éDUCATION POPULAIRE
« Après le pain, l’éducation est le premier besoin des démocraties » (Danton).
Tout au long du XlXe siècle, des intellectuels motivés par le désir « d’apporter la culture au peuple » ont créé des associations délivrant des cours gratuits qui ont connu des succès divers.
Cette tradition est riche de trois courants :
-le courant laïc et républicain, quand les instituteurs se mobilisèrent « contre l’ignorance » par la scolarité obligatoire, gratuite et laïque. Ce courant fut porté par la Ligue de l’enseignement (J. Macé)
-le courant confessionnel, notamment catholique, qui contribua au renouvellement de l’apostolat laïc organisé ;
-enfin, les associations ouvrières, mutuelles, coopératives, chambres syndicales et surtout les Bourses du travail à partir de 1887 se constituèrent et s’ouvrirent à une dimension éducative, en faisant appel parfois aux intellectuels universitaires, comme dans les clubs Léo Lagrange.
La rencontre provisoire de ces différents courants s’effectua après l’affaire Dreyfus, avec la création des universités populaires. Le Front populaire et la période de la Libération contribuèrent au développement de nouveaux types d’institutions et à la constitution d’un vivier de militants qui ont été à la source de modèles idéologiques et pédagogiques qui ont influencé les conceptions de l’éducation permanente.
L’institutionnalisation par l’effet du rôle croissant des pouvoirs publics entraîna la professionnalisation des agents de l’éducation populaire : les animateurs socio-culturels » des années soixante, « L’éducation populaire : complémentaire des grandes institutions éducatives et culturelles, servante des progrès de la démocratie, et vigile avancé de la lutte contre les inégalités », (Morineau, Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, 1986), a sans doute encore un bel avenir sur le terrain de l’apprentissage de la citoyenneté, si l’on admet de définir l’idéal de culture populaire comme « une culture élitaire pour tous », pour reprendre la référence du metteur en scène Antoine Vitez.
« Rendre la raison populaire », « faire pénétrer l’esprit critique dans la masse de la nation », ces idéaux premiers de l’éducation populaire peuvent retrouver une seconde jeunesse face à la confusion managériale ambiante que représente la face cachée de la modernisation, J.-P. Le Goff, 2000. La philosophie de l’éducation populaire s’appuie sur la formation de l’esprit critique, supposant qu’un citoyen qui en est doté sera plus responsable et autonome dans ses choix.
Parmi les 750 000 associations de France, beaucoup se revendiquent de l’éducation populaire (70 Ã 75 associations sont agréées et représentées au comité national des associations de jeunesse et d’éducation populaire), citons Peuple et Culture, les CEMEA, Culture et Liberté, les Francas, les mouvements de jeunesse chrétienne…. Sont-elles le fer de lance d’un renouveau démocratique ou les sous-traitantes de « l’impuissance publique » ? L’éducation populaire dans sa diversité appartient aux enseignants, travailleurs sociaux, formateurs, artistes, médiateurs élus…
En reprenant dans ses attributions la direction de la jeunesse, le ministre de l’éducation nationale, L. Ferry, mai 2002, renoue avec l’histoire : la création d’un Office de l’éducation populaire, au ministère de l’Instruction publique (JO du 19 juin 1914).
En fait jusqu’en 1949 le ministère de l’Education nationale a eu une direction de l’éducation populaire (Ã la Libération Jean Guéhenno en fut le directeur). A l époque chaque département avait une direction de la jeunesse et de l’éducation populaire et une direction de l’éducation physique et des sports indépendantes l’une de l’autre.
Face au dogme du « tout pour le marché » et au mirage des technologies et de la communication, l’éducation populaire incarne le lien social indispensable à toute politique de prévention, d’insertion, d’intégration, et à toute action de création et de culture.
Bref, une sphère publique intermédiaire autour de l’action civique, critique et revendicative.