PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

RENCONTRE DÉPARTEMENTALE DE LA PARENTALITÉ
organisée le lundi 2 mai 2011, à Colmar,
par le Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents du Haut-Rhin (REAAP68)
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DU "SOUTIEN À LA PARENTALITÉ "
À LA PRISE EN CONSIDÉRATION DES RÉALITÉS FAMILIALES ET DE LA CONDITION PARENTALE :
COMMENT PROMOUVOIR, AUJOURD’HUI, DES RELATIONS CO-ÉDUCATIVES DANS ET HORS DE L’ECOLE ?
Frédéric Jésu
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Les REAAP et le « soutien à la parentalité »
Il est important de connaître et de faire connaître les REAAP, ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas, et les actions qu’ils suscitent, encouragent et relient sur un territoire à chacune de ses échelles.
Il faut tout d’abord faire connaître les REAAP aux parents, à leurs associations, pour qu’ils s’en saisissent et s’y intéressent de leur plein gré, qu’ils en orientent les objectifs et les activités et qu’ils les fassent évoluer en fonction de leurs réalités, de leurs besoins et de leurs aspirations. En d’autres termes, les REAAP doivent être construits et animés avec les parents. Comme l’indique en effet un proverbe touareg, « ce qui se fait pour les gens mais sans les gens se fait contre les gens », ou risque tout du moins d’être perçu comme tel.

Il faut aussi faire connaître les REAAP aux professionnels afin que ceux-ci y trouvent de l’inspiration, voire des appuis, pour faire naître, croître et vivre des occasions de dialogue, au sein des institutions et des services où ils exercent, avec les parents qui s’adressent à eux ou qui leur confient leurs enfants.

Il faut donc aussi que les REAAP soient connus et, mieux encore, qu’ils suscitent l’intérêt des responsables administratifs des services centraux et déconcentrés de l’Etat, de ceux des collectivités locales et de ceux des caisses de Sécurité sociale. Les liens de filiation et de parenté ne s’inscrivent-ils pas, pour commencer, à l’état civil des mairies ? Après quoi on observe que la référence à l’autorité parentale est présente dans de nombreux codes qui définissent les compétences des différents pouvoirs publics dans le champ familial : code civil, code des familles et de l’action sociale, code de l’éducation, code de la sécurité sociale, code de la santé publique, code pénal, etc.
Il faut par conséquent – et c’est l’un des objectifs de cette journée – que les élus de la Nation, des Régions, des Départements et des Villes disposent d’une vision et d’une visée politiques explicites et mobilisatrices vis-à-vis de ce que représentent les REAAP sur leurs territoires d’élection et de tout ce qu’ils y rendent possible, de droit et de fait.

La « parentalité », concept relativement récent qui irrigue les REAAP et de nombreux dispositifs consacrés aux parents, est en effet devenue en une décennie, en France, sinon une affaire d’Etat ou de décentralisation du rôle de celui-ci, du moins un sujet et un enjeu politiques majeurs.

Le « soutien » que, de façon plus ou moins normative et directive, cette « parentalité » qu’est supposée requérir a fait quant à lui l’objet d’un nombre croissant de lois, décrets et dispositifs relativement convergents qui déterminent les politiques publiques, nationales et locales, concernant les familles, notamment dans le champ de l’éducation en général, et dans celui de l’Education nationale en particulier.

Ces tendances se manifestent avec les meilleures intentions du monde, en principe tout du moins : qui refuserait en effet son appui aux parents, ces porteurs de la plus petite collectivité sociale et éducative que constitue « la » famille ? Mais elles le font, en pratique, non sans quelques ambiguïtés : les parents ne seraient-ils pas aussi en voie d’être considérés, du fait de leur rôle pivot initial, comme la source de nombre de ces problèmes complexes qui affectent nos grandes organisations sociales et qu’elles peinent à résoudre elles-mêmes ?

Comment oublier, par exemple, que la dynamique des REAAP est née, en mars 1999, d’une circulaire interministérielle conçue dans la suite immédiate des travaux du Conseil de Sécurité Intérieure et dans le cadre du Plan national de prévention de la délinquance ? Nombre d’acteurs locaux, on pourrait presque dire de « militants », des REAAP ont voulu oublier les particularités de cet acte de naissance au cours de la décennie qui a suivi.

Nadine Morano n’a pas fait preuve d’une telle amnésie lorsque, alors Secrétaire d’Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, elle a installé le « Comité national de soutien à la parentalité », le 3 novembre 2010, en déclarant que l’objet de celui-ci était « de mieux coordonner les actions d’aide à la parentalité et de prévention de la délinquance des mineurs ». Lors de son audition dans le cadre de l’élaboration du rapport sur « La prévention de la délinquance des jeunes » remis le même jour au Président de la République par Jean-Marie Bockel, alors Secrétaire d’Etat à la Justice, Mme Morano avait d’ailleurs complété son point de vue en affirmant : « [Les REAAP] sont fondamentaux, car ils ont en charge l’éducation des parents en s’adressant principalement à ceux qui méconnaissent les règles de vie de notre pays ».

La plupart des acteurs impliqués auprès et aux côtés des parents auraient volontiers préféré, et souhaitent sans doute encore, limiter leurs ambitions à l’Accueil, à l’Ecoute, à l’Appui et surtout à l’Accompagnement des Parents, c’est à dire adopter envers ceux-ci une posture plus lisible et plus facile à présenter, sinon à assumer, qu’un « soutien à la parentalité » pensé et décrit dans les termes que l’on vient de citer.

Il importe donc aujourd’hui que les parents de toutes conditions puissent s’intéresser aux ressources que les REAAP présentent et représentent pour eux et qu’ils puissent se les approprier :
-en toute confiance à l’égard des professionnels, des associations et des élus locaux ;
-avec la conviction que les acteurs des REAPP agissent en adéquation avec leurs réalités, leurs besoins et leurs aspirations – ce qui suppose que ces acteurs n’en limitent pas l’appréciation au périmètre des seuls parents avec lesquels ils sont en relation, et qu’ils conservent le cap d’une approche généraliste et globale de la condition parentale.

Dérapages de sens au carrefour « parentalité » / scolarité
Les différentes circulaires interministérielles qui ont suivi et prolongé celle portant création des REAAP ont assez vite, et logiquement, incité les pilotes et les acteurs de ceux-ci à se rapprocher avec bienveillance des parents d’élèves des écoles primaires et des collèges.
Il s’agissait initialement de proposer que les acteurs des REAAP encouragent et accompagnent, y compris physiquement, l’engagement actif et approprié des parents tout au long du parcours scolaire de leurs enfants. Ou le cas échéant, qu’ils procurent, en lien avec les associations de parents d’élèves, une médiation des échanges entre les parents et les professionnels des écoles et des collèges, et notamment les enseignants. Ces échanges sont en effet souvent décrits et vécus comme délicats, tendus, difficiles, piégés de quiproquos, lourds d’un passif historique de méfiance et de mise à distance mutuelles ; ou encore comme insuffisants, inconstants voire inexistants ; bref comme chargés d’espoirs mais aussi de dynamite, et donc à aborder avec délicatesse.

Dès 2003 cependant, et à plusieurs reprises ensuite, la thématique de l’absentéisme scolaire, de sa prévention et de son traitement est venue noircir l’horizon de cette approche précautionneuse du carrefour scolarité/ »parentalité ».
Aujourd’hui, avec la loi du 28 septembre 2010, entrée en vigueur le 24 janvier 2011, relative à la lutte contre l’absentéisme scolaire, un point de non-retour risque d’être atteint – tout du moins à cet important carrefour-là. A moins que ne tombe tout simplement et enfin, à cette occasion, le masque des intentions qui pare de plus en plus, depuis une dizaine d’années, les émetteurs des discours envahissants sur le « soutien à la parentalité ».

En l’occurrence, de quel type de dispositif le REAAP peut-il devenir le nom pour les familles et les professionnels sachant que les parents d’élèves absentéistes peuvent s’y voir orientés, aux termes de la loi :
-lorsque l’inspecteur d’Académie les menace, par écrit, de suspension ou de suppression d’une partie de leurs prestations familiales ?
-lorsque, par la suite, le directeur de la Caisse d’Allocations Familiales leur annonce, toujours par écrit, qu’il s’apprête à le faire ?

Est-il bien judicieux de présenter de la sorte le REAAP aux parents, c’est-à-dire de le faire dans un contexte de menace ou de sanction ?
Le REAAP, en tant que dispositif impliquant largement le secteur associatif subventionné et faisant désormais l’objet d’injonctions relativement contraignantes de s’en rapprocher, devrait bien plutôt de rejoindre dans la liste des initiatives législatives d’autres dispositifs, portés de longue date par des associations et qui ont bénéficié d’une réelle mais fragile consolidation dans les années 2000 :
-l’accompagnement à la scolarité, impliquant les parents d’élèves en difficultés scolaires ;
– la médiation familiale, pour les parents souhaitant organiser leur séparation conjugale.
A côté de ces dispositifs bienveillants et rôdés, en figurent cependant deux plus récents, confiés aux collectivités territoriales – d’ailleurs peu pressées de s’en saisir – qui reflètent assez bien de la façon dont les concepts, les discours et les pratiques relevant du « soutien à la parentalité » font aujourd’hui courir aux parents le risque de les voir se retourner contre eux, ou du moins d’être perçus comme tels :
-le Contrat de responsabilité parentale (créé par la loi de 2003 relative « à l’égalité des chances »), qui est de compétence départementale ;
-les mesures d’accompagnement social édictées par le Conseil des droits et devoirs des familles (institué par la loi de 2007 « relative à la prévention de la délinquance »), qui sont de compétence municipale.
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A titre d’illustration de l’esprit qui a gagné les années 2000 en la matière et pour mettre en lumière le paradigme qui a inspiré le législateur et excité sa créativité, notamment à propos de l’absentéisme scolaire puis de la prévention de la délinquance, il faut mentionner l’existence de plusieurs textes ayant instauré depuis 2003 le concept de « stage de reparentalisation », ainsi que les initiatives pilotes, les pratiques, les appels d’offre de prestations, etc. auxquels il a donné lieu. Ceux-ci peuvent être proposés en différentes circonstances, voire pénalement imposés, à des parents considérés comme défaillants ou incompétents dans l’éducation de leurs enfants. Ainsi l’Etat décide-t-il peu à peu qu’il convient de les former à bien ou mieux exercer leur « parentalité », tout en demandant aux collectivités locales de le suivre sur cette voie. Il n’est pas encore prévu à ce stade d’examen de passage, de diplôme ou de permis à point !
Plus récemment, le rapport ci-dessus mentionné de Jean-Marie Bockel sur la « prévention de la délinquance des jeunes » a de fait insisté sur le rôle de l’Etat dans la « formation des parents », milité pour la généralisation des « écoles de parents », et pour le développement d’un « coaching parental » prenant appui sur les REAAP.
N’oublions pas non plus que cette décennie qui a vu fleurir les injonctions faites aux parents de mieux surveiller et « cadrer » leurs enfants a aussi été celle qui a encouragé ou facilité, dans le droit du travail, le travail du dimanche, les temps partiels éclatés et les horaires atypiques. L’injonction paradoxale est ici flagrante : travaillez plus, y compris pendant les temps familiaux partageables avec les enfants, mais efforcez-vous simultanément de mieux les surveiller.
Les pouvoirs publics, nationaux et locaux, seraient-ils aujourd’hui enclins à « soutenir la « parentalité » comme « la corde soutient le pendu » ? Un discours politique dominant, à droite mais aussi à gauche, laisse entendre qu’il s’agirait de « responsabiliser » les parents en difficulté, de les aider à restaurer leur autorité parentale défaillante, de les attirer ou de les tirer jusqu’au seuil d’un dialogue prétendument contractuel avec les différentes institutions impliquées dans l’éducation de leurs enfants. Mais de le faire en commençant par les infantiliser aux yeux même de leurs enfants.

L’alibi coéducatif fonctionne ici comme un leurre. Il s’avère dangereux, en outre, pour le présent et l’avenir de la belle idée de la coéducation si la « parentalité », mais en réalité les parents, se voient rendus responsables en première ligne de tout un ensemble de difficultés et de dysfonctionnements sociaux complexes et intriqués : la crise de sens et de finalité de l’école républicaine, le « décrochage » et l’absentéisme scolaire, la fragilisation des repères éducatifs traditionnels, la délinquance des jeunes, mais aussi l’obésité infantile, l’addiction aux écrans, etc. L’aggravation et la résolution de ces problèmes sont supposées incomber principalement aux parents, alors que nulle institution ne sait quant à elle y faire efficacement face toute seule, et que les coordinations institutionnelles peinent à s’établir pour répondre aux multiples déterminants en cause.

On ne peut pas être parent tout seul
Dans un contexte aussi brouillé par les relations alléguées entre causes et effets, faut-il – et si oui comment ? – soutenir une « parentalité » présentée comme responsable des problèmes qui l’affectent en première ligne ?

La « parentalité » constitue un cadre à la fois normatif, relationnel et pratique. Construit, dans une société donnée, sur les règles de l’alliance et de filiation, ce cadre procure une large part de la protection, de la socialisation, de l’instruction et de l’émancipation que chaque enfant requiert. Mais les parents n’assument jamais seuls ces importantes fonctions qui dépassent à l’évidence leurs domaines propres de compétences.

Dès lors, psychologiser et prétendre restaurer la « parentalité » constitue une approche parfois nécessaire, mais jamais suffisante et en tout cas bien réductrice. Elle s’avère même dangereuse pour tous si elle contribue à assimiler les problèmes et les crises de société à une somme de problèmes et de crises individuels ou familiaux qu’il conviendrait d’aborder de traiter comme tels.

Aussi le rôle et la place que peuvent prendre aujourd’hui les parents, par exemple dans une perspective de « promotion des relations co-éducatives dans et hors de l’école », gagnent-ils certainement à être éclairés par les approches des sciences humaines : psychologie, certes, mais aussi et tout autant sociologie, anthropologie, démographie, économie, sciences de l’éducation. Le croisement et la combinaison de ces différentes disciplines permettent de mieux comprendre – et donc d’apprécier avec plus d’optimisme que n’y incitent les discours politiques et médiatiques, alarmistes et convenus, qui prévalent aujourd’hui – la façon dont les familles sont traversées en permanence par des tendances sociétales profondes et la façon dont elles les annoncent ou dont elles les absorbent.

Sous de tels éclairages, les familles apparaissent comme des institutions souples, vivaces, réactives, évolutives – et donc dotées de formidables capacités d’adaptation. Elles ont en définitive les reins plus solides qu’on ne le pense et le dit. Elles soutiennent leurs membres plus souvent qu’elles ne sollicitent d’être soutenues. Qu’elles aient bon dos, réellement comme métaphoriquement, ne doit pas conduire à les charger de responsabilités qu’elles souhaitent plus souvent partager qu’assumer seules.

Les postures professionnelles et institutionnelles induites par le recours aux concepts de « parentalité » et de « soutien », et donc de « soutien à la parentalité », ne semblent de ce point de vue guère propices à développer une dynamique co-éducative à la hauteur des aspirations et des enjeux susceptibles de mobiliser conjointement les parents et les autres éducateurs – dans le cadre notamment des initiatives locales fédérées par un REAAP.

De la « parentalité » à la « condition parentale »
A l’écoute intime ou collective des parents, comme je le suis dans différents cadres depuis 32 ans, un constat d’évidence me frappe : un adulte parviendra d’autant plus à se percevoir et à agir comme un « parent suffisamment bon » – selon des critères qu’il lui appartient d’ailleurs largement d’établir lui-même -, qu’il se trouvera vivre dans de bonnes conditions pour l’être ou le devenir.

L’expression « parent suffisamment bon » provient du pédiatre et psychanalyste anglais Donald W. Winnicott, auquel on doit aussi la réflexion suivante : « L’essentiel de ce que les parents entreprennent est extrêmement délicat. A écouter les descriptions qu’ils font sur leur manière de gérer les enfants à la maison, on constate avec étonnement qu’en définitive il est impossible de leur donner des conseils. On est bien forcé d’admettre que, dans des conditions similaires, on aurait fait la même chose, voire pire. En revanche, les parents aiment qu’on les aide à comprendre les problèmes auxquels ils sont confrontés (….) Si on peut faire prendre conscience aux gens de ce qu’ils font, ils ont moins peur, ils sont plus sûr d’eux. »

Si depuis plusieurs années maintenant, je préfère parler de « condition parentale » plutôt que de « parentalité » – comme on a pu parler et parle encore parfois de « condition  ouvrière » ou de « condition féminine » – c’est pour insister sur deux considérations d’ordre général :
-d’une part, la condition parentale est l’une des composantes, importantes voire essentielles, mais parmi bien d’autres, de la condition humaine ;
-d’autre part, la façon d’être parent dépend largement des conditions de vie – individuelles, familiales, économiques, sociales, résidentielles, etc. – qui la déterminent très concrètement dans l’immédiat et, souvent, dans la durée.

Dès lors, le projet d’agir sur les conditions de vie des parents, ainsi d’ailleurs que sur leurs cadres de vie, et plus encore le projet de les encourager à prendre eux même du pouvoir sur ce qui les y inféode amènent à considérer la question de la « parentalité » comme bien plus politique que psychologique, éducative ou sociale. Les décideurs politiques actuels, de fait, ne s’y trompent pas. Les parents et les acteurs engagés auprès d’eux gagneraient à en être conscients à leur tour.
C’est donc, en pratique, bien plus les parents eux-mêmes que leur « parentalité » qu’il conviendrait de « soutenir », de façon tangible et concrète, dans l’exercice de leurs rôles et de leurs responsabilités, notamment en matière d’éducation.

L’éducation est une tâche formidablement complexe, mais stimulante. Elle est en effet fondée au quotidien, à chacun des âges de la petite enfance, de l’enfance et de l’adolescence (voire au-delà), sur une double injonction aux termes apparemment contradictoires : devoir tenir la main de son enfant et, simultanément, savoir la lui lâcher. Autrement dit : réussir à articuler sa protection et son autonomisation, veiller à ce qu’il puisse s’émanciper mais en toute sécurité, découvrir le monde mais sans trop se perdre.

Les parents sont placés en première ligne, et sur la durée, pour répondre à cet ambitieux ordre de mission :
-ils le sont tout d’abord auprès de leurs enfants, qui ne manquent pas de les interpeller régulièrement à ce sujet, notamment à l’adolescence ;
-ils le sont ensuite auprès des professionnels éducatifs et sociaux, témoins ou impliqués sur cette scène à leurs côtés ; bien que dûment formés, ceux-ci éprouvent d’ailleurs souvent des difficultés semblables à gérer cette complexité (qu’ils peuvent rencontrer aussi avec leurs propres enfants), mais ils n’ont à le faire que dans les temps et les domaines de compétence limités qui sont institutionnellement les leurs ;
-les parents sont enfin placés en position de rendre des comptes à l’ensemble du corps social (voisins, médias, responsables politiques, etc.) qui se fait facilement jugeant à leur égard en leur dressant le procès à charge du manque d’autorité, de la démission, de l’incohérence, de la « production » – au choix – d’enfants rois ou d’enfants martyrs, d’enfants en danger ou d’enfants dangereux, etc.

Il me semble pourtant que, tout en étant plus ou moins accompagnée et partagée, l’autorité éducative, et notamment celle des parents, consiste certes à savoir interdire mais aussi – et peut être surtout – à savoir autoriser, à devoir dire « non » parfois pour pouvoir dire « oui » souvent. Autrement dit, le défi auquel sont confrontées la plupart des familles, mais aussi des autres instances éducatives, pourrait être de parvenir à faire reconnaître et à exercer une autorité qui autorise plutôt qu’une autorité qui interdise. Ce défi qui imprègne toutes les circonstances de l’éducation est cependant lancé dans un contexte de démocratisation récente et généralisée de la vie privée et du fonctionnement des institutions auquel ni les parents ni les professionnels d’aujourd’hui n’ont été vraiment préparés.

C’est pourquoi, du fait même de sa complexité, l’injonction paradoxale que je résume en l’expression, compréhensible pour tous, « tenir la main/lâcher la main » devrait être de nature, aujourd’hui plus que jamais, à rapprocher et à solidariser parents et professionnels dans une perspective de coéducation. A défaut de quoi, on les voit aussitôt courir les risques de la méfiance mutuelle et de la confrontation, des rivalités de compétences et des procès en incompétences ou encore de la surenchère autoritaire, toutes tendances sans issues aux parfums ambigus desquelles ils sont sournoisement invités à succomber.

De ce point de vue, la coéducation est une utopie réaliste qui fait le pari d’une relation de côte à côte entre les acteurs de l’éducation.

Les enjeux et les postures de la coéducation
La vision coéducative se doit d’être méthodique parce qu’ambitieuse, et ambitieuse puisque méthodique. Elle est mobilisatrice et fédératrice : elle se consacre, en pratique, à la mobilisation permanente des énergies disponibles autour des enfants ; et elle vise à fédérer les forces et les potentialités, mais aussi les particularités voire les faiblesses et les difficultés, de l’ensemble des acteurs de l’éducation. Elle le fait sur la durée, en s’intéressant fort logiquement à la continuité des âges de l’enfance et de l’adolescence. Et elle le fait en s’efforçant aussi de relier les espaces éducatifs entre eux. Elle vise, autrement dit, la complémentarité et la mise en cohérence de toutes les interventions éducatives envisageables, et si possible leur continuité, dans l’espace et dans le temps.

La coéducation fait notamment le pari que la coopération des éducateurs est rendue possible et stimulée par leur volonté de se placer dans une relation de côte à côte – plutôt que de face à face ou de dos à dos – ce dont les parents sont généralement les premiers demandeurs. Cette relation de côte à côte concerne surtout les parents et les professionnels, mais aussi les parents et les enfants, mais encore les professionnels entre eux, les parents entre eux, et même les enfants entre eux. Les parents et les enfants, quant à eux, n’apprécient guère que des professionnels leur proposent d’instaurer, en se plaçant derrière eux, des relations de suivi et de contrôle ; ou, au-dessus d’eux, des relations de surveillance et de supervision ; ni même, devant eux, des relations de guidance ; ou encore, en dessous d’eux, des relations de soutien qui sous-entendent la charge d’un effort et le poids d’une dette difficile à rembourser.

Les parents entendent surtout être reconnus et traités comme les principaux et les plus durablement concernés des acteurs de l’éducation de leurs enfants. Les enfants et les jeunes, quant à eux, ne souhaitent pas être les supports et les enjeux de tensions entre leurs parents et les professionnels qu’ils côtoient. En outre, et quoiqu’on en dise souvent, ni les enfants ni les parents n’aspirent en général à être perçus comme occupant le centre d’un dispositif éducatif qui les cernerait de toutes parts, les scruterait sans cesse avec plus de vigilance que de bienveillance, plus d’intransigeance que de sollicitude, et qui les rejetterait sans retour en périphérie en cas de déception ou d’échec des intentions les concernant.

Il s’agit bien moins, pour les parents, pour les professionnels et même – malgré leur fréquent égocentrisme – pour les enfants, d’être « au centre » de quoi que ce soit que de pouvoir participer ensemble à la « table ronde » des coéducateurs. La configuration de la table ronde suppose en revanche :
-que chacun est à sa place (garantie de la spécifié des acteurs) ;
-que nul n’occupe donc la place d’autrui (garantie de l’absence de confusion entre les acteurs) ;
-qu’aucune place n’a théoriquement plus d’importance que les autres (garantie de la non hiérarchisation des acteurs) ;
-que, de sa place, chacun voit et entend tous les autres (garantie de la transparence mutuelle entre les acteurs) ;
-enfin, on l’a dit, que nul participant n’est placé au centre de cette table ronde (garantie de la non-stigmatisation des acteurs).

La coéducation est donc d’abord une affaire d’adultes. Elle leur demande de reconsidérer leurs postures et leurs dispositions mutuelles – valorisant au passage leurs postures d’accompagnement et leurs dispositions à s’entraider. Elle sollicite de leur part, même en cas de litiges, un parti pris de bientraitance, de confiance et de respect.

Il va de soi qu’un tel climat relationnel et qu’une telle ambiance éducative s’avèrent aussitôt bénéfiques aux enfants. La notion d’« intérêt supérieur de l’enfant » y trouve les conditions les plus propices à sa prise en compte concrète et quotidienne. Plus que la personne de l’enfant, c’est en définitive son intérêt et le souci qu’on en a qui doivent figurer au centre de la table ronde des coéducateurs et inspirer ceux qui les y encouragent.

La coéducation constitue au total une source d’apaisement et d’ouverture pour les enfants. L’option de la coéducation entre parents et professionnels (notamment de l’Education nationale) est en effet de nature à prémunir les enfants du risque récurrent de devenir les enjeux et les supports des tensions voire des rivalités qui, dans les circonstances habituelles, caractérisent souvent leurs relations. Les enfants s’en trouvent d’autant moins exposés aux conflits de loyauté de toutes natures qui peuvent s’avérer, sinon déstructurants, du moins consommateurs d’énergie psychique – et parfois générateurs de graves difficultés scolaires et d’inadaptations diverses. Cet enjeu est plus crucial encore en cas d’action et d’aide éducatives contraintes.

Si la coéducation est indéniablement une sorte d’utopie réaliste, c’est donc du fait que, constatant la complexité du réel, elle s’appuie sur elle pour affirmer et construire son ambition.

Pour promouvoir des relations authentiquement coéducatives entre parents et professionnels de l’éducation scolaire mais aussi périscolaire et de l’éducation pendant les temps libres, il importe de même de partir des parents et des professionnels tels qu’ils sont, de ce qu’ils disent de leurs réalités, de leurs conditions de vie et de travail ; et non pas tels qu’on voudrait qu’ils soient ou de ce que l’on dit d’eux à travers les discours incantatoires, accusatoires ou déclamatoires.

Les perspectives coéducatives dans leurs contextes scolaires
Un premier élément de réalité est commun aux parents et aux professionnels, et il concerne trois grandes tendances qui caractérisent actuellement le champ de l’éducation.
La persistance voire l’aggravation de la crise du projet éducatif républicain s’exprime par le fait que celui-ci peine à garantir l’égalité de jouissance réelle des droits reconnus aux enfants en matière d’éducation, mais aussi de santé, de loisirs, de logement, de bien être. Le système éducatif, au sens large, échoue à compenser les inégalités sociales, économiques et culturelles des familles, lesquelles sont en outre aggravées par la marchandisation croissante et souvent agressive de l’offre éducative, de soutien scolaire, de loisirs. Il est ainsi particulièrement notable que les enfants sont et restent inégaux devant les temps libres, et que ces inégalités sont d’ordres socio-économique, géographique, culturel et sexuel.

En période de chômage chronique et endémique, et face à la disqualification et à l’inadéquation de nombre de diplômes, c’est le sens même de l’instruction et de l’éducation qui est aujourd’hui en crise. Quels savoirs et quelles valeurs transmettre aux enfants dans un contexte d’insécurité économique et environnementale ? Comment articuler les finalités et les modalités de l’instruction, puis celles de la formation ? Comment promouvoir des coopérations dans les apprentissages collectifs, alors que règnent partout ailleurs, ou presque, des pratiques de dérégulation, de compétition et de concurrence ? Comment concilier les « vieilles » ambitions visant la socialisation et la préparation citoyenne des enfants et les « nouvelles » aspirations à l’émancipation et à l’épanouissement individuels ?

Enfin, en matière éducative comme en tant d’autres, comment dépasser par le haut la tendance persistante des pouvoirs publics et administratifs à segmenter les compétences et les offres des institutions selon les âges des enfants, les caractéristiques des familles, les objectifs éducatifs ? On sait en effet que cette segmentation nourrit la progression historique, actuellement aggravée, à dresser les acteurs éducatifs – parents, professionnels, associations – les uns contre les autres…
Cent trente ans après la généralisation et la consolidation de l’école républicaine et le développement concomitant des grandes organisations d’éducation populaire, nous sommes parvenus à un moment crucial et décisif des relations entre les acteurs de l’éducation. Le pari à relever est que leurs déstabilisations voire leurs fragilisations respectives les incitent à se rapprocher et à se soutenir mutuellement dans le cadre de projets communs plutôt qu’à disperser leurs efforts ou, pire encore, à renouer avec les méfiances, les clivages et les incompréhensions héritées – et tenaces – du XIXème siècle. Fort heureusement, de tels projets communs parviennent aujourd’hui à voir le jour au niveau d’un nombre croissant d’établissements et, mieux encore, de communes.

Vers des alliances coéducatives dans et autour de l’école
Nombre de parents sont plus ou moins directement fragilisés par la crise de l’emploi, les conditions de travail, de logement, etc. Ils sont souvent affairés, par ailleurs, à repenser les principes et à refonder les pratiques de ce qui spécifie l’éducation parentale, et ceci alors que les structures et les fonctionnements des familles connaissent de profondes évolutions et que s’effacent nombre de certitudes sur la promotion sociale de leurs membres.

Les parents aspirent cependant, plus que jamais, sinon à la réussite scolaire absolue de leurs enfants, du moins à les voir suivre une ligne de progrès qui commencerait dès les apprentissages scolaires pour atteindre ou du moins garantir, à l’âge adulte, une promesse d’amélioration de leurs conditions de vie (le fameux « ascenseur social »).

Il importe dans ces conditions :
-de prémunir les parents, et donc les enfants, des familles les plus aisées du risque d’afficher à l’égard des institutions scolaires et éducatives des attitudes de consommation individualiste de services et d’activités : celles-ci, en cas de difficulté, fragiliseraient leurs capacités de rebond et de mobilisation de leurs réseaux sociaux;
-de prémunir les parents les plus habituellement en difficultés du risque de s’enfermer dans les positions défensives, agressives ou de repli que pourraient susciter ou renforcer les politiques normatives et stigmatisantes, confinant au contrôle social, et visant à « soutenir leur parentalité » sans prise en considération de leurs contraintes ni même parfois de leurs avis.

Simultanément, les professionnels de l’Education nationale font l’objet d’attentes accrues (contenus et rythmes des programmes, adaptation des méthodes pédagogiques, « inclusion » des enfants présentant des handicaps, etc.) en même temps que leurs conditions de travail se dégradent (formation initiale, effectifs des classes, réduction des aides internes) et que stagnent tant leurs rémunérations que les représentations dont ils font l’objet.

L’ensemble de ces éléments conjoncturels de fond devrait en toute logique inciter parents et professionnels des écoles et collèges à faire évoluer ensemble les finalités et, pour commencer, les modalités de leurs rencontres, de leurs échanges et de leurs coopérations.

Les communes et les départements, en tant que concepteurs et aménageurs des locaux scolaires et d’une part croissante des caractéristiques de la vie scolaire et périscolaire, peuvent utilement contribuer, pour commencer, à l’avancée d’une question récurrente, et pas moins essentielle pour autant : celle des espaces et des temps d’accueil, voire de présence régulière, des parents dans les établissements.

Mais, au-delà des conditions matérielles et pratiques de la coéducation parents/professionnels/ enfants et jeunes en milieu scolaire, quatre perspectives peuvent être fournies à celle-ci dans la période actuelle :

1) Apaiser le contexte des apprentissages scolaires
C’est là, on l’a dit, l’un des enjeux majeurs de la coéducation.
Nombre d’enfants perçoivent douloureusement l’existence d’importants écarts entre les normes culturelles de leurs familles et celles de l’école. S’y greffent des divergences d’appréciations mutuelles entre leurs parents et leurs enseignants, dont ils reçoivent quasi quotidiennement l’expression et éprouvent les effets. Pour chacun de ces enfants, se fier à ses propres jugements tout en réussissant à préserver l’estime qu’il porte aux uns et aux autres risque de n’être possible qu’au prix d’un pénible conflit de loyauté, intériorisé, et consommateur d’une énergie mentale détournée de la sorte du plaisir et de la possibilité d’apprendre en paix, en classe à l’étude du soir chez lui.

Le fait de savoir et de vérifier qu’il existe, à l’école, des temps et des lieux où les parents peuvent se sentir à l’aise et échanger avec des enseignants sur des questions d’intérêt général serait de nature à rassurer les enfants sur la possibilité et la légitimité d’une synthèse de ce que les uns et les autres leur apportent.

2) Reformuler le sens de la scolarité .
Nombre de messages politiques récemment adressés aux familles – parents, enfants et jeunes – peuvent malencontreusement leur donner à penser que la principale fonction de l’école consiste à transmettre des comportements tout autant, sinon plus, que des connaissances et les compétences résultant de la mobilisation de celles-ci. La figure de l’enfant devant rester sage éclipse alors celle de l’enfant apprenant à devenir savant. De même, en cours d’orthographe comme en cour de récréation, le registre de la faute que l’on traque et sanctionne tend à supplanter celui de l’erreur que l’on relève, comprend et corrige avec lui. Ce registre anxiogène et stigmatisant est entretenu par la fidélité archaïque de notre pays à des pratiques comme celles de la notation précoce ou encore du redoublement de classe, tout comme à des critères d’évaluation référés au diptyque binaire et dramatisant de l’échec et de la réussite.

Dans un tel climat, l’enfant peut redouter que l’alliance ou la concurrence entre parents et enseignants le confrontent à des coalitions d’adultes pour lesquels l’éducation ou la coéducation consisteraient à le dresser comme un animal sauvage. Il s’agirait au contraire qu’il soit invité, comme un égal en dignité et un quasi égal en droit, à siéger avec eux autour d’une table ronde où chacun aurait le souci de l’élever… comme un élève. A l’heure où des « policiers référents » ont été installés par l’Etat, en octobre 2010, dans 53 établissements secondaires, parents et enseignants des écoles primaires et des collèges seraient bien inspirés d’y occuper ensemble une partie des locaux – au-delà des seuls épisodes revendicatifs partagés – et de le faire avec d’autres types de « références » que celles des forces de l’ordre, d’autres façons d’assumer collectivement des fonctions de « gardiens de la paix ».

Ainsi parents et enseignants pourraient-ils concevoir conjointement – comme on le voit déjà ça et là – des projets intéressants et associant les enfants de telle façon que l’école se présente à leurs yeux comme un lieu de partage des savoirs émancipateurs, où la coopération des adultes se consacre d’abord aux progrès de chacun et de tous et à la créativité pédagogique. Et non pas comme l’antichambre du maintien de l’ordre, où le tableau des disciplines ne ferait appel qu’à la palette des punitions.

3) Valoriser la dimension collective de la vie et des apprentissages scolaires .
L’école, en théorie, apprend aux enfants à apprendre et à travailler collectivement. La pédagogie est, pour partie, l’art de les y inciter et d’encourager entre eux des relations de coopération plutôt que de compétition ou de renfermement sur soi. Le collectif des enseignants est en théorie garant de cette approche, du moins à l’école primaire. Le Conseil d’école et le projet d’école dont il devrait émaner sont des outils institués en ce sens pour faire vivre les valeurs de la communauté scolaire, en y associant si possible les ressources et les projets des entités périscolaires (restaurant, pause méridienne, accueil pré et post-scolaire, centres de loisirs, etc.).

C’est donc aujourd’hui vers les occasions de regroupement de parents que doivent tendre des efforts similaires. Qu’ils y abordent des sujets les concernant collectivement en tant que parents, ou au moins en tant que parents d’élèves, ou tous autres sujets déterminant les conditions dans lesquelles ils contribuent à l’éducation de leurs enfants ; ou que, dépassant l’exposé, le constat et l’analyse des problèmes, ils s’inscrivent ensemble dans des dynamiques de projet : peu importe au fond. Le point essentiel est que, sortant de leurs solitudes éducatives, ils fassent ainsi des expériences inédites : celle du tâtonnement expérimental dans la recherche partagée de débouchés aux dits problèmes, celle de la mise à jour et de la mise en commun de leurs talents propres et de leurs pistes de solutions, celle de la délibération collective, celle de la formulation et de l’aboutissement de leurs propositions.

De l’observation de nombreux groupes de parents constitués hors des écoles – groupes d’échanges, de paroles, d’activités partagées, etc. – il ressort d’ailleurs dores et déjà l’intérêt qu’y attachent le plus souvent leurs enfants.

Aussi peut-on faire le pari que les dimensions collectives, participatives et délibératives de la présence des parents à l’école sont de nature à conforter le fonctionnement démocratique global auquel celle-ci et inéluctablement conviée, et à infléchir en ce sens l’esprit et l’organisation sinon du travail des enseignants, du moins de celui des enfants.

Mieux encore, ce pari peut s’ouvrir à un autre, progressivement destiné à l’englober : celui de voir une véritable démocratie éducative gagner peu à peu du terrain par la convergence des tendances observées à cette enseigne d’une part au sein des structures scolaires et périscolaires, et d’autre part au sein des familles elles-mêmes.

4) Promouvoir, entretenir, restaurer la confiance et le respect mutuels entre les acteurs de l’école.

Cette perspective fédère les trois précédentes. Elle conditionne la propension de tout véritable accueil à se penser et se vivre lui aussi comme mutuel. Un lieu et un temps d’accueil des parents doivent être en mesure d’accueillir tout parent qui se présente mais aussi, dès que possible, des enseignants et des enfants.
Si la confiance et le respect mutuels ne se décrètent pas, ils peuvent en revanche s’instaurer peu à peu en de telles circonstances de l’accueil. Ils concernent tous les acteurs de l’instruction et de l’éducation que sont les professionnels, enseignants ou non, les parents, les enfants et les jeunes eux-mêmes. Mais ils bénéficient in fine à ces derniers. L’enjeu, en effet, est bien de fournir à leur intention, et avec leurs concours, une partie des plans, des bases, des briques, du ciment mais surtout des valeurs que requièrent des projets d’école comportant une dimension coéducative.

Il ne s’agit pas pour autant, en ouvrant des portes à l’intérieur de l’établissement, de renforcer les murs d’enceinte de celui-ci. Les initiatives de rencontres et d’échanges menées à l’intérieur des écoles ont bien au contraire vocation à s’ouvrir sur l’environnement de celles-ci et pour commencer à se connecter au sein du territoire municipal.

De même, les parents qui se rencontrent dans les écoles, ou encore dans les centres sociaux, les associations de quartier ou d’éducation populaire, etc. peuvent également accueillir les professionnels de l’éducation à l’extérieur des écoles et les inviter à participer à des échanges, des activités et des projets dont ils auront pris l’initiative, décidé des objectifs et des thèmes.

Au total, c’est à s’impliquer dans la dynamique d’un projet éducatif local et global que parents, enfants et professionnels de l’éducation sont manifestement invités à la lumière et au moyen de telles expériences. Les REAAP peuvent ici retrouver un rôle inspirateur auquel il importe qu’ils restent fidèles, et les élus locaux donner l’impulsion nécessaire à ce que les territoires qu’ils administrent se dotent, dans cet esprit, d’une ambition coéducative et démocratique, ouverte en permanence à la prise en compte des réalités de la condition parentale, à la créativité des professionnels et des acteurs associatifs, au respect, quotidien et sur la durée, de l’intérêt supérieur des enfants, et à la participation de tous à cette oeuvre collective.

* Pédopsychiatre de service public, ex-chargé de mission "enfance-familles" à la Ville de Paris, consultant. Vice-président de la section française de Défense des Enfants International (DEI-France). Auteur de Coéduquer – Pour un développement social durable (Dunod, 2004).

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