Voilà bien des années que plusieurs générations d’acteurs culturels, d’artistes, d’éducateurs et enseignants se sont mobilisés pour inventer, développer et promouvoir dans notre pays une « éducation artistique et culturelle ». A force de combats multiples, ils sont (nous sommes) parvenus à imposer ce thème dans le débat public, au point que de très nombreux responsables politiques, territoriaux ou nationaux, en ont fait désormais un sujet « prioritaire ». Dans la dernière étape de cette bataille, la Loi sur la refondation de l’Ecole qui fut récemment votée, il a été décidé de mettre en œuvre un « parcours d’éducation artistique et culturelle » qui associera les enseignements artistiques habituels et les projets d’activités menés en dehors ou autour de l’école.
Trois « piliers » définissent ce parcours : l’acquisition de savoirs, une pratique artistique personnelle et la rencontreavec des œuvres et des artistes. Voir, faire, réfléchir… Proposition portée depuis des années qui se trouve enfin dans les textes officiels. Ce trépied devrait amener les différents acteurs à de nouveaux comportements pédagogiques, des nouvelles coopérations, une nouvelle manière de mettre en œuvre l’éducation.
L’avenir nous dira si la formule est la bonne…
Avec les événements tragiques que nous venons de vivre, c’est un autre sujet qui envahit le débat public : quelle responsabilité de l’Ecole dans la dérive des jeunes devenus terroristes, et plus largement dans le peu de civisme dont fait preuve une large part de notre jeunesse ?
Chacun y va donc de son analyse et de sa proposition : un nouvel enseignement de civisme et de morale… l’enseignement laïque du fait religieux… le retour des blouses dans les établissements… J’en passe !
Je voudrais suggérer ici la nécessité d’une approche similaire entre éducation artistique et éducation civique.
Je propose l’institution d’un « parcours d’éducation civique » qui serait construit sur le même principe que celui adopté pour les arts et la culture : trois piliers semblables pourrait le définir. D’une part, des enseignements(un programme, des savoirs objectifs à acquérir, une histoire, des règles, des lois, des institutions, des droits, des responsabilités…)
D’autre part, des rencontresvéritables avec des acteurs engagés dans des activités civiques (associations, institutions, personnalités, témoignages, visites de lieux de mémoire et/ou d’action…)
Enfin, un projet d’action civiquemené collectivement par les élèves eux-mêmes, permettant à chacun de vivre pleinement un engagement, même simple, au sein de la collectivité éducative dont il/elle fait partie.
Une telle approche permettrait sans doute de ne pas ajouter simplement un « enseignement » supplémentaire, mais de mettre en œuvre un processus vivant et actif d’appropriation des connaissances. Il devrait permettre à chacun (enseignants, éducateurs, élèves, intervenants…) d’inventerune part du processus et donc de s’y sentir pleinement impliqué.
Ici un petit témoignage personnel. Lorsque j’étais au collège, en classe de 5e, nous avions un programme d’instruction civique dont j’avoue n’avoir gardé aucun souvenir. Notre professeur nous avait cependant proposé de constituer des petits groupes pour mener dans Paris des enquêtes dans divers lieux : la Mairie, les gares, les aéroports… Arrivé en retard le jour de la distribution des sujets, il ne restait plus que… les cimetières, qui me furent dévolus. Cinquante années plus tard, je me souviens parfaitement de l’enquête passionnante que nous avions menée sur ce sujet avec quelques camarades dans les cimetières parisiens. Je suis persuadé que les autres se souviennent avec la même précision des lieux qu’ils avaient visités.
Je pense aussi aux nombreux témoignages des anciens déportés et enfants juifs cachés qui ne cessent d’aller dans les écoles à la rencontre des enfants et des jeunes. Le film « Les Héritiers », récemment présenté, rend compte avec force de l’impact d’une telle rencontre.
La situation est singulière, qui appelle d’urgence une action nouvelle en matière d’éducation. Espérons que la forme et le processus pédagogiques (comme la formation des acteurs) seront au rendez-vous de l’innovation et de l’implication de tous.
Tel est le sens de cette modeste proposition.
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