À l’heure des débats sur la réforme territoriale, qui peut se présenter comme un troisième acte de décentralisation, un premier acte d’affirmation des métropoles ou bien comme une geste de recentralisation, il est bon de se comparer. Les données Eurostat permettent de situer la France, en Europe, en termes de niveaux d’autonomie financière et d’autonomie fiscale des collectivités territoriales.
L’analyse comparée de la décentralisation n’est pas chose aidée. Les traditions et dénominations administratives sont compliquées et disparates. Les organisations institutionnelles varient grandement (États fédérés ou non, nombre de niveaux de collectivités, etc.). Onze pays n’ont qu’un seul niveau de collectivités locales (celui des communes), neuf en comportent deux (communes et régions), sept en comptent trois. Les 10 dernières années ont été marquées par des mouvements de réduction du nombre de communes (Danemark, Grèce, Allemagne, Portugal, Finlande) et, pour certains pays, par des dynamiques de recentralisation. Parallèlement, la coopération intercommunale a été encouragée en Italie, en Angleterre et en Irlande, accompagnant un mouvement général de métropolisation.
Afin d’avoir une idée, par les finances publiques, du niveau de décentralisation d’un pays, une option est de comparer, d’une part, les niveaux d’autonomie fiscale (la nature des recettes infranationales) et, d’autre part, les niveaux d’autonomie financière (le poids de la dépense publique infranationale). On peut, avec les statistiques d’Eurostat, apporter des éclairages sur le poids des recettes et le montant des dépenses au niveau local. Ce niveau local, pour la France, comprend l’ensemble des collectivités territoriales, c’est-à-dire indistinctement mêlés les communes et leurs intercommunalités, les départements, les régions.
Nature des recettes infranationales (en %)
Niveaux de collectivités : * 1 niveau, ** 2, *** 3
Source : Eurostat.
Sur les 14 grands pays de l’Union rassemblés ici pour cet exercice, seuls trois (Suède, Espagne, Allemagne) disposent d’une ressource d’abord locale. Il s’agit des recettes fiscales propres (l’impôt foncier est le plus répandu), auxquelles s’ajoutent les recettes fiscales partagées avec l’État (ou l’échelon territorial supérieur) qui cède alors une fraction de ses recettes fiscales (la taxe intérieure sur les produits pétroliers, TIPP, en France). Les recettes fiscales propres ou partagées ont été fortement affectées par les crises économiques. Dans le même temps, les dotations sont, dans de nombreux pays, gelées ou diminuées du fait des objectifs de réduction des dépenses publiques. Dans cet ensemble, la France est concernée par ces deux dynamiques car son autonomie fiscale directe est à un niveau plutôt élevé (45 %).
Une autre voie, complémentaire, pour tenter d’apprécier le niveau de décentralisation consiste à rapporter les dépenses publiques locales (quelles que soient les recettes qui les permettent) au total des dépenses publiques nationales. Des pays à organisation institutionnelle très décentralisée (mais à financement public pas forcément aussi décentralisé), comme le Danemark et la Finlande, voient une partie très substantielle des dépenses publiques passer par le canal local. En France, il en va du cinquième de l’ensemble des dépenses publiques, ce qui ne place pas le pays parmi les plus décentralisés, au contraire.
Dépenses du secteur public infranational / ensemble des dépenses publiques (en 2011, en %)
Source : Eurostat