In Ministère délégué à la Ville – le 16 mai 2013 :
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Monsieur le ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon,
Madame la ministre de la réussite éducative George Pau-Langevin,
Monsieur le Recteur, chancelier des universités,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les acteurs de la réussite éducative, enseignants, associations, et familles,
Chère Brigitte Ayrault,
En organisant conjointement cette journée nationale, George Pau-Langevin et moi-même avons voulu donner plus de force encore, à votre travail commun, transversal et pluridisciplinaire. Nous avons voulu que cette journée, dédiée à l’accompagnement des enfants, des adolescents et des familles qui en ont le plus besoin, soit l’occasion d’éclairer plusieurs années d’expériences, et de préparer l’avenir des programmes de réussite éducative.
Car l’enjeu est de taille : il s’agit de permettre le succès des élèves, de tous les élèves, quelles que soient leurs origines sociales, culturelles ou territoriales ; c’est cette politique que vous avez engagée au sein de l’Éducation Nationale avec la Refondation de l’École, Monsieur le Ministre.
Mais vous le savez tous, la Réussite éducative se joue plus largement que dans la seule réussite des enfants à l’école. Ou plus précisément : la réussite à l’école, pour qu’elle soit effective, se doit d’être accompagnée des conditions qui ne dépendent pas uniquement des missions de l’école républicaine. Les Programmes de Réussite Éducative se placent naturellement dans la prise en compte de l’environnement, affectif, social, familial du bien-être des enfants, pour bien grandir et les préparer à devenir de jeunes citoyens. Cet âge de la vie, familiale et scolaire, n’est inné pour personne. Il est toujours accompagné par des tiers.
Mais dans les quartiers populaires, plus qu’ailleurs, tous nos enfants ne disposent pas des mêmes relais, des mêmes ressources devant l’institution scolaire. C’est la raison pour laquelle le maillage étroit entre l’Éducation nationale et la Politique de la Ville est indispensable, pour mener conjointement cette politique d’éducation pour tous qui, pour qu’elle soit réelle, suppose que dans ces quartiers populaires, on concentre aujourd’hui plus de moyens pour rétablir l’égalité Républicaine.
La Politique de la Ville travaille sur la globalité des problèmes rencontrés par les habitants des quartiers populaires ; ma mission est de lutter spécialement contre cette superposition et cette concentration de difficultés auxquelles des millions de nos concitoyens font face tous les jours. En 30 ans, il faut le reconnaitre, la Politique de la Ville a eu des résultats inégaux. Mais elle a su tester et expérimenter de nombreux dispositifs, pour généraliser les plus efficaces. La politique de la Ville est parvenue à faire dialoguer des cultures professionnelles différentes. Elle s’est appuyée sur les principes de contractualisation entre partenaires, élus, Etat, professionnels et militants associatifs. Elle a surtout, et c’est ce qui fait sa force, su reconnaitre qu’il existait des fractures territoriales dans notre pays, fractures à l’intérieur des villes, fractures entre les villes, fractures entre les villes et leur périphérie. Et en reconnaissant ces fractures, la politique de la Ville a vocation à mobiliser les politiques publiques de façon différenciées suivant la nature des difficultés rencontrées sur ses territoires prioritaires. C’est également, une des rares politiques publiques qui prend en compte l’individu, le citoyen, dans sa globalité, qu’il s’agisse de sa mobilité, de ses besoins en matière de santé, d’accès à l’emploi, d’habitat, de sécurité ou, bien entendu, d’éducation.
C’est le principe même des PRE. Créés en 2005 par la politique de la ville, les programmes de réussite éducative reposaient sur un postulat fort : seule une approche globale et individualisée des problèmes que rencontrent les enfants, repérés notamment dans le cadre scolaire, pouvait permettre de faire évoluer des situations individuelles qui semblaient jusque-là inextricables.
Il s’agissait de faire le lien entre la prise en charge pendant le temps scolaire, et les actions entreprises hors temps scolaire ; de prendre en compte aussi bien le rôle des familles que les difficultés de santé ; de faire dialoguer école, enjeux culturels et artistiques, et pratiques sportives. La nouveauté résidait dans le diagnostic, centré sur les besoins de l’enfant, et porté par une équipe pluridisciplinaire à même de partager, dans le respect de chacun, des informations sensibles. Cette méthode de travail, c’est la bonne, et les évaluations menées chaque année par l’ACSé et par l’ONZUS en témoignent. Devant les forts taux de décrochage scolaire, devant des parents qui n’ont pas tous la même expérience de l’école, qui n’en n’ont eux-mêmes pas toujours de bons souvenirs, et qui –c’est compréhensible– ne peuvent donc pas transmettre de « mode d’emploi » à leurs enfants, la synergie toujours en progrès entre les acteurs de l’école et du champ socio-éducatif et les méthodes de travail renouvelées des programmes de réussite éducative ont fait leur preuves.
Professionnels de l’éducation, du secteur médico-social, de l’accompagnement scolaire, de la prévention, parents, et tous les acteurs du territoire, vous avez créé ensemble une manière de faire inédite, pour répondre, au plus près, aux difficultés des enfants, non pas seulement d’un point de vue scolaire, mais d’un point de vue beaucoup plus large, et donc bien plus pertinent.
En quelques années, une mobilisation générale a eu lieu. Chaque acteur a trouvé sa place, sa légitimité, dans le projet local, le tout dans le respect de ses compétences et de sa culture professionnelle. Les élus des collectivités inscrites en politique de la ville, s’y sont engagés massivement et mesurent aujourd’hui les résultats satisfaisants de ce dispositif.
Le Programme de Réussite Éducative, désormais stabilisé dans sa mise en œuvre, doit, comme toute politique publique, continuer d’avancer, d’être alimenté pour se renforcer et s’amplifier. Sans augurer des résultats de l’enquête d’impact, très ambitieuse et très attendue, lancée par l’École d’économie de Paris à la demande de l’ONZUS, je souhaite partager avec vous quelques points sur l’avenir des PRE.
Comme je vous le disais tout à l’heure, le programme de réussite éducative est pour le gouvernement une politique de rattrapage républicain : en faire plus, pour celles et ceux qui ont eu moins. Pour les habitants des quartiers populaires, et leurs enfants, c’est une nécessité absolue. C’est pour cela que nous voulons, n’est-ce pas Monsieur le Ministre Vincent Peillon, mobiliser et concentrer nos moyens respectifs. Cette priorité, je l’ai marquée en préservant dans le budget 2013, malgré les contraintes budgétaires, la part des crédits dédiés aux programmes de réussite éducative, c’est-à-dire 80 millions d’euros, un quart des crédits de l’ACsé, un quart donc des actions de cohésion sociale financées par le ministère de la ville. Et pour maintenir cette priorité et pour amplifier les moyens, je pense qu’il faudra à l’avenir que nous réfléchissions, comment nous pouvons mobiliser des acteurs qui ne sont pas encore suffisamment impliqués financièrement bien que partie prenante du dispositif.
Ce que nous devons préserver également, c’est cette belle méthode de travail, ouverte – et ciblée ; où le travail collectif est au service de l’autonomie de l’enfant et de l’adolescent. C’est la raison pour laquelle nous inscrirons les PRE dans les nouveaux Contrats de Ville, qui seront préparés et signés en 2014. Ces nouveaux contrats passés entre l’État et les collectivités seront des contrats uniques, articulant les politiques urbaines et les politiques de cohésion sociale. Ils mobiliseront les moyens de droit commun et les crédits spécifiques de la Politique de la Ville.
Au niveau national, gouvernemental, Vincent Peillon et moi allons également signer très prochainement une convention, (dont George Pau-Langevin sera bien entendu également signataire), qui préfigurera la mission de chacun dans les futurs quartiers prioritaires de la politique de la ville. Pour l’État, les Recteurs seront signataires, aux côtés des préfets, des futurs contrats, et leurs services participeront à leur préparation. Ainsi, au plus près des collectivités locales, en partenariat avec le droit commun, éventuellement renforcé, de l’Éducation nationale – et le « droit complémentaire », c’est-à-dire les crédits spécifiques de la politique de la Ville, nous pourrons nous donner les moyens nécessaires pour traiter de la question globale des objectifs de réussite des enfants des quartiers populaires.
Vous avez beaucoup réfléchi et débattu au sein des ateliers qui se sont réunis aujourd’hui, mais qui ont été précédés de travaux pendant plusieurs semaines.
Le fruit de ces travaux, vos recommandations, seront autant d’enseignements précieux pour George Pau-Langevin et moi-même, pour rendre plus efficace encore la politique de la Ville et la réussite éducative dans les quartiers populaires. Chacun de nous, au gouvernement, apprend de votre action. Je le constate chaque semaine lors de mes déplacements sur le terrain, dans les quartiers en difficulté de nos villes. Nous l’avons constaté encore récemment ensemble, chère George, à Chanteloup-les-Vignes.
Ainsi, par exemple, ,j’ai pu me rendre compte qu’en matière de santé, le bien-être des enfants conduit à poser la question de l’articulation des dispositifs spécifiques comme le PRE avec le droit commun de la prise en charge des enfants et des familles. Ainsi les PRE sont amenés, dans certains cas, à payer aux familles des prestations d’orthophoniste ou d’ophtalmologie. Il faut donc trouver les solutions pour que les conditions d’accès des habitants des quartiers populaires à leurs droits, leurs droits sociaux, leur droit à une couverture maladie complémentaire soient mieux prises en compte.
Il est donc indispensable de travailler avec les ministères concernés, à une meilleure prise en charge, par le droit commun, de ces enfants. C’est l’enjeu de la convention que j’ai signée avec Marisol Touraine, qui prévoit une intervention prioritaire des CAF auprès des familles des quartiers en difficulté, pour les aider à accéder à tous leurs droits sociaux. Et qui prévoit également de mieux mailler les quartiers populaires par des centres et des maisons de santé de proximité.
Dans un autre domaine, celui de la prise en charge des enfants plus âgés en difficulté, des PRE expérimentent des modes d’action innovants pour les 16-18 ans, y compris en faisant intervenir des éducateurs de rue. Cette compétence est celle des Conseils Généraux qui financent les Clubs de prévention. Là encore, je souhaite systématiser le lien avec les départements, en politique de la ville, pour qu’ils soient tous partie prenante et signataires des futurs contrats de ville afin de favoriser leur engagement au titre de leurs compétences propres.
Au-delà de ces exemples, que l’on pourrait multiplier, des déclinaisons locales d’une journée de travail comme celle-ci, réunissant l’ensemble des parties prenantes, collectivités locales, et les représentants des associations et des familles, Recteurs et Préfets, comme vient de le proposer Georges Pau Langevin, pourront faire émerger de nouvelles problématiques rencontrées sur le terrain et à traiter dans les politiques publiques.
Mesdames et Messieurs,
Je ne vais pas expliquer ici, devant vous, professionnels et parents en quoi notre avenir commun est déterminé par la façon dont notre pays considère et fait confiance, au présent, à sa jeunesse. Le temps où certains voyaient en elle uniquement une « menace à canaliser » est révolu. Le temps est arrivé où la jeunesse est à sa juste place, c’est-à-dire reconnue comme notre principal atout.
Son avenir est solidement ancré au cœur des priorités du Président de la République. Et au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, j’ai l’honneur, et la lourde responsabilité, en tant que Ministre délégué à la Ville, de me situer « en pivot » de l’ensemble des politiques publiques, et tout particulièrement de celles dédiées à la jeunesse et aux familles des quartiers populaires, de ces quartiers trop longtemps délaissés par la République. Avec l’ensemble du gouvernement, avec vous, chère George Pau-Langevin, cher Vincent Peillon, je sais que je peux compter sur la mobilisation de l’Éducation nationale, sur celle des élus, des professionnels, des parents et des bénévoles pour permettre que les enfants, apprentis citoyens de tous les quartiers de France vivent mieux en 2017 qu’en 2012, comme l’a promis le Président de la République.
Seul le prononcé fait foi