In L’Express – le 7 novembre 2013 :
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Pour transformer l’école, le vrai enjeu n’est pas tant de trouver des solutions que de réussir à les mettre en oeuvre à grande échelle. Emmanuel Davidenkoff tire les leçons du sommet Wise, le "Davos de l’Education".
La colombienne Vicky Colbert, lauréate du prix Wise 2013, qui se présente comme le "Nobel de l’éducation", l’a martelé dans son discours de remerciement: il n’y a pas grand-chose d’innovant dans la pédagogie des "escuelas nuevas" qu’elle a créées en 1974 et qui ont permis, depuis, de scolariser cinq millions d’enfants pauvres. L’innovation, c’était de réussir à mettre en oeuvre à grande échelle et sur le long terme ces méthodes imaginées voici près d’un siècle par Montessori, Freinet et Dewey, dont elle se réclame.
Cette question de la généralisation de dispositifs pédagogiques alternatifs était au fond le véritable sujet du World Innovation Summit for Education (Wise), dont la cinquième édition s’est déroulée la semaine dernière à Doha (Qatar). On connaît en effet de longue date les ingrédients du cocktail éducatif le plus performant: attention à l’enfant, prise en compte du contexte local, lien entre les enseignements et la vie réelle, implication et le cas échéant formation des parents, empathie, coopération plutôt que compétition, évaluations multiformes plutôt que notation, prise en compte des compétences sociales (soft skills) et pas seulement des compétences scolaires, etc. D’une façon ou d’une autre, on retrouve ces ingrédients dans les principaux courants de l’éducation dite nouvelle.
Tout comme on trouve dans l’organisation des systèmes éducatifs, selon diverses combinaisons, les ingrédients qui rendent si difficile la mise en oeuvre des pédagogies centrées sur l’élève (ce qui, soit dit au passage, n’est pas tout à fait pareil que de prétendre mettre "l’élève au centre"): prégnance des enjeux institutionnels, politiques, scientifiques, des querelles de territoires entre disciplines, le tout compliqué par des réflexes parfois corporatistes…
Passer à la pratique
Le véritable génie de celles et ceux qui parviennent à étendre des dispositifs disruptifs, finalement, tient moins à leur habileté pédagogique qu’à leurs compétences en matière de conduite du changement. Raison pour laquelle, à l’échelle mondiale, le changement en éducation est plus souvent porté par des entrepreneurs sociaux que par des acteurs issus du monde de l’éducation – voir à ce propos les pedigrees des précédents récipiendaires du prix Wise, Madhav Chavan, cofondateur de l’ONG indienne Pratham, et Fazle Hasan Abed, fondateur de BRAC(Bangladesh Rural Advancement Committee).
Les services publics d’éducation sont-ils capables non tant de se réformer que de réformer leur façon de se réformer? Question qui mériterait d’être posée lors d’une prochaine édition du Wise qui, s’il veut vraiment devenir un "Davos" de l’éducation comme il l’ambitionne, doit convaincre plus de décideurs politiques de premier rang de faire le voyage, non pour discourir mais pour s’instruire de ce que la société civile peut leur apprendre.
La première pierre du changement, telle que la décrivent tous les entrepreneurs sociaux, tenant à la capacité d’écoute des besoins réels exprimés par le terrain, un tel exercice pratique pourrait peut-être constituer la première pierre de nouveaux édifices scolaires plus justes et plus ouverts.