Il est traditionnel de chercher des synonymes -pour mieux faire comprendre de quoi il s’agit ou pour remplacer un terme qui semble daté- à l’éducation populaire. On parle alors volontiers d’éducation à la citoyenneté, d’éducation citoyenne, d’éducation du citoyen. Bien qu’aucun de ces termes ne soient des équivalents exacts et malgré leurs différences, il va de soi qu’il existe un lien étroit entre l’éducation populaire et les conditions d’exercice de la citoyenneté.
Historiquement d’abord : les promoteurs de l’éducation populaire, bien que républicains convaincus, ont considéré que les citoyens ne pouvaient exercer librement leurs droits et particulièrement le choix de leurs représentants, s’ils n’étaient pas éduqués. Sortir de la dépendance d’un avis imposé du haut des chaires par les prêtres nécessitait de pouvoir se faire sa propre opinion. Et pour cela, il fallait -a minima- savoir lire.
Mais lire ne suffisait pas. Non seulement il fallait savoir lire, mais il fallait surtout comprendre les enjeux, les conséquences d’un choix, les mécanismes du pouvoir… Le « J’accuse » de Zola au moment de l’affaire Dreyfus nécessite ainsi d’être accompagné par la mise en place d’universités populaires, car la compréhension vient de l’échange et du débat…
Cette nécessité demeure aujourd’hui. Certes, l’École a permis au plus grand nombre de savoir lire, écrire, compter… et bien au-delà de connaître et de comprendre de très nombreuses choses. Pour autant, et plus encore dans un univers numérique qui rend tous les savoirs disponibles, les liens, les sélections et la construction de son opinion nécessitent bien davantage qu’une maîtrise de la lecture.
Il s’agit, comme hier, de former le citoyen à pouvoir agir, à prendre des responsabilités et à décider quelle société il veut pour demain. Cela demande une réflexion individuelle et collective, une aptitude à la construction et à la confrontation des idées, à la délibération et à la prise de décisions.
Cela s’apprend. Non par des maîtres en citoyenneté qui sauraient ce qu’il faut faire et penser. C’est justement à ces « gourous » que s’oppose l’éducation populaire ; mais dans des démarches de coopération, de coconstruction et coapprentissage qui permettent de mettre en évidence les différentes options possibles et de choisir comment agir.
Une telle démarche s’adresse, bien entendu, aux plus jeunes puisqu’ils ont beaucoup à apprendre. Mais nul doute qu’elle soit aussi indispensable aux adultes. Plus qu’une éducation à la citoyenneté qui pourrait être comprise comme une formation à devenir citoyen, il s’agit d’une Éducation du citoyen, une formation permanente pour l’accompagner dans l’exercice de ses droits.