Ce n’est pas notre philosophie d’entrer dans les enjeux du numérique par un matériel donné, mais comme c’est à l’ordre du jour suite aux annonces de François Hollande sur l’équipement en tablettes prévu pour tous les élèves de 5ème en 2016, nous faisons une exception…
Nous ne rejetons pas les tablettes par principe, il s’agit d’appareils compacts, mobiles et multifonctions tout à fait intéressants. Nous vous renvoyons à l’excellente vidéo humoristique et pertinente de François Lamoureux sur le sujet si vous avez besoin de plus d’arguments…
Alors, les tablettes en classe à quoi ça peut bien servir ?
Commençons par recenser ce qui se fait déjà sur le terrain, de nombreux professeurs du primaire et du secondaire en utilisent déjà en classe. Il s’agit bien sûr pour le moment de tablettes grand public, utilisées et détournées à des fins pédagogiques.
Voici une liste (non exhaustive) de ce que les élèves peuvent faire avec une tablette en contexte scolaire :
- consulter des ressources en ligne (textes, vidéos, contenus audio…)
- faire des recherches sur Internet
- écouter une dictée et la réaliser à son rythme
- rechercher dans le dictionnaire
- créer : livres, films, enregistrements (comptines, chants, histoires)
- filmer, photographier, enregistrer des sons afin de documenter une sortie ou de produire un compte-rendu d’expérience ou carrément une capsule vidéo expliquant à d’autres ce qu’on a appris, faire une interview puis la transcrire…
- enregistrer les performances en EPS
- utiliser la réalité augmentée
- se filmer, s’enregistrer, photographier ses productions
- capturer et traiter des images
- réaliser des cartes mentales
- communiquer avec l’extérieur, échanger, discuter : correspondance scolaire, défis, informations aux familles, Twitter, publications sur le blog de classe…
- utiliser des plateformes et des documents collaboratifs pour travailler à plusieurs sur la rédaction d’un texte, la préparation d’un exposé…
- utiliser des jeux pédagogiques ou détournés à des fins pédagogiques : Minecraft, des jeux mathématiques comme DragonBox…
- faire de la géométrie avec GeoGebra, des maths avec Sésamath
- dessiner, créer des animations
- utiliser Google Earth en géographie
- se documenter pour l’histoire des arts
- traduire des contenus en langue étrangère
- s’entraîner : à écrire, à compter, réviser les tables, les conjugaisons…
- annoter des documents
- utiliser des instruments de musique virtuels
- lire des livres numériques
- collaborer, expliquer et expliciter
- …
Précisons que la plupart du temps il n’y a pas une tablette par élève dans la classe, les travaux se font soit en groupe, soit par atelier.
Nous voyons bien ici que de nombreux usages sont tournés vers le travail collaboratif, la création et la publication par les élèves. Les élèves sont acteurs et créateurs et non seulement consommateurs de contenus et d’exercices.
Voyons maintenant ce qui se profile avec les tablettes que l’on pourrait appeler “scolarisées”, prévues et conçues spécifiquement pour un usage en classe. Lors du salon Educatice nous sommes donc allés découvrir les tablettes françaises qui pourraient équiper bientôt les élèves de 5ème et peut-être d’autres aussi.
Il ne s’agit aucunement ici de juger ces tablettes en tant que telles -nous ne les avons pas testées nous-mêmes et rien ne laisse supposer qu’elles ne soient pas performantes- mais de décrire ce que nous avons compris de leurs spécificités.
Tout d’abord il ne s’agit pas de tablettes seules mais de tablettes et d’un logiciel de gestion permettant à l’enseignant de contrôler la flotte de tablettes-élèves.
Ce logiciel permet de :
- concevoir les supports de cours ou d’exercices pour les élèves
- de les mutualiser, si on le souhaite, avec d’autres enseignants
- d’avoir accès à des contenus provenant des éditeurs scolaires
- de récupérer et contrôler le travail fait par chaque élève
Il n’est pas prévu par ces logiciels de gestion que les élèves puissent créer des exercices, ni qu’ils puissent échanger entre eux ou travailler à plusieurs en collaboration. Les accès à Internet se font par liste blanche, c’est à dire qu’il faut spécifier les sites autorisés un par un ! Heureusement il est quand même possible pour l’enseignant de donner un accès ouvert aux élèves pour faire des recherches par exemple. Ces tablettes ont un système Android mais masqué par une surcouche qui le rend inaccessible aux élèves. Il semble néanmoins possible d’installer des applications (mais pas forcément toutes) et d’utiliser via le navigateur Internet des documents collaboratifs… Nous avons bien conscience que ces entreprises françaises répondent à des commanditaires et développent leur écosystème en fonction de ce qui leur est demandé.
On peut quand même s’interroger sur cette conception fermée et limitée des usages qui semble juste prévoir de substituer ce qui se fait classiquement sur papier en version numérique. Cela représente la première étape de la démarche d’appropriation SAMR, c’est bien d’avoir cette entrée mais il nous semble essentiel que le matériel fourni par l’éducation nationale n’empêche pas la richesse des autres usages possibles !
Il reste aussi de nombreuses questions importantes en suspens que nous ne manquerons pas de soulever lors de la consultation annoncée en janvier :
- Quelle interopérabilité entre les différents systèmes et avec les ENT pour que le travail fait sur un logiciel ne soit pas perdu si on change d’établissement par exemple ?
- Qu’est-il prévu pour gérer la question des droits et des licences pour les cours créés par les enseignants qui seront mutualisés et remixés ?
- Sera-t-il possible d’utiliser sur ces tablettes les manuels libres et gratuits comme ceux de Yann Houry en Français et de Sésamath ?
- Que va-t-il se passer si l’établissement a déjà un équipement différent sur certaines classes avec des tablettes grand public ?
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