In Chronique Education – le 25 mars 2014 :
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L’innovation est un mot qui va revenir très souvent dans l’actualité éducative des prochaines semaines. Bientôt se tiendra la Journée de l’innovation organisée par le Ministère où seront remis les grands prix de l’innovation. Un peu plus tard, une manifestation concurrente organisée par le Café pédagogique mettra à l’honneur les enseignants innovants. À la fin de l’année scolaire, le Conseil National de l’Innovation et de la Réussite Éducative installé il y a un an et demi par la ministre de la réussite éducative et présidé par Didier Lapeyronnie rendra son rapport et ses préconisations pour favoriser l’innovation. Je suis membre de ce conseil, j’ai aussi été membre du jury du Grand Prix de l’innovation. Mais je vais tenter ici un exercice délicat en essayant de faire un pas de côté pour livrer quelques réflexions strictement personnelles sur ce que m’inspire cette question de l’innovation.
Innover, mot piégé…
L’innovation est un mot aux multiples sens et qui entretient la confusion. Etant professeur de Sciences Économiques et Sociales, mon approche du concept est d’abord liée aux disciplines de référence de ma discipline : l’économie et la sociologie. En économie, on apprend tout d’abord aux élèves à distinguer l’invention de l’innovation. Cette dernière suppose la généralisation et l’application au domaine de la production commerciale d’une technique nouvelle ou d’un produit nouveau. Sans rentrer dans le détail, on distingue également plusieurs formes d’innovations : des innovations de procédé et des innovations de produit, des innovations majeures et des innovations incrémentales… Une innovation réussie suppose la diffusion.
En sociologie, on montre que très souvent l’innovation est une forme de déviance. L’innovateur va aller à l’encontre des codes, des normes du moment, pour proposer autre chose.
En sociologie, on montre que très souvent l’innovation est une forme de déviance. L’innovateur va aller à l’encontre des codes, des normes du moment, pour proposer autre chose.
L’innovation serait donc une déviation. On retrouve cette idée chez Edgar Morin et notamment dans une interview par Maryline Baumard dans Le Monde (le 25 octobre 2013) ou il répond ainsi à la question « Comment faire changer l’école ? » “ Il faut sans cesse s’appuyer sur une avant-garde agissante. Il n’existe jamais de consensus préalable à l’innovation. On n’avance pas à partir d’une opinion moyenne qui est, non pas démocratique, mais médiocratique ; on avance à partir d’une passion créatrice. Toute innovation transformatrice est d’abord une déviance. ”.
Or, dans l’éducation nationale, nous sommes dans un apparent paradoxe. L’innovation est encouragée par l’institution elle même. On trouve dans chaque académie des “conseillers recherche-développement, innovation et expérimentation” (CARDIE). Au sein de la Degesco, c’est une DRDIE qui coordonne leurs actions. Par ailleurs, dans le référentiel qui guide la formation des enseignants (2013) la compétence 14 « S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel» insiste sur la nécessité pour les enseignants de développer des « démarches d’innovation pédagogique visant à l’amélioration des pratiques.» Cette injonction à l’innovation était déjà présente dans les “10 compétences” (2007 et 2010) qui ont précédé ce référentiel.
Innover deviendrait alors une norme ? L’innovateur serait alors un conformiste ? Comment expliquer ce paradoxe ?
Les rebelles ne sont pas ceux qu’on croit !
Dans les médias et les représentations on assimile souvent l’enseignant innovant à un “rebelle” qui va lutter contre une administration forcément hostile et conservatrice. Or, innover ça peut être tout simplement vraiment appliquer les textes !
La déviance se situe alors plus par rapport à un conformisme ambiant, à une culture professionnelle et des normes non écrites qu’à des textes. Innover, nous le savons bien aux Cahiers Pédagogiques, c’est peut-être d’abord utiliser les marges de manœuvre disponibles et évoluer dans les interstices des textes et des procédures.
La déviance se situe alors plus par rapport à un conformisme ambiant, à une culture professionnelle et des normes non écrites qu’à des textes. Innover, nous le savons bien aux Cahiers Pédagogiques, c’est peut-être d’abord utiliser les marges de manœuvre disponibles et évoluer dans les interstices des textes et des procédures.
Innover c’est donc aussi “s’autoriser”, car les barrières sont bien souvent celles de nos propres routines et nos représentations.
On notera au passage que cette question de la posture pollue le débat sur les méthodes pédagogiques et l’opposition “Pédagogues/Républicains”. Pendant longtemps en effet, les innovateurs luttaient contre l’institution. On a bien sûr en tête le cas de Célestin Freinet obligé de quitter l’Éducation Nationale et de fonder sa propre école pour mener à bien son projet. Or, aujourd’hui, alors que l’encadrement du ministère s’est emparé du vocabulaire de la pédagogie et de la thématique de l’innovation, on assiste à un renversement idéologique. Ce sont les supposés “républicains” qui se donnent la posture du rebelle face au "système" alors qu’ils ne sont que des conservateurs et des conformistes…
Comment un Mammouth peut-il innover ?
Si l’Éducation Nationale développe un discours sur l’innovation et cherche à la promouvoir, on peut cependant s’interroger sur la capacité d’un système bureaucratique et centralisé à produire de l’innovation. Cette injonction risque de n’être qu’un discours creux et incantatoire si cela ne se traduit pas dans des actes et dans des structures favorables.
De nombreux sociologues ont étudié la bureaucratie et ont montré comment ce système se reproduisait et était créateur de routines et d’inertie peu propices au changement. Dans le cas de l’ Éducation nationale, on soulignera plus particulièrement trois aspects qui y contribuent.
• Des statuts rigides et cloisonnés rendent plus difficile la conscience collective. PE, PLC, certifiés, agrégés, AE, CPE, Perdir, IA-IPR, IEN, … L’Éducation Nationale, c’est la manufacture des sigles ! Et les statuts qui sont derrière sont associés à des avantages, des obligations et des périmètres spécifiques. Tout cela aboutit à des méfiances réciproques voire à la “guerre” des uns contre les autres. Et les périmètres se transforment trop souvent en territoires. Comment dans un tel contexte créer les conditions de l’innovation ?
• Le rôle des cadres intermédiaires dans l’Éducation Nationale est ambigu. Leur formation (distincte de celle des enseignants) les conduit à développer des compétences managériales. Cette formation passe souvent aussi par un processus d’acculturation où ils oublient leur passé enseignant et leur fait confondre quelquefois “leadership” avec autoritarisme. Mais surtout, la logique bureaucratique à l’œuvre conduit bien trop souvent ces personnels à produire de la procédure pour se convaincre d’exister… On retrouve là, les logiques de territoire évoquées plus haut. C’est aussi lié à la confusion entre deux fonctions qui sont les fonctions d’animation d’une part et les fonctions d’évaluation (individuelle) d’autre part. L’une pollue l’autre… Et on aboutit ainsi à des effets pervers: comportements infantilisants, clientélisme, contrôle a priori, paperasserie, conformisme…
• Un système déconcentré mais pas décentralisé. Certes, on n’est plus au temps où le ministre pouvait se vanter de savoir ce que faisaient tous les instituteurs de France en même temps à la même heure ! Mais le système reste cependant construit sur une logique très hiérarchique (“top down” ) et les recteurs sont autant de “petits” ministres dans leur région. Le système reste très jacobin et marqué par une forte hiérarchie. Il génère des effets indésirables : force d’inertie, faible adaptabilité aux situations locales, lourdeur des contrôles… Il contribue ainsi à l’infantilisation et la déresponsabilisation des acteurs et est donc peu propice à l’innovation.
Sans considérer qu’il faut en faire des modèles, on pourrait s’inspirer de certaines des réformes menées dans d’autres pays. Passer d’une logique “top-down” (du haut vers le bas) à une logique “bottom-up” (du bas vers le haut) signifierait qu’on donne plus d’autonomie locale aux établissements pour qu’ils puissent innover et proposer des solutions pédagogiques plus adaptées aux contextes locaux. Pour éviter les dérives et la rupture de l’égalité républicaine, il faudrait alors que les missions assignées à l’École et à chaque niveau soient plus claires. Qu’on ait donc un système plus ferme sur les finalités et plus souple sur les procédures.
Pour cela, il faut passer d’un contrôle a priori à un contrôle a posteriori et faire évoluer le rôle des fonctions d’encadrement. Cela suppose une dissociation des fonctions d’animation et d’évaluation de l’inspection. Une évaluation qui pourrait d’ailleurs être plus collective qu’individuelle.
Bien sûr, dans cette administration centralisée et homogène, on trouve malgré tout des “îlots” d’innovation : des classes où se sont regroupés quelques pédagogues, des établissements secondaires publics innovants (regroupés au sein de la Fespi)… Mais le problème de ces structures est de dépasser l’“entre-soi” et de parvenir à infuser dans l’enseignement classique. Sinon, on court le risque de n’être, au final, que des alibis justifiant par ailleurs l’inertie du système.
Peut-on se former à l’innovation ?
Dans quelle mesure la manière dont les enseignants sont formés peut-elle favoriser la résistance au changement ou au contraire l’innovation ?
L’enjeu est d’abord de construire une identité professionnelle qui permette de dépasser la seule référence disciplinaire (dans le 2nd degré) et d’offrir une vision plus large du métier. En somme, construire une “culture commune” qui soit à la base d’un travail collectif On pourra me dire que, justement, la formation initiale est en train d’être rénovée et de devenir plus professionnalisante. Mais, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer, les inquiétudes demeurent. La construction des ESPÉ ne semble pas, pour l’instant, à la hauteur des enjeux.
Y a t-il des compétences à construire pour favoriser la capacité à innover ? On peut évoquer brièvement quelques pistes :
- le travail en équipe ça s’apprend. Et les techniques d’animation de groupe sont indispensables pour construire des projets collectifs
- le partenariat aussi, on peut s’y former. La plupart des projets innovants sont des dispositifs qui impliquent des intervenants extérieurs. La relation avec les parents est également une des clés de la réussite de bien des projets. Une formation initiale de qualité devrait donner des outils pour penser et agir dans cette direction.
- L’analyse de pratiques est aussi un levier du développement professionnel. Elle permet d’installer dès les débuts dans le métier une posture réflexive indispensable. Tout comme l’écriture professionnelle qui fait partie intégrante de cette compétence.
- Se mettre dans une logique de recherche et d’expérimentation, formuler des hypothèses, produire soi même des travaux de recherche est indispensable. Et si nous étions tous, au sens plein du terme, des “enseignants-chercheurs” ? Car finalement, un collègue innovant ce serait d’abord un enseignant qui considère que rien n’est jamais acquis et qui est capable de se remettre en question.
Mais au delà de la formation initiale, la condition majeure du changement et de l’amélioration des pratiques est surtout celle de la formation continue. Comment peut-on considérer qu’on est formé une fois pour toutes ? Feriez vous confiance à un médecin qui n’aurait jamais eu l’occasion de se former à de nouvelles techniques ?
Une occasion a été ratée dans les annonces du débat du quinquennat et dans les négociations sur le métier. On aurait pu instituer une obligation de formation pour les enseignants sous forme d’un droit opposable. Cela aurait été un levier important pour enclencher une dynamique mobilisant à la fois l’éducation nationale elle même et en particulier les ESPÉ mais aussi les mouvements pédagogiques qui auraient pu ainsi contribuer à cette évolution indispensable.
Peut-on innover en respectant les programmes ?
Nous évoquions plus haut le poids des procédures et la contrainte des nombreux textes produits par le mammouth. Parmi ceux ci figurent bien sûr les programmes d’enseignement. Ceux-ci sont pléthoriques et comme si ça ne suffisait pas s’accompagnent bien souvent d’instructions complémentaires qui les alourdissent encore. Et les corps d’inspection sont les garants de leur stricte application. Cela limite la capacité à innover même si nous savons bien que c’est le talent de chaque enseignant que de trouver des dispositifs et des supports qui lui sont propres et qui répondent aux besoins de ses élèves.
La loi de refondation a institué un Conseil Supérieur des Programmes (CSP). On peut espérer que la fabrication de ces futurs programmes aille vraiment vers une logique curriculaire, c’est-à-dire une logique qui enferme moins dans des procédures et des indications strictes et qui donne de la souplesse aux enseignants pour mettre en œuvre des objectifs clairs. Comme cela se fait dans bien d’autres pays. Pour favoriser l’innovation, il faut aller vers un système moins rigide sur les modalités et plus ferme sur les finalités. Et qui ne laisse personne sur le bord de la route.
Et le numérique dans tout ça ?
Aujourd’hui, pas un discours sur la pédagogie et sur l’évolution de l’École sans un couplet sur le numérique. Il est vrai que les technologies de l’information et de la communication ont changé notre vie quotidienne et qu’on peut penser que ces innovations vont aussi changer l’École et les manières d’apprendre. Ils ont en effet des potentialités énormes. Ils donnent accès à des informations et des connaissances illimitées (reste à les transformer en savoirs…). Les outils numériques peuvent agir sur la motivation des élèves, leur concentration, leur participation en classe. Ce sont donc potentiellement des outils de lutte contre l’ennui à l’école et au final contre l’échec scolaire. Ils sont aussi le ferment d’une évolution des pratiques enseignantes. Les Tice peuvent permettre que les enseignants ne travaillent plus de manière isolée, mais mutualisent leurs ressources et collaborent pour la préparation de leur cours. Le numérique peut enfin favoriser l’apprentissage personnalisé, actif et coopératif…
Mais le numérique peut à l’inverse renforcer l’individualisme et l’aspect répétitif des apprentissages. Il peut être l’instrument d’une pédagogie encore plus magistrale et frontale. Et l’usage effréné du numérique peut même, à terme, être générateur d’ennui et de démotivation.
Il faut donc se garder d’une illusion d’optique dans laquelle tombe trop facilement nos décideurs. Celle de croire qu’à lui seul un outil, aussi performant soit-il, va révolutionner l’enseignement. Certes, le numérique est au cœur d’une révolution de la production et de la consommation dans tous les domaines et il modifie considérablement la manière dont circule l’information et notre rapport aux connaissances. Mais pour l’enseignement cette transformation passe d’abord par une réflexion sur les usages et donc une formation. Ce n’est pas la technologie qui, dans l’école, est intrinsèquement innovante, c’est la réflexion pédagogique qui l’accompagne.
Car il faut dire que l’illusion d’optique est renforcée par un deuxième phénomène. Ce sont en effet les enseignants les plus innovants au départ qui se sont emparés des outils numériques pour en explorer les possibilités. Mais ce ne sont pas forcément les outils qui les ont transformés !
Seul ou à plusieurs ?
Nous sommes encore confrontés à une vision très “libérale” de l’exercice du métier d’enseignant qui a du mal à se définir autrement que dans l’espace intime de la classe.
Il est tentant d’inscrire l’innovation dans le cadre de la “liberté pédagogique” individuelle. Pendant longtemps ce droit était surtout revendiqué par les pionniers de la transformation de l’école. Il était difficile d’enseigner autrement que les autres alors qu’on était isolé et qu’on subissait la pression conservatrice de la hiérarchie. A cette époque la question de la liberté pédagogique ne se posait donc pas pour les tenants d’une école traditionnelle. Elle ne se posait que pour la minorité qui voulait changer l’école. Mais aujourd’hui, le message est brouillé et c’est plutôt dans le camp des “conservateurs” que le thème de la liberté pédagogique a été repris. La liberté pédagogique est ainsi devenue l’alibi des conservateurs et « la liberté de faire comme avant » (P. Frackowiak).
On voit donc que la notion de “liberté pédagogique” est au final un concept ambigu. La loi dit d’ailleurs qu’ « elle s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement. ». Si l’innovation a besoin de liberté, elle a aussi besoin d’une dimension collective pour durer et se développer. Pour dépasser cette ambigüité, on préféra donc la notion d’autonomie. Celle-ci ne peut se confondre avec la liberté illusoire de celui qui, refermant la porte de sa classe, croit qu’il n’a de comptes à rendre à personne.
Car, si une part irréductible du métier reste individuelle, on sait aussi que ce qui fait l’efficacité et la durabilité de l’action réside dans l’action collective d’une équipe, d’un établissement. Pour cela, il faut que les enseignants se redonnent collectivement une expertise et un pouvoir d’agir sur les structures, les contenus enseignés, les modalités d’évaluation, etc. En somme passer d’une logique “top down” à une logique “bottom-up”…
Même s’il faut louer et encourager les “enseignants innovants”, il donc est tout aussi important de mettre en évidence et d’analyser la dimension collective et institutionnelle qui permet aux projets de se développer et de se diffuser. Car ce qui fait le succès d’une innovation c’est sa diffusion et sa pérennisation. Finalement, tout comme pour les innovations dans le monde économique, lorsqu’elle se massifie et devient une pratique nouvelle et généralisée. Un enseignant innovant c’est bien, une équipe innovante c’est encore mieux !
La diffusion de l’innovation
“L’École fait des réformes, la médecine fait des progrès”, cette métaphore de Philippe Meirieu nous interpelle sur la manière d’évoluer. Pour progresser, la médecine s’appuie sur les savoirs partagés la diffusion et la capitalisation des innovations. Or, dans l’éducation nationale, malgré des progrès dans la mutualisation des supports de cours il y a encore une réelle difficulté à diffuser les innovations et à analyser et évaluer les dispositifs mis en place. Y compris au sein d’un même établissement où il est quelquefois difficile de savoir ce que fait son collègue et de donner de la cohérence à l’ensemble.
L’enjeu de la circulation de l’information et de la recherche est essentiel. Il permet de lever les résistances en montrant la « faisabilité » des dispositifs à ceux qui en doutent. En obligeant les enseignants à écrire sur leurs pratiques, il permet de mieux les formaliser et d’enclencher un retour réflexif. Enfin, l’apport de la recherche permet évidemment de nourrir la réflexion des praticiens. Et vice-versa.
Toute ressemblance avec une revue comme les Cahiers Pédagogiques n’est absolument pas fortuite ! Celle-ci est née en 1945 comme un “bulletin de liaison” des enseignants des classes nouvelles issues du plan Langevin-Wallon dans une logique de mutualisation. Et dès le départ, il s’est agi de combiner les récits de pratiques et les apports de la recherche . C’est ce que reconnaît d’ailleurs l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AÉRES) en nous qualifiant du beau qualificatif d’ « interface ». Il ne s’agit pas ici de faire de l’autopromotion pour les Cahiers Pédagogiques (quoique…) mais bien d’insister sur une dimension essentielle qui est d’ailleurs assumée par d’autres rares médias et mouvements.
L’innovation ce n’est pas seulement une question de “savoir-faire” mais aussi une question de “faire savoir” !
L’innovation ce n’est pas seulement une question de “savoir-faire” mais aussi une question de “faire savoir” !
Difficultés
L’innovation pédagogique se heurte à une série de freins qu’on peut rapidement énumérer.
Tout d’abord, le discours pédagogique de l’innovation est souvent vécu comme culpabilisateur par bon nombre de collègues. Parce qu’il conduit à mettre en avant des individus ou des équipes dans un métier marqué par une culture égalitaire. Et que la critique implicite des méthodes pédagogiques qu’il contient peut être ressentie comme une remise en cause personnelle.
Les innovations se heurtent aussi à des résistances forgées dans des valeurs respectables mais aux effets pervers. L’égalité républicaine peut conduire à un égalitarisme interdisant les expérimentations et à un jacobinisme rejetant l’autonomie des établissements. On a vu également que l’institution elle-même pouvait être un facteur de blocage.
Enfin, les difficultés peuvent être dans les pratiques des enseignants innovateurs eux-mêmes. On peut tomber dans le piège de l’immodestie et dans la conviction d’avoir trouvé LA solution. Et au final recréer une nouvelle routine. Or, on le sait bien en matière de pédagogie, si l’on peut avoir des convictions on ne peut pas avoir de certitudes. Il faut sans cesse se remettre en question dans un travail du quotidien.
Le discours emphatique et incantatoire sur l’“innovation” peut être analysé comme le symptôme d’une institution qui peine à se transformer et qui accepte mal les écarts à la norme. Si l’on en parle tant, s’il y a besoin d’une “journée de l’innovation” c’est peut-être parce qu’elle est absente…
Si l’esprit d’initiative était la règle, si la pédagogie ordinaire était fondée sur le travail d’équipe, l’expérimentation et la recherche permanente, si les programmes et l’organisation du temps laissaient plus de marges de manœuvre, si l’on faisait un peu plus confiance aux enseignants, si on leur donnait un peu plus de pouvoir d’agir, … ce serait tous les jours la journée de l’innovation !
Philippe Watrelot
Categories: 3.12 Education Nationale