L’école inclusive ne peut se limiter à être de « l’intégration poussée ». La scolarité en milieu ordinaire de certains enfants1 très différents des normes scolaires, si elle se fait en « intégration » peine à se mettre en place, ou se fait dans des conditions problématiques, génératrices de souffrance aussi bien pour les élèves concernés que pour les enseignants et les professionnels chargés de les accompagner.
Les « expériences réussies » ont montré la possibilité d’accueillir en milieu ordinaire ces élèves très différents, à condition d’avoir les moyens de mettre en oeuvre des solutions innovantes à tous les niveaux de l’organisation scolaire, des pratiques pédagogiques à l’organisation de l’établissement. Bien souvent les dispositifs ainsi conçus ont été bénéfiques pour tous les élèves, bien au-delà du public d’enfants handicapés.
Dépasser la situation actuelle nécessite de repenser l’école, ce qui semble assez évident quand on constate que c’est l’école que nous connaissons, construite pour repérer des élites qui devrait permettre à chaque enfant d’atteindre le niveau d’étude le plus élevé possible. Une réflexion s’impose sur les principes mêmes, c’est ce à quoi nous incitent les chercheurs nord-américains qui ont promu le concept d’école inclusive et les anglais, avec celui de besoins éducatifs particuliers.
La loi du 11 février 2005 a fait des établissements ordinaires les lieux de scolarisation de tous les enfants. L’enfant n’est pas a priori dans l’école et son « intégration » est un processus qui va le conduire de l’extérieur vers l’intérieur. On comprend alors que la plupart des efforts sont à faire par les élèves et les accompagnants, qui doivent s’intégrer.
Le point de vue de l’école inclusive est tout autre : considérer chaque école comme une communauté d’élèves et penser son organisation en fonction des élèves que l’on reçoit. Ce point de vue suppose que les élèves sont a priori dans l’école et que celle-ci s’organise pour les accueillir au mieux.
L’école inclusive part du milieu ordinaire qui offre des dispositifs et pratiques a priori adaptés au plus grand nombre et des adaptations complémentaires, en réponse au besoin particulier de certains enfants.
Ainsi considérée, l’école inclusive n’a plus de limite : les enfants sont dans les établissements scolaires… il ne reste plus qu’à trouver les solutions pour les scolariser au mieux de leur besoin ! Il se peut donc, pour certains élèves, que des dispositifs très spécialisés soient nécessaires : l’école inclusive ne veut en aucun cas dire que tous les élèves fréquentent les mêmes classes et font les mêmes apprentissages au même moment.
Le premier pays à avoir amorcé un passage de la logique de handicap à celle de besoin éducatif particulier est l’Angleterre. Le rapport qui a porté cette réflexion au niveau national (Warnock Report) propose de prendre en compte trois types de besoins :
? Tout d’abord les besoins d’aménagements pour accéder aux apprentissages. Ils sont nécessaires pour les élèves présentant une déficience sensorielle ou motrice. Des aménagements de ce type sont aussi nécessaires pour des enfants présentant de grandes difficultés en lecture pour que ces difficultés ne soient pas pénalisantes pour les autres apprentissages.
? Ensuite des besoins d’aménagements dans les apprentissages, pour les élèves qui ne peuvent procéder aux mêmes apprentissages que les autres au même moment que les autres. Il s’agit là de permettre aux élèves concernés de disposer d’objectifs d’enseignements adaptés à leurs besoins, dans le cadre des programmes officiels ordinaires.
? Enfin, des besoins d’aménagements pour des élèves présentant des difficultés d’ordre comportemental ou émotionnel. Ces trois types de besoins sont une piste pour faire évoluer nos dispositifs à tous les niveaux, des pratiques pédagogiques au fonctionnement de notre système scolaire.
On voit que les mots « font les choses » (Plaisance, 1999) : considérer les élèves en fonction de leurs besoins plutôt que de leurs troubles amène à penser différemment l’organisation scolaire. On constate que les besoins des enfants… conduisent aux besoins des professionnels, qui doivent développer de nouveaux dispositifs et de nouvelles pratiques. La collaboration des différents acteurs, notamment du secteur scolaire et médico-social semble alors déterminante pour faire en sorte que les principes que nous venons de décrire soient suivis d’action !