PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

COMMUNIQUE
21 novembre 2005

Zones urbaines en crise. Les membres sortant du CNV proposent.

Ces dernières semaines, le Premier ministre et divers ministres de la République consultent ou – reçoivent – dans l’urgence, quelques jeunes, habitants, professionnels, associatifs et élus des zones urbaines en crise, pour tenter de comprendre et trouver les solutions d’un apaisement pérenne. Dans la situation de crise actuelle, aucun d’entre eux n’a songé à rappeler en consultation les membres du CNV en fin de mandat.
Le CNV n’étant à ce jour pas renouvelé, certains de ses membres sortant, entendent continuer à remplir leurs responsabilités sur les questions urbaines. Ils rappellent la pertinence et l’actualité des Avis remis aux différents ministres concernés depuis plus de trois ans, mais restés le plus souvent sans écho. Ils proposent une autre méthode d’analyse et de décisions pour tenter de répondre à la crise urbaine.

Les signataires du présent communiqué se voient dans la nécessité de rappeler que le CNV est un conseil officiel et qualifié pour traiter des questions des villes en crise.
Institué en 1988, il est présidé par le Premier ministre, aujourd’hui Dominique de Villepin ou, par délégation, par le ministre en charge de la Politique de la ville, Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin. Il rassemble un ensemble de personnalités de terrain qualifiées sur les problèmes urbains : 25 élus représentant les différentes familles politiques, 15 « têtes de réseaux » associatifs et représentants de syndicats de salariés et du Medef, 15 professionnels ou militants associatifs locaux. Ce conseil a été vice-présidé depuis 2002 par deux élus : Véronique Fayet, adjointe (UDF) au maire de Bordeaux, et Claude Dilain, maire (PS) de Clichy-sous-Bois. Les membres du CNV siègent à titre personnel ou comme représentants d’organisations professionnelles ; ils s’efforcent de jouer au mieux, sans langue de bois, sans complaisance, ni provocation, leur rôle de critique constructive et de force de proposition, loin des influences des appareils politiques ou autres, mais au plus proche des réalités et des pratiques de terrain.

Des alertes, voire des alarmes, réitérées par le CNV au cours de ces trois dernières années.
Plusieurs fois, le CNV a alerté sur des questions qui apparaissent aujourd’hui en lien évident avec les crises urbaines : les emplois aidés/emplois jeunes, la prévention de la délinquance, la lutte contre l’exclusion et la réduction des moyens financiers pour les associations et le développement social… Mais ces trois dernières années, le CNV n’a jamais été reçu par les Premiers ministres successifs, et a dû le plus souvent se contenter d' »accusés de réception » quand il a diffusé ses avis aux ministres concernés.
(Tous les avis et plate-formes du CNV sont consultables sur le site www.ville.gouv.fr – rubrique CNV).

Au cours de l’été 2005, à diverses reprises, puis lors d’une conférence de presse, le 6 octobre dernier, en présence de Catherine Vautrin, le CNV a réitéré ses craintes, notamment s’agissant des difficultés pour les associations. « Cette inquiétude est renforcée par les informations qui remontent des terrains, le transfert d’une partie des crédits additionnels de la Politique de la ville aux équipes de réussite éducatives se traduisant, souvent, par une baisse de l’ordre de 35 à 40 % des crédits FIV (Fonds interministériel d’intervention pour la ville) » – extrait du document du CNV : « Propositions pour la refondation de la politique de la ville ».
Ces craintes furent alors jugées non fondées par la ministre en charge de la ville. Pourtant aujourd’hui, la restauration de ces crédits est présentée par le Gouvernement comme une réponse aux troubles sociaux et urbains. Dans le rapport d’activité 2002/2005, rendu public ce 6 octobre et remis à la Ministre, constatant que « certaines villes ou agglomérations, voire des pans entiers du territoire, se trouvent véritablement en situation de – relégation -,  » le CNV en appelait « Ã  une politique de – sauvetage – de la ville avec intervention forte de l’Etat et moyens exceptionnels pour les villes et territoires en situation de décrochage massif. » La suite immédiate lui a malheureusement donné raison. Mais, faute d’avoir pu ou su « mener le débat et la réforme » pendant qu’il était encore temps, le gouvernement se trouve maintenant contraint à agir dans les plus mauvaises conditions.

Aujourd’hui, les signataires du présent communiqué, anciens vice-présidents et membres du CNV proposent d’autres méthodes d’analyse des problèmes et d’autres modes de décision.
Le débat peut être et doit être mené, les clivages et les conflits identifiés, les issues trouvées, dans le cadre d’une démarche de concertation ouverte à tous. Ceci ne peut plus être fait désormais « en chambre », ni entre spécialistes patentés. Ni les habitants des quartiers, ni les jeunes des villes, ni la plupart des acteurs de terrain ne comprendraient aujourd’hui une réponse qui ne se présenterait que comme un train de mesures plus ou moins répressives ou d’opportunité.
Depuis des années les villes s’essaient à la démocratie participative, des débuts de savoir-faire existent dans la population comme chez les responsables.
Le moment est venu, pour tous les habitants de France, de trouver les voies d’une expression claire et forte de leurs attentes et de leurs suggestions pour mieux vivre ensemble, dans le respect du principe d’égalité.
Le moment est venu pour les responsables politiques, élus et gouvernement, de montrer que l’on peut gouverner autrement.
Les signataires encouragent et soutiendront toutes initiatives allant dans ce sens.

Contact médias : Claude Lisbonis Communication
T. 01 42 02 17 40 / 06 20 67 18 66 – c.lisbonis.com@wanadoo.fr

Ci-joint :
– liste des signataires du communiqué : anciens vice-présidents et anciens membres du CNV,
– Rappel de préconisations du CNV.
www.ville.gouv.fr (rubrique CNV)

Signataires

Anciens vice-Présidents du CNV, mandat 2002/2005
– Véronique FAYET, adjointe au maire de Bordeaux
– Claude DILAIN, maire de Clichy sous-Bois

Anciens membres du CNV, mandat 2002/2005
– Daniel BONNETON, principal du collège La Grange aux Belles, Paris 10e
– Jean-Pierre BOSINO, maire de Montataire
– Vincent BOUZNAD, expert politique territoriale et mobilité
– Pierre CARDO, député, maire de Chanteloup-les-Vignes
– Maurice CHARRIER, maire de Vaulx-en-Velin
– Pierre COHEN, député de la Haute Garonne, maire de Ramonville St-Agne
– Claude FOURCADE, représentant l’inter-réseaux DSU
– Serge GERBAUD, représentant la Fédération nationale des centres sociaux (FNCS)
– Annie GUILLEMOT, maire de Bron, vice-présidente de la Courly
– Michel HEINRICH , député des Vosges, maire d’Epinal
– Jocelyne HERBINSKI, représentant la Confédération nationale du logement-Savoie (CNL)
– Yazid KHERFI, consultant
– Jean-Amédée LATHOUD, procureur général de la Cour d’appel de Versailles
– Jean-Luc LAURENT, maire du Kremlin-Bicêtre
– Jean-Michel MARCHAND, maire de Saumur
– Claude MARIUS, représentant l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)
– Jean de MATHAN, représentant CFTC, responsable du Logement/Habitat
– Zoubida MEGUENNI-TANI, présidente de l’association Shebba
– éric PLIEZ, représentant de la FNARS IDF
– François PUPPONI, maire de Sarcelles
– Tahar RAHMANI, directeur général de l’association 3CI, conseiller municipal de Marseille
– Chantal ROBIN RODRIGO, députée des Hautes Pyrénées
– Pierre-Didier TCHé-TCHé APéA, président de l’association Agora
– Maurice TARDIVENT, représentant du MEDEF
– Gérard TONNELET, directeur de l˜ADNSEA (Association départementale du Nord de la sauvegarde de l’enfant à l’adulte.)
– Sylvie WEILL, directrice de mission locale
– Mansour ZOBERI, chargé de la politique de la ville du Groupe Casino.

Rappel de préconisations du CNV

Pendant son 5ème mandat, le CNV a travaillé, informé, alerté et émis des propositions sur l’ensemble des problématiques urbaines : finances locales et développement social urbain, renouvellement urbain, copropriétés dégradées, éducation, architecture républicaine, décentralisation, immigration/intégration …
(cf. Rapport d’activité du CNV 2002/2005)

-> Sur les emplois aidés/emplois jeunes
Dans un avis de novembre 2002, le CNV exprimait « sa plus vive inquiétude concernant la disparition des emplois-jeunes et la réduction, simultanée et significative, des crédits inscrits dans la loi de finances 2003 au titre des emplois CES (contrat emploi solidarité) et CEC (contrat emploi consolidé) ». Il attirait « l’attention du ministre délégué à la ville et du gouvernement sur les risques que ces décisions, prises brutalement, font courir aux publics qui en étaient les bénéficiaires et, au-delà, à l’ensemble des partenaires publics et associatifs engagés dans les politiques d’insertion et de lutte contre l’exclusion ».
Il affirmait que « ces dispositifs ont fait leur preuve, de plusieurs points de vue :
– ils ont donné à des populations en grande difficulté les moyens de s’insérer ou se réinsérer dans le monde du travail…;
– ils ont également répondu aux attentes nouvelles des collectivités et des territoires. Ainsi, ils ont permis d’expérimenter de nouveaux métiers à l’utilité sociale démontrée, ont redéfini les profils d’intervention des services publics et ont comblé des pans de l’espace public laissé en jachère…;
– [ils] ont eu également le mérite de modifier le profil sociologique des administrations locales et ont donné l’occasion à de nouvelles populations de les intégrer. Cette filière originale, sorte de 3ème voie, a modifié bien des comportements et fait reconnaître de réelles « compétences-habitants » ou « compétences-jeunesse », notamment à l’Education nationale.
Craignant qu’une telle « remise en cause soit porteuse de risques sérieux »… du fait du « ralentissement économique » et « constitue donc un abandon pour ces populations [qui] renforcera, inéluctablement, les inégalités territoriales », le CNV recommandait, « dans l’immédiat, de suspendre les décisions concernant les emplois aidés et de prévoir un moratoire durant lequel il sera procédé à une évaluation complète des dispositifs CES, CEC et emplois-jeunes, permettant de bien mesurer les conséquences sociales, humaines et territoriales d’éventuels changements de stratégie et d’un désengagement de l’état ».
-> Mais les emplois jeunes on été supprimé sans aucune évaluation… pour être remplacés par des dispositifs tardifs et complexes, tout en privant nombre d’associations et l’Education nationale de forces d’appoint précieuses.

-> Pour prévenir la délinquance
Le 14 mars 2003 dans une déclaration adoptée à Bordeaux et adressée au Premier ministre, le CNV a tenté d’alerter sur les questions de prévention de la délinquance et de lutte contre l’exclusion. « En 20 ans, les caractéristiques de la délinquance ont changé, les comportements se sont radicalisés. Les professions chargées de lutter contre la délinquance – éducation spécialisée, policiers et gendarmes, justice – ont évolué. De nouveaux métiers sont apparus (comme les agents locaux de médiation sociale / ALMS). Les profils de ces professionnels et leurs pratiques ont évolué avec plus ou moins de cohérence. Récemment le Ministre de l’Intérieur a appelé les forces de police à se repositionner sur leur cœur de métier… ». Il s’agissait d’améliorer la fonction d’investigation de la police, ce qui – dans un contexte d’effectifs sans cesse réduits – se fit au détriment de la police de proximité.
Le CNV rappelait également, « qu’il appartient aux maires de jouer leur rôle de conduite politique dans ce domaine et d’organiser la cohérence dans l’action de tous, par la mise en œuvre, de toute urgence, des CLS (contrats locaux de sécurité) associant prévention et répression et des CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance) comme cadre de concertation.
Pour asseoir et conforter ces démarches locales, le CNV estimait indispensable, au moment de la deuxième étape de la décentralisation, que l’état confirme les principes directeurs pour l’action dans ce domaine : priorités et références communes, éthique, répartition des rôles… »
Le CNV demandait « au Premier ministre d’organiser, avec l’aide du Ministre de la ville, un séminaire interministériel sur la prévention de la délinquance, associant l’Intérieur, la Défense, la Justice, les Affaires Sociales, l’éducation nationale et la Jeunesse, la Santé, le Logement, les Sports, ainsi que les conseils généraux, les associations d’élus et les organisations professionnelles ».
Cette proposition reste d’actualité.

-> Pour lutter contre l’exclusion et soutenir les associations et le développement social.
Le CNV, dans la même déclaration de mars 2003, indiquait « s’inquiéter de l’amoncellement de mauvaises nouvelles concernant le soutien aux actions de développement social et urbain : suppression des emplois jeunes et réduction des emplois aidés, gel des crédits de fonctionnement et incertitude sur les subventions aux associations et crédits non contractualisés, réduction importante des crédits FASILD, CAF et FSL… le tout dans un contexte de chômage en pleine reprise et de tensions internationales qui ne peuvent laisser indifférents ». Il redoutait « l’effet de ces mesures sur les populations les plus fragiles » et affirmait « avec vigueur qu’aucune stratégie de renouvellement urbain, aussi forte et efficace soit-elle, ne parviendra à enrayer, seule, une nouvelle dérive des quartiers et des populations. » Il rappelait « aux pouvoirs publics les principes républicains et donc leur impérieux devoir de rétablir des égalités et des protections des plus exposés. »
« Rappelant que la prévention est toujours moins coûteuse que la réparation », le CNV demandait « en conséquence que soit élaboré un Plan d’urgence pour le développement social urbain qui mette en cohérence, et remette à niveau, tous les besoins liés à la prévention de la délinquance, à la lutte contre l’exclusion et au fonctionnement du dispositif de développement social dans les villes les plus pauvres ». En conclusion, le CNV demandait en urgence une audience au Premier ministre, son Président, pour l’entretenir de l’ensemble de ces questions.

La seule suite donnée fut celle que le CNV y apporta lui même, avec l’aide de quelques partenaires : l’Association des maires de France (AMF), l’association des maires des villes et banlieues de France (AMVBF), l’association des maires de grandes villes de France (AMGVF), le Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU) et pour partie, la Délégation interministérielle à la ville (DIV).
Des ateliers « métiers » et un ateliers de maires permirent débats et analyses et furent suivis d’un colloque national, le 15 avril 2004, avec adoption d’une « Plate-forme commune sur les stratégies locales de prévention » qui souligne que :
• « pour tous les professionnels de la prévention, le rapport à la loi ne semble pas assez réfléchi, compris. La plupart d’entre eux se trouvent fréquemment écartelés entre leur souhait de la faire respecter et leur crainte de perdre la confiance et la crédibilité liées à leur rôle d’intermédiaire…
• pour tous les acteurs, prévenir et lutter contre la délinquance implique :
– un positionnement collectif, cohérent, d’affirmation des règles à respecter pour « bien vivre ensemble » ;
– une application ferme de la loi, qui relève essentiellement de deux pouvoirs régaliens, la Police et la Justice ;
– une action permanente et « Ã  niveau », de prévention, d’encadrement et de soutien, pour repérer, aider et dissuader ceux qui risquent de basculer dans la délinquance ou de récidiver. La responsabilité sociale, collective et de proximité doit mobiliser un ensemble d’acteurs – élus, professionnels -, mais aussi les habitants eux-mêmes ».
A l’inverse, les ministres de l’Intérieur, successifs, s’approprièrent la compétence « prévention » abandonnée par les ministres de la Ville et préparèrent moult versions « secrètes » d’un projet de loi sur la prévention de la violence, qui ne vit jamais le jour. Mais aucun des auteurs de la plate-forme ne fut consulté.
Toutes ces analyses et suggestions restent valables aujourd’hui.

-> La Politique de la ville ne doit pas être abandonnée. Elle doit être – reformulée – et renforcée.
Marc-Philippe Daubresse, ministre de la Ville et du Logement, éphémère mais impliqué, prenant en compte la fonction de conseil, demanda au CNV de co-organiser les assises de la Ville en avril 2005. Le CNV en a tiré des « Propositions pour la refondation de la politique de la ville » (paru en septembre 2005) qui se concluent ainsi :
« La Politique de la ville ne doit pas être abandonnée. Elle doit être – reformulée – et renforcée. Mais aucune politique publique ne peut réussir sans un effort véritable pour identifier les problèmes, les nommer et y faire face de façon collective, politique et durable.

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