EXTRAIT : "La misère de l’éducation Nationale et l’ennui que les "digital initiatives" ressentent dans leurs classes de 40, provoquent une cassure. Ceux qui le peuvent fuient vers le secteur privé, en particulier vers les formes alternatives d’éducation, qui se trouvent à leur tour vite asphyxiées. Le "home schooling" se développe, aidé par l’abondance et la qualité croissante des ressources pédagogiques en ligne. Mais la déscolarisation des adolescents devient également préoccupante.
Face à la situation, plusieurs initiatives se développent. Des écoles nouvelles apparaissent avec l’aide d’entreprises et d’associations. Des professeurs lassés rejoignent ces établissements parallèles. Dans les cas les plus extrêmes, des commandos de parents forcent la porte des collèges et lycées, parfois avec la complicité des enseignants. Venant chacun avec leur ordinateur, ils réquisitionnent salles de permanence, CDI, gymnases, pour y organiser des ateliers, y faire de l’assistance pédagogique ou encore, projeter des cours tirés du meilleur du web.
Quelques années plus tard, à moyens presque constants, l’organisation scolaire a profondément changé. Les cours magistraux sont délivrés en amphis, voire à distance : chaque élève peut choisir son prof d’histoire ou de maths, sous réserve d’en suivre régulièrement les cours. Les travaux dirigés, qui enseignent des méthodes et appliquent les connaissances, s’organisent du coup avec des effectifs beaucoup plus réduits. Des parents, voire des élèves des classes supérieures, y assistent souvent les enseignants. Des projets longs encouragent les élèves à collaborer ensemble, entre plusieurs établissements ; les outils numériques qu’ils utilisent savent mesurer à la fois la qualité du travail collectif, et la contribution de chacun.
Cependant, des inégalités se creusent devant l’enseignement, le contenu pédagogique de certaines écoles se révélant parfois trop expérimental et d’autres fois, carrément douteux ou sectaire. L’évaluation de la qualité d’un établissement devient difficile, les critères se multipliant selon les méthodes adoptées et les objectifs choisis. L’argent joue un rôle de plus en plus important dans le choix d’un établissement.
Face à la croissance des inégalités et aux risques de disparition du tronc commun de l’éducation, l’état tente de reprendre l’initiative. Il ne dispose pas des moyens de revenir en arrière. En revanche il cherche à s’imposer comme validateur des contenus des enseignements et à assurer l’égalité des élèves devant l’éducation. Chaque établissement garde cependant le choix de ses propres méthodes pédagogiques."