(seul le prononcé fait foi)
Monsieur le président de l’Observatoire de la Laïcité, cher Jean-Louis Bianco,
Mesdames et Messieurs les recteurs,
Monsieur le Doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale,
Monsieur le Chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche,
Madame la directrice générale de l’enseignement scolaire,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs les référents académiques «Laïcité»,
Mesdames, Messieurs,
L’éducation nationale est aujourd’hui engagée dans une profonde mutation, initiée par la loi de refondation de l’école du 9 juillet 2013, qui touche à l’ensemble de ses dimensions : organisation du temps scolaire, formation des enseignants, redéfinition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, nouveaux programmes, réforme de l’éducation prioritaire, réflexions sur l’évaluation, plan numérique pour l’école, réforme de l’allocation progressive des moyens… Tous ces chantiers en cours ou à venir portent en eux une ambition pleinement républicaine, celle de remettre l’école au cœur de la promesse de l’égalité, en rétablissant les conditions de la réussite pour chaque enfant, à rebours des évolutions des dernières décennies. Cette ambition, qui mobilise un effort budgétaire exceptionnel de l’Etat dans un contexte de diminution de la dépense publique globale, est inséparable de celle qui lie depuis son origine l’école de la République à la formation et à la transmission des valeurs et des principes qui la fondent.
Au premier rang de ces valeurs figure la Laïcité, parce qu’elle constitue un principe qui permet le vivre ensemble et donne sa singularité à notre citoyenneté républicaine commune. C’est pourquoi l’enjeu de la Laïcité est central dans l’ambition que nous portons pour l’école de la République, c’est pourquoi j’ai tenu à cette réunion exceptionnelle en cette journée du 9 décembre, date anniversaire de la loi de 1905.
Et il n’est pas indifférent que j’ai souhaité donner à cette journée une solennité si particulière, dans l’enceinte prestigieuse du Collège de France qui nous accueille aujourd’hui et dont l’institution même en 1530 sous le nom de Collège Royal ne fut pas étrangère à un esprit précoce de laïcité, puisque sa devise était «docet omnia» (on y enseigne toute chose).
Ce qui fait directement écho au souci qu’à l’Ecole les élèves aient accès, sans exclusive, à «l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde», exprimé par la Charte de la Laïcité à l’école, document essentiel qui fonde la pédagogie de la Laïcité et dont vous connaissez aussi bien le contenu que les ressources pédagogiques qui l’accompagnent.
Cher Jean-Louis Bianco, je sais combien vous êtes attaché à ce que les institutions de la République, et l’école au premier rang, confèrent à cette date du 9 décembre une signification particulière en l’instituant comme «journée nationale de la Laïcité», suivant un avis de l’Observatoire que vous présidez. Nous marquons une première étape en ce sens aujourd’hui, puisque notre réunion de ce jour a été précédée d’une circulaire invitant l’ensemble de la communauté éducative à prendre en cette journée «toutes les initiatives pédagogiques susceptibles de mobiliser la réflexion et l’action collective en vue de la mise en valeur du sens et du bénéfice du principe de laïcité, dans la République et dans son Ecole, pour la liberté de chacun et la cohésion de tous».
Cette mobilisation, que nous comptons amplifier à l’avenir, vise à renouer le fil historique qui a vu la laïcisation de l’Etat succéder à celle de l’école.
En effet, si nous célébrons aujourd’hui le jour anniversaire de la loi dite de «séparation des Eglises et de l’Etat» du 9 décembre 1905, la laïcisation de l’Etat qu’elle institue fait suite, en la complétant, à la laïcisation de l’Ecole de la République réalisée à la fin du XIXe siècle par ce qui était alors le ministère de l’instruction publique.
C’est d’abord Jules Ferry qui, étant ministre, institue en 1882 la laïcité des programmes–dont il définit ainsi l’esprit dans sa fameuse Lettre Circulaire aux instituteurs du 17 novembre 1883, dont je vous laisse apprécier l’actualité : « La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d’une part, elle met en dehors du programme obligatoire l’enseignement de tout dogme particulier ; d’autre part, elle y place au premier rang l’enseignement moral et civique.» C’est 4 ans plus tard, le 30 octobre 1886, que René Goblet, devenu à son tour ministre de l’instruction publique, institue la laïcité des personnels. Notre mémoire nationale doit ainsi conserver le souvenir que la laïcité de l’Ecole a précédé de près de 20 ans la laïcité de l’Etat, formant ensemble un véritable dispositif, la première étant indissociable de la seconde. En effet, pour que le citoyen de l’Etat laïque puisse disposer d’une liberté de conscience et d’expression pleine et éclairée, deux conditions doivent être réunies.
D’une part, il doit pouvoir compter sur la neutralité religieuse d’un Etat qui ne lui imposera, ni ne lui interdira, aucune conviction religieuse ; mais d’autre part, ce citoyen doit pouvoir compter également sur une Ecole laïque, qui comme telle lui aura transmis de façon impartiale tous les outils intellectuels et culturels dont il a besoin pour apprendre et s’exercer à penser par lui-même. Comme l’a rappelé avec force et clarté la Charte de la laïcité à l’Ecole, c’est bien «la laïcité de l’Ecole» qui «offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté».
Ce rappel historique n’est pas de pure forme, au moment où les tourments de notre monde, les irruptions ou les replis identitaires font craindre des remises en cause de la laïcité de notre République. Sans laïcité de l’Ecole et à l’Ecole, point de société laïque. Nous sommes donc dépositaires d’un enjeu essentiel dans une période troublée, difficile, où prospèrent la peur de l’autre et les pertes de repères identitaires.
Pour autant, ne cédons pas au catastrophisme de ceux qui voudraient faire de la Laïcité et de l’Ecole autant de citadelles assiégées. Comme l’a montré l’enquête de la DGESCO sur le respect du principe de Laïcité à l’école d’avril dernier, la situation est aujourd’hui globalement apaisée, mais mérite une stratégie d’ampleur pour que la Laïcité soit
davantage comprise des élèves et présente au cœur des pratiques pédagogiques des enseignants.
C’est cette stratégie, centrée sur la pédagogie de la Laïcité, dont je souhaite décrire les grandes orientations aujourd’hui
, avec la pleine conscience que seule une mobilisation solidaire de tous les niveaux de responsabilités de notre ministère permettra de lui donner sa force et son effectivité.
Si nous voulons que l’école délivre une pédagogie de la laïcité, qu’elle ancre ce principe dans les esprits comme dans les pratiques, la première nécessité est de faire partager à l’ensemble de la communauté éducative une conscience renouvelée de la Laïcité au sein de notre institution.
Nous devons nous rappeler, collectivement, que la laïcité n’est pas pour notre Ecole un principe parmi d’autres. La laïcité est la colonne vertébrale de l’Ecole, c’est-à-dire le fondement sur lequel repose sa contribution au projet républicain qui est de confier la souveraineté politique au peuple des citoyens doués d’une liberté de conscience et d’expression éduquée, instruite…
Nous devons ainsi porter une laïcité de l’Ecole au service humaniste du «rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations», de «l’égalité entre les filles et les garçons», du «respect et de la compréhension de l’autre» (c’est l’article 9) ; une laïcité de l’Ecole au service, je cite cette fois l’article 4 de la Charte, d’un «exercice de la citoyenneté (…) conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous».
Tels sont les axes majeurs de la pédagogie de la laïcité que nous devons savoir conduire tous ensemble, chacun à son poste de responsabilité, en direction de nos élèves et de leurs parents.
Voilà ce qu’il faut expliquer sans relâche, voilà en vue de quoi il nous faut ouvrir tous les espaces de dialogue afin que notre parole portée soit cohérente et solidaire. Car en ces temps troublés où la laïcité est parfois dévoyée, la responsabilité de notre institution est immense au sein de la République et de la société. Il nous incombe donc de transmettre ce qui aujourd’hui ne va plus de soi pour tant de gens : que la laïcité est un principe essentiel et intangible garant du vivre ensemble, qui ne peut être à géométrie variable, soumis aux fluctuations des contextes sociaux ou politiques, négocié avec tel ou tel groupe de pression, ou enfin présenté de manière différente en fonction d’intérêts partisans ou d’objectifs qui lui sont exogènes ; que la liberté religieuse est une expression de la liberté de conscience et que, partant, la Laïcité n’est pas l’instrument d’une opposition ou d’un refoulement du fait religieux, mais la condition de la coexistence harmonieuse de toutes les expressions confessionnelles, comme de leur absence.
La Laïcité est d’abord un principe de liberté, y compris concernant l’enseignement et je m’attacherai à ce que les relations entre l’Etat et l’enseignement sous contrat d’association soit toujours empreintes de clarté et de respect de son
autonomie, dans une considération et un traitement égal de toutes les appartenances confessionnelles.
Je veux contribuer à recréer du consensus national sur la laïcité, faire qu’elle cesse d’être un combat pour être d’abord un moyen : moyen d’apaiser la société, de faire vivre une culture de la tolérance.
Car il est bien là le génie historique de la Laïcité, dans ce service qu’elle rend simultanément à l’individu et à la société, c’est-à-dire d’une part à la liberté d’expression de chacun, en la garantissant, et d’autre part à la cohésion ou concorde sociale, en fixant à la liberté d’expression religieuses des règles, des limites, qui sont celles de l’intérêt général et de l’ordre public. La loi laïque garantit à chacun l’égalité du même droit, elle réalise cette quadrature du cercle qui est de faire aller de pair, de façon harmonieuse, l’indivisibilité de la République, la reconnaissance de la diversité sociale et le respect des singularités et convictions personnelles. Cette pédagogie de la loi, de la vertu de la loi démocratique, libératrice et équitable, est l’une des entrées pédagogiques de la Charte de la laïcité à l’Ecole, notamment à travers son article 14 qui intègre la loi du 15 mars 2004 et sa circulaire d’accompagnement. Cette Charte en effet a pour force qu’elle multiplie ainsi les entrées susceptibles d’offrir à nos personnels le plus d’opportunités possibles d’entreprendre une pédagogie de la laïcité non pas désincarnée ou abstraite mais ancrée dans les situations de vie scolaire et d’enseignement les plus concrètes.
C’est cette ambition d’une Laïcité pratique, quotidienne, que je souhaite porter avec vous pour «faire vivre» une culture
professionnelle commune à travers 3 chantiers principaux.
Le premier concerne le renforcement de la formation initiale et continue.
La formation initiale des personnels est un enjeu décisif. Tous les jeunes qui s’apprêtent à entrer dans les métiers de l’Ecole doivent avoir conscience de leur «mission de faire partager les valeurs de la République», ils doivent être formés à la comprendre et à l’assumer parce que cela ne s’improvise pas. Cela nécessite non seulement une collaboration plus active et étroite entre nos équipes de formateurs académiques et les équipes de professeurs des Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation, mais aussi un travail visant à homogénéiser les pratiques des ESPE sur les contenus du tronc commun des enseignements. A cet effet, des ressources pédagogiques dédiées seront élaborées par la DGESCO avec des ESPE pilotes autour de l’expertise intellectuelle et pédagogique de la mission Laïcité, et un appel à projet a été lancé en direction des ESPE pour réaliser des parcours sur la plateforme m@gistère.
De même, il y a un travail d’information et de formation continue très important à renforcer pour que tous les personnels déjà en exercice soient en mesure de savoir conduire une pédagogie de la laïcité, ce qui suppose qu’ils aient été formés : d’une part à relier les contenus des programmes et les situations de vie scolaire aux grands thèmes de la Charte de la laïcité ; d’autre part à savoir répondre aux situations difficiles où les règles de la laïcité à l’Ecole sont mises en cause au prétexte de convictions religieuses. Pour cela, en conformité avec une priorité du Plan national de formation 2015 dans lequel un grand séminaire de 2 jours sur «la laïcité de la charte aux enseignements» est programmé comme l’année passée en mai, la pédagogie de la laïcité, centrée sur l’étude de la Charte de la laïcité comme support, doit constituer année après année l’un des axes majeurs des plans académiques de formation. Plus de 5000 enseignants, inspecteurs et chefs d’établissement ont été formés en 2013-2014, c’est un effort important qui doit être amplifié. En outre, compte tenu des difficultés signalées par les enseignants au quotidien, nous allons développer sur la plateforme m@gistere un parcours d’e-formation sur l’enseignement laïque des faits religieux, complémentaire du parcours déjà existant sur la laïcité, qui offre à la fois une vision globale et des analyses de situations très concrètes de contestation, répondant par là même à une préconisation importante d’un récent rapport sénatorial.
Le second chantier concerne les contenus de la pédagogie de la Laïcité, à travers l’appropriation plus large de la Charte et la mise en œuvre des nouveaux programmes. L’enquête de la DGESCO que je mentionnais précédemment indiquait que cette Charte a fait l’objet d’une bonne diffusion dans les établissements scolaires, mais d’une appropriation très hétérogène.
Nous avons invité la communauté éducative à faire vivre cette Charte au sein des établissements scolaires, notamment en utilisant les réunions de rentrée, qui permettent de mobiliser à la fois les élèves et leurs parents. Comme vous l’avez compris, je compte développer les initiatives pédagogiques autour de la journée du 9 décembre mais il nous faudra aller plus loin pour faciliter l’accessibilité de tous les élèves à la Charte. Nous disposons déjà grâce à la Ligue de l’enseignement de l’affiche pédagogique « La Charte de la laïcité à l’école expliquée aux enfants », qui facilite l’échange pédagogique en accompagnant chaque article de la charte d’une illustration et d’une phrase ou deux rendant plus accessible l’idée énoncée.
Nous allons finaliser prochainement un travail porté par la fédération des APAJH (Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés) pour l’accessibilité à toutes les formes de handicap, par la création d’une affiche respectant les règles d’accessibilité sur les contrastes, police et taille, avec une transcription en braille. La Charte doit être un outil vivant présent dans la pédagogie quotidienne des classes, et nous ne ménagerons pas nos efforts dans ce sens, en cohérence avec l’ambition des nouveaux programmes qui sont en cours d’élaboration.
Comme vous le savez, ceux-ci vont s’inscrire dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, actuellement en consultation, qui prévoit la formation de la personne et du citoyen dans le domaine 3 et, dans le domaine 5, « Les représentations du monde et de l’activité humaine», la compétence suivante : «L’élève a pu se rendre compte de la diversité des modes de vie, des représentations, des faits religieux, des idées et croyances et s’ouvre par là à la notion de civilisation».
Ainsi, les programmes de français, d’histoire, de géographie, de langue vivante ou de philosophie continueront de contribuer à l’enseignement laïque des faits religieux. Mais l’élément majeur, c’est l’enseignement moral et civique qui sera effectif dès la rentrée 2015.
Cet enseignement a fait l’objet d’un projet de programme remis par le conseil supérieur des programmes le 3 juillet 2014 pour les écoles primaires et le collège. Concernant les lycées, le projet de programme est attendu incessamment, ce qui me permettra d’arrêter les programmes pour l’ensemble des cycles, après consultations au premier trimestre 2015, entre avril et mai prochain.
Voulue par la loi de refondation de l’école, la réinscription de l’enseignement moral et civique est un élément central de la pédagogie de la Laïcité, un outil pédagogique décisif pour que l’école soit pleinement le vecteur d’une citoyenneté républicaine. Face au délitement du vivre ensemble, aux tensions identitaires, aux provocations qui mettent en cause la laïcité, je veux non seulement réaffirmer le rôle de l’école dans la transmission des valeurs républicaines, mais encore lui redonner pleinement sa fonction de creuset de la citoyenneté afin de restaurer la confiance envers l’école de la part d’une société inquiète. L’enjeu est de promouvoir une école qui transmette une appartenance républicaine autour d’une culture commune et partagée, qui respecte les différences tout en se protégeant des irruptions identitaires et en prévenant les logiques de radicalisation. Cela passe aussi par une école capable d’éveiller les consciences, de développer la liberté intellectuelle et l’esprit critique et c’est tout le sens de cet enseignement.
Le troisième chantier vise à mieux accompagner les enseignants et la communauté éducative au plus près des réalités de terrain, en développant une animation territoriale dédiée à la pédagogie de la Laïcité. C’est la mission essentielle des référents académiques «Laïcité», et je tiens à saluer votre présence aujourd’hui, car elle est la marque d’une ambition qui vise à s’inscrire dans les réalités quotidienne de l’éducation nationale. C’est la première fois que l’ensemble des référents Laïcité sont réunis et je tiens à vous dire combien votre mission est importante, avant l’échange que vous aurez tout à l’heure autour de la directrice générale de l’enseignement scolaire et de la directrice des affaires juridiques. Nous veillerons à développer entre vous une culture de réseau, à entretenir un lien étroit entre l’échelle académique et les directions centrales du ministère, parce que je suis convaincue que c’est cette capacité permanente à organiser ces échanges qui nous permettra un pilotage efficace de la pédagogie de la Laïcité. C’est le rôle
de la mission laïcité placée auprès de la DGESCO, et je tiens à rendre hommage au travail d’Abdennour Bidar, qui ne ménage pas ses efforts pour être présent sur tous les fronts pédagogiques et territoriaux. Améliorer l’animation territoriale et les réponses de proximité constitue ainsi la mission première des référents Laïcité, et je serai attentive à ce nous soutenions vos initiatives, en étant attentifs à vos remontées, afin d’harmoniser les pratiques et les réponses de l’institution aux situations complexes auxquelles nous sommes confrontés. Tout ne se joue pas sur l’expression de principes ou de normes, tout ne se règlera pas par des lois, des décrets ou des circulaires, même si ces cadres sont indispensables.
La réalité est toujours plus complexe.
Je souhaite donc que nous épaulions davantage les décideurs de terrain, en soutenant et outillant les agents publics. La pédagogie de la Laïcité, ce sont des pratiques porteuses de sens à la fois pour l’institution et pour ses usagers, élèves, familles, partenaires associatifs et collectivités locales.
Les référents «Laïcité» auront un rôle important dans le pilotage de la formation continue dans chaque académie, je l’ai évoquée, mais je souhaite que nous allions plus loin en déléguant à chaque référent la charge de plusieurs initiatives prioritaires. Je pense par exemple à la construction d’une collaboration avec l’ESPE, à l’organisation de journées académiques de formation centrées sur la pédagogie de la laïcité, à l’animation d’une mise en réseau et d’une concertation régulière des directeurs et chefs d’établissement confrontés à des difficultés d’application du principe de laïcité, à la mobilisation du conseil académique de la vie lycéenne au service d’une appropriation active des différents articles de la Charte.
Vous l’aurez compris, la constitution du réseau des référents académique n’est pas l’aboutissement d’un processus, mais bien l’engagement d’une démarche au long cours, qui nécessitera probablement des aménagements dans notre organisation institutionnelle, y compris pour impliquer davantage les inspections générales. Nous y réfléchissons avec Florence Robine et les doyens.
Mesdames et Messieurs, ce moment est important pour notre institution, parce qu’il prolonge et renforce l’impulsion et l’ambition affirmée par la loi de refondation. Je n’ignore pas les difficultés quotidiennes que rencontrent certaines équipes pédagogiques dans l’application du principe de Laïcité. A l’heure où les tensions communautaires et religieuses prospèrent, où les logiques identitaires sont à l’œuvre, je ne suis ni naïve, ni angélique. Je mesure la difficulté de la situation et de la tâche, mais je refuse que l’école comme la laïcité soient des champs d’affrontement polémique ou idéologique, parce qu’ils sont le bien commun de notre société. C’est cette volonté d’apaisement qui m’a conduite à réaffirmer des principes clairs de droit sur des questions sensibles comme celle des parents accompagnateurs de sortie scolaire. L’école doit être protégée de toute forme de prosélytisme comme des provocations de l’extrémisme religieux. C’est pourquoi les principes posés par la circulaire Chatel sont toujours applicables pour s’opposer à ces dérives. Mais, dès lors que le Conseil d’Etat a rappelé que les parents accompagnateurs ne sont pas des collaborateurs du service public et qu’à ce titre ils ne sont pas soumis à la neutralité religieuse, la bonne volonté de parents qui, par leur volontariat à encadrer une sortie scolaire, manifestent leur intérêt pour la scolarité de leur enfant et leur désir de coopération avec l’école doit rencontrer le dialogue et non la fermeture.
Je suis convaincue que nous défendrons plus efficacement la laïcité et l’égalité dans une école capable de rassembler et de créer de la coopération et de la confiance. C’est sur cette volonté que je tiens à conclure mon propos, parce que la Laïcité est aussi un ferment d’humanisme dont procède la notion même de communauté éducative.
Si la laïcité n’est pas dans notre République et dans notre Ecole un principe secondaire, mais à son fondement même, c’est que cette République et cette Ecole ont l’ambition de contribuer à former, avec les parents, des êtres véritablement humains, au sens éthique du terme c’est-à-dire doués d’une humanité attachée à la liberté, l’égalité et la fraternité de tous. Or, c’est la laïcité de l’Ecole qui, du côté de nos institutions, communique à chaque enfant cet humanisme, cette conviction humaniste. Car, à l’Ecole laïque, tous les élèves, de toutes les origines, sans distinction de croyance ni de culture, reçoivent de l’impartialité de leurs professeurs, et de tous les personnels, la garantie d’un traitement égal, d’une considération égale, d’une exigence et d’une bienveillance égales. Voilà comment l’engagement laïque de nos personnels communique aux enfants la grande leçon d’un humanisme concret, vivant, quotidien, qui transcende les différences d’appartenance culturelle ou sociale.
Chaque personnel s’étant engagé à l’impartialité laïque et à la transmission des valeurs de la République, chaque temps de la vie scolaire étant l’opportunité de l’enseignement laïque d’un savoir et d’une liberté, la laïcité de l’Ecole est bien le lien professionnel qui nous réunit tous, quelle que soit par ailleurs la diversité de nos fonctions dans l’institution. Si l’expression de «communauté éducative» a un sens, c’est donc bien ici, autour du principe de laïcité, autour de la responsabilité solidaire et indivisible de l’incarner dans chaque figure de nos postures professionnelles.
Ce sont par conséquent les personnels, mais également les élèves et leurs parents qui trouvent dans le partage de l’adhésion au principe de laïcité–chacun selon des modalités spécifiques–l’opportunité d’une prise de conscience d’eux-mêmes comme formant ensemble une véritable «communauté scolaire». La Laïcité de l’Ecole n’est donc pas seulement à l’origine historique du processus de laïcisation de nos institutions. Elle n’est pas seulement la colonne vertébrale des missions de l’Ecole. Elle est encore, et enfin, l’un de ces principes grâce auxquels les personnels de l’Ecole peuvent prendre conscience qu’ils forment bien, avec les élèves et leurs parents, une communauté éducative.
Voilà le sens profond de l’ambition que j’ai tenue à partager avec vous, et je vous remercie de votre engagement pour la porter et la transmettre.
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