Source :
Accéder au site source de notre article.
"Compétence ou Performance ? Bruno De Lièvre Université de Mons
« Du latin classique competere : viser le même but »
Nous avons besoin de personnes compétentes ! Pour exercer des métiers centrés sur de la pratique comme le font boulangers, plombiers ou mécaniciens ; pour diriger un état, ce qui demande patience, sens du consensus et des responsabilités que devraient posséder citoyens et politiciens ; pour améliorer le niveau des connaissances du plus grand nombre comme tentent de le réaliser élèves, étudiants, enseignants et chercheurs à tous les échelons de notre système éducatif. Les exemples sont nombreux pour valoriser la compétence.
Encore faudrait-il qu’elle soit un fil conducteur commun et cohérent dans l’ensemble des démarches mises en oeuvre à tous les niveaux de notre enseignement et de notre société.
La réflexion autour du concept de compétence est intense entre ses partisans et ses détracteurs. L’instauration de l’approche par compétences (APC) dans les programmes scolaires ou dans les cursus de formation anime de nombreux débats autour des situations problèmes sur lesquelles elles doivent se construire ou sur la manière de réaliser des épreuves d’évaluation qui distingue clairement compétences et connaissances.
Une des difficultés pourrait être celle de la cohérence des logiques. En effet, n’y-a-t-il pas à un moment donné un paradoxe entre une scolarité qui se développe une logique de compétences et une exigence économique qui met en évidence la performance ? On sait (Bourgeois & Galland (dir.), 2006) que les apprenants qui visent des buts de maîtrise cherchent plus à « augmenter » leurs compétences et donc à s’approprier de façon
approfondie et à long terme les connaissances, alors que ceux qui visent des buts de performance cherchent à « démontrer » leurs compétences, et par conséquent bien entendu à valoriser ce qu’ils savent mais aussi à camoufler ce qu’ils ne maîtrisent pas. Si l’une des logiques est prioritaire par rapport à l’autre selon les contextes, la démarche a-t-elle tout son sens si elle n’est pas appliquée du début jusqu’à la fin ? Et comment se situent les universités et les écoles supérieures par rapport à ces deux logiques ? Quelle est la priorité sur laquelle elles mettent l’accent ? Ce numéro d’Education & Formation e-296 tente de contribuer à alimenter positivement cette réflexion en donnant la plume à des auteurs francophones spécialistes du domaine : B. Albéro et M. Nagels (France) situent la compétence dans le contexte de la formation ;
Ph. Jonnaert (Québec – Canada) interroge l’évaluation des compétences dans le supérieur ; N. Postiaux et M. Romainville (Belgique) relient compétences et professionalisation ; N. Deschryver, B. Charlier et J-M. Fürbringer (Suisse) analysent la mise en oeuvre de l’APC dans une école d’ingénieurs après avoir introduit ce numéro qu’elles ont efficacement coordonné. Nous profitons également de l’occasion pour dédier ce numéro à Vincent Carette en reproduisant un article qu’il a publié dans son domaine de prédilection qu’est l’approche par compétences.
Le présent n°e-296 se conclut avec l’article de Collin, S. et Karsenti, T. qui traite d’une modalité de soutien en ligne stimulant la pratique réflexive des enseignants.
Alors compétence ou performance ? Nous n’avons pas la prétention de vouloir rallier toutes les tendances suite à cette publication.
Mais nous croyons qu’un accord peut se dégager sur le fait que la « vraie » performance, celle qui est bénéfique pour le plus grand nombre et à long terme, ne peut se reposer que des compétences bien développées. A nous de créer cette cohérence pour sortir du paradoxe."
,
Bruno De Lièvre