In Fondation iFRAP – le 13 septembre 2013 :
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Pour un nombre d’élèves similaire (autour de 10,5 millions en 2011 hors maternelle et enseignement supérieur), l’Allemagne et le Royaume-Uni dépensent autour de 55 milliards d’euros quand la France affiche une dépense publique de 85,7 milliards et plus de 1,3 million de personnels consacrés à l’éducation là où l’Allemagne est à 821.000 et le Royaume-Uni à 878.000. Comment expliquer ces énormes différences ? Le nombre d’enseignants qui est plus élevé (avec des traitements faibles mais des heures de cours faibles aussi et des pensions élevées), le nombre d’écoles, le nombre d’échelons administratifs qui interviennent dans la mission éducative et surtout le nombre de personnels chargés des fonctions support et administratives…
- En incluant les écoles maternelles, la France compte autant d’établissements scolaires que l’Allemagne et le Royaume-Uni réunis ! Hors maternelle, le ratio reste conséquent : 48.984 établissements en France contre 32.803 en Allemagne et 29.955 au Royaume-Uni, ce qui se traduit logiquement par l’explosion des dépenses annexes. À cela s’ajoute un effectif de presque 300.000 personnes [1] travaillant dans nos écoles primaires, collèges et lycées qui disparaissent des comptes de l’Éducation nationale puisque employés par les communes, les départements et les régions. On peut évaluer ce surcoût à environ 10 milliards d’euros.
- Vient ensuite le dérapage des coûts de l’administration issus de la division atypique des compétences éducatives en France. Entre l’État et ses académies, les régions, les départements et les communes, plus de 36.800 échelons interviennent à un moment donné dans la politique éducative alors que, chez nos voisins, on trouve en seulement 2 échelons compétents (16 Länder et près de 11.000 communes en Allemagne, l’État et 405 autorités locales au Royaume-Uni). Au total, on compte plus de 220.000 personnels (TOS inclus) payés sur fonds publics travaillant dans le secteur de l’éducation quand l’Allemagne en compte 87.000 et le Royaume-Uni, un peu plus de 100.000.
- Enfin la masse salariale des enseignants. Notre pays compte 126.000 enseignants de plus qu’en Allemagne et plus de 300.000 de plus qu’au Royaume-Uni, pour une masse salariale de 49,9 milliards d’euros en 2011 [2] (17% du budget de l’État), soit environ 10 milliards de plus que chez nos voisins. Pourtant nos enseignants sont moins bien payés mais, par choix idéologique, beaucoup plus nombreux, ils donnent également moins d’heures de cours, leurs missions sont plus limitées et leurs retraites plus chères.
C’est principalement le manque de volonté réelle de décentraliser l’Éducation nationale en France qui est à l’origine de l’alourdissement de l’administration et du surcoût de 30 milliards d’euros observé puisque, malgré les différentes vagues de décentralisation, les collectivités n’ont toujours aucune poids dans le processus décisionnaire (uniquement une mission de financement de l’aspect matériel) et leur multiplicité (36.700 communes en charge des écoles primaires, 100 départements en charge des collèges, 22 régions en charge des lycées et les structures de l’État déconcentré) aboutit à un véritable écheveau inextricable de services à tous les niveaux. Ce surcoût du système éducatif ne se justifie, d’ailleurs, pas par une meilleure performance de nos élèves.
Au contraire, la France baisse dramatiquement dans les classements internationaux : elle est passée de la 12ème à la 22ème place du classement PISA [3] entre 2000 et 2009.
Dans l’attente de la parution des résultats PISA 2012, vraisemblablement aussi décevants, le 3 décembre 2013, la France doit se pencher sérieusement sur la question de son système éducatif pour se lancer dans une vraie réforme de fond afin de proposer à nos élèves une éducation performante dans un système scolaire plus efficient (et donc moins coûteux). Par exemple, chez nos voisins, les parutions PISA qui démontraient les faiblesses de leur système, ont été l’objet de débats prolongés et passionnés sur la scène politique et dans la société civile. Cela a abouti à une série de réformes de fond, et de forme, inspirées par les recommandations de l’OCDE et des systèmes scolaires qui marchent (notamment la Suède dont le modèle décentralisé et autonome a beaucoup inspiré le Royaume-Uni). L’Allemagne et le Royaume-Uni peuvent être de bonne sources d’inspiration pour réformer notre système éducatif.
Les 6 propositions de la Fondation iFRAP pour une école moins chère et de meilleure qualité :
- Décentraliser l’éducation au niveau des régions et du bloc communal (dans le cadre d’une fusion des communes de moins de 10.000 habitants), les régions absorbant les académies et les communes étant responsables de tous les établissements (primaires et secondaires) sur leur sol et d’abord de la masse salariale (et non plus seulement les personnels techniques).
- Supprimer les académies et instaurer des agences régionales de l’éducation chargées d’assurer la transition vers la complète décentralisation.
- Mettre en place un forfait par élève et par an – une sorte de "tarification à l’activité" qui serait versée à des établissements autonomes en fonction du nombre d’élèves dans l’établissement.
- Réformer le statut des enseignants qui date de 1950 en passant de 18 à 20 heures (voire 22 heures) de cours pour tous les professeurs, y compris les agrégés, instaurer la bivalence, annualiser les heures d’enseignement. Allonger comme en Allemagne, la durée de probation avant de devenir titulaire à 5 ans.
- Rémunérer les enseignants à la performance et diversifier les statuts et types de contrats en payant mieux les enseignants et en réduisant leur nombre.
- Accorder l’autonomie de gestion aux écoles et à leurs chefs d’établissements, notamment pour ce qui est de la constitution des équipes pédagogiques et de l’évaluation des professeurs. Rendre automatique la publication des comptes consolidés de chaque établissement.
[1] 95.000 TOS employés par les départements et les régions et près de 200.000 agents communaux (soit 5 employés par école primaire : conciergerie, restauration et nettoyage).
[2] Cour des comptes – Gérer les enseignants autrement. Mai 2013.
[3] Les études PISA, Program for International Student Assessment, dresse, tous les 3 ans pour l’OCDE, un panorama du niveau des élèves de 15 ans (et ce, quel que soit leur niveau de scolarité) permettant d’évaluer les compétences considérées comme fondamentales pour la vie active (lecture, compréhension, écrit, sciences et mathématiques). Plus qu’un palmarès, PISA dresse un portrait d’une tranche d’âge donnée à la sortie de la scolarité obligatoire.