDT par l’institution scolaire pourrait résulter d’un triple constat :
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l’école n’est pas tout, ne peut pas tout et n’est plus la seule source des savoirs ;
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les ressources d’un territoire de vie en font un lieu de coéducation possible ;
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les collectivités locales sont certes en charge des locaux, mais aussi de l’animation du débat politique de proximité sur les valeurs, les finalités et les conditions de l’éducation.
Renforcer les missions spécifiques de l’école suppose dès lors que celle-ci s’intéresse enfin à l’éducation globale des enfants, et plus seulement à l’instruction des élèves. Et qu’elle y prenne sa part au sein du territoire, aux côtés de familles autrement accueillies et associées, et de municipalités confortées dans leurs rôles et qui, gagnées par l’émulation, pourraient développer de nouvelles ambitions éducatives portant sur la formation et la mise en projet de leurs animateurs et sur la restructuration de leurs partenariats associatifs.
Aussi faut-il saluer la volonté d’intégrer dans la démarche du PEDT les dispositifs contractuels existants, en particulier les Contrats enfance jeunesse et les Contrats locaux d’accompagnement à la scolarité, conçus et pilotés avec les CAF.
De préoccupantes limites
Les futurs PEDT seront-ils pour autant à la hauteur de la vision que, depuis une dizaine d’années, nombre de communes et d’EPCI ont voulu promouvoir en initiant leurs Projets éducatifs locaux et globaux ? On peut en douter.
Tout d’abord, le centrage inaugural des PEDT sur les temps périscolaires des enfants des écoles primaires (2-3 à 11-12 ans) semble, d’une part, exclure le domaine de l’accueil de la petite enfance et, d’autre part, rendre facultative la prise en compte des autres temps libres, et notamment ceux des collégiens et des lycéens.
Ensuite, le périmètre du PEDT ne clarifie ni la distinction ni l’articulation entre les activités scolaires et les activités dites périscolaires, dont certaines risquent en outre de devenir payantes pour les familles là où elles étaient jusqu’à présent facultatives ou inexistantes.
Enfin et surtout, les modalités d’élaboration et, probablement, d’évaluation des PEDT apparaissent bien plus technocratiques et normatives que démocratiques et ouvertes à la sollicitation du potentiel éducatif des territoires. A un an des élections municipales, cet inconvénient de fond est loin d’être négligeable …
Frédéric Jésu
1 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026979035&dateTexte&categorieLien=id
2 http://cache.media.education.gouv.fr/file/01_Janvier/35/5/387262_projet_rapporteurs-refondation_de_l_ecole_de_la_Republique_239355.pdf
3 http://cache.media.education.gouv.fr/file/02_Fevrier/52/9/2013_rythmesco_guidel_elus_bdef_240529.pdf. – Cf. pp 35-40.
4 A fortiori, l’éventualité de recueillir les points de vue et les propositions des enfants et des jeunes est totalement absente de l’esprit et de la lettre du Guide et du projet de circulaire.