In Observatoire des inégalités – le 28 juin 2013 :
Accéder au site source de notre article.
Sur 14 pays riches comparables, la France est au dernier rang en matière de dépense par élève au primaire, au 11e rang pour l’enseignement supérieur et au 7e pour le secondaire. Un choix de société. Par Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.
Sur 14 pays de l’OCDE comparables, la France est au dernier rang en matière de dépense [
1] par élève au primaire, au 11e rang pour l’enseignement supérieur et au 7e pour le secondaire (collèges et lycées), comme l’indique le rapport « Regards sur l’éducation 2013 », de l’organisation internationale. Pour comparer le niveau d’investissement scolaire de la France au reste des pays riches, la moyenne de l’ensemble de l’OCDE n’a pas de sens : on met ensemble la France, le Chili, la Turquie ou le Mexique. Nous n’avons donc gardé que les pays les plus peuplés et les plus riches de cet ensemble [2].
Si l’on observe la dépense d’éducation rapportée à la richesse nationale, la France arrive en 9e position sur 14, avec 6,3 % du Pib. C’est beaucoup moins qu’au Danemark (8 %) ou en Norvège (7,6 %), mais l’indicateur est peu significatif. Pour mesurer l’investissement du pays dans le domaine de l’éducation, il faut tenir compte du nombre d’élèves à chaque niveau. On peut tirer trois leçons des chiffres de l’OCDE (voir les tableaux ci-dessous).
D’abord, le constat est désormais largement admis : l’enseignement primaire est très nettement sous doté en France. Notre pays consacre par an deux fois moins à un élève de primaire (6 600 dollars) que la Norvège (12 200). La France est bonne dernière de la liste, notamment parce que les enseignants à ce niveau sont les plus mal payés des pays riches. Dans certains pays, les enseignants disposent de davantage de personnels de soutien, comme c’est d’ailleurs le cas en maternelle en France. La prime de 400 euros qui sera versée par le gouvernement ne changera en rien la situation.
Ensuite, la France arrive en 11e position sur 14 pour les dépenses par élève dans l’enseignement supérieur. Elle ne devance que l’Italie, l’Autriche et l’Espagne. Un étudiant suédois coûte 30 % de plus qu’un étudiant français. Mais les écarts sont énormes en France entre les filières sélectives (IUT, BTS et grandes écoles principalement) et les autres où les étudiants sont entassés en nombre dans des amphithéâtres, ce qui fait baisser la moyenne.
Enfin, contrairement à une idée reçue, la France occupe une place dans la moyenne aussi pour l’enseignement secondaire, au niveau du Royaume-Uni et de la Belgique, mais loin derrière la Norvège ou l’Autriche. Notre pays est moins mal classé, mais reste loin d’avoir surinvesti ce niveau. Nos collégiens et nos lycéens disposent du standard moyen d’études des pays riches.
L’argent ne fera pas le bonheur du système éducatif français. Les élèves français souffrent d’un enseignement peu modernisé depuis les années 1960, très académique et taillé sur mesure pour la culture des élèves de milieux favorisés. Mais le manque de moyens va encore dégrader les choses. Il n’aidera pas à recruter les meilleurs enseignants, à réduire le nombre d’élèves par niveau (du primaire et de l’université notamment), ou à offrir des conditions matérielles d’études dignes de ce nom aux étudiants (campus, bibliothèques, logements, etc.). Du côté des enseignants, l’hypocrisie règne : une évaluation et des exigences limitées, en contrepartie de salaires peu élevés pour un bon nombre [3]. Deux voies s’offrent à notre pays : continuer à investir dans ses services publics en général [4] et la formation en particulier, ou se lancer dans une concurrence perdue d’avance en baissant le coût du travail. Depuis des années, la seconde voie a été choisie et la nouvelle majorité n’y a pas changé grande chose. Le gouvernement va dépenser 20 milliards par an dès l’an prochain dans ce sens, via la mise en place du Crédit d’impôt pour la compétitivité. Une prime aux entreprises considérable : l’ensemble du budget de la recherche et de l’enseignement supérieur vaut 25 milliards, celui de l’enseignement scolaire 64 milliards.
Comparaisons internationales des dépenses publiques : une confusion totale |
---|
Les dépenses publiques d’éducation sont-elles trop élevées en France par rapport aux autres pays ? Avec 6,1 % de son Pib en 2011 selon Eurostat, la France dépense plus que l’Allemagne (4,4 %) mais moins que le Royaume-Uni (6,9 %). Les comparaisons qui ne prennent en compte que la sphère publique n’ont pas de sens pour le citoyen car tout est histoire de tuyaux. Les dépenses d’enseignement supérieur aux Etats-Unis par exemple ne sont pas comptabilisées, mais les familles doivent bien payer l’université. La réponse aux besoins est simplement plus inégalitaire entre ceux qui ont les moyens et les autres. Il faut par ailleurs prendre en compte la démographie : la France dépense plus dans l’enseignement secondaire, parce que sa fécondité est plus élevée et que la reprise a été forte à partir du milieu des années 1990. |
|
|
|
Photo : © WavebreakmediaMicro – Fotolia
[1] Tous types de dépenses confondues, publiques mais aussi privées, car c’est bien ce qui compte pour les ménages.
[2] La liste est discutable, mais en ajouter un ou deux ne changerait en rien les résultats
[3] Même si les écarts sont élevés au sein de la profession entre notamment les professeurs des écoles et les agrégés du secondaire
[4] Ce qui n’empêche pas d’en améliorer la qualité et de réaliser des économies