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Après avoir fait quelques remarques concernant la justesse de nos procédures d’orientation dans un post précédent, je vais explorer leur efficacité.
L’efficacité qualifie la capacité d’une personne, d’un groupe ou d’un système de parvenir à ses fins, à ses objectifs (ou à ceux qu’on lui a fixés). Donc allons y voir de plus près pour ce qui concerne nos procédures d’orientation.
Nos procédures participent-elles à la défense de l’égalité des chances ?
Faut-il répondre à cette question ? Les résultats du dernier PISA ne vont pas dans ce sens. Quelques citation du dossier de l’IFE PISA : CE QUE L’ON EN SAIT ET CE QUE L’ON EN FAIT relevées aux pages 3 et 4 :
« Le problème de la France n’est pas tant celui de la moyenne globale de son niveau de formation mais le fait que l’essentiel des difficultés se situe en bas de la pyramide scolaire. »
« Les inégalités sociales sont bien plus marquées dans l’hexagone que dans la moyenne des pays développés et une lecture attentive des résultats montre un système éducatif à l’opposé de ce qu’il prétend être : mieux défini par la cooptation sociale et la ségrégation des curricula que par les visées démocratiques du collège « unique » estime Felouzis (2009). »
« La pratique intensive du redoublement est au centre du paradoxe français : si l’on ne retenait que les résultats des élèves « à l’heure » dans le système, la France figurerait facilement dans le peloton de tête des performances mesurées dans PISA… mais si l’on retient les résultats de ses redoublants (assez nombreux), elle affiche des performances comparables à celles des pays les plus pauvres de l’OCDE. (Forestier, 2007) »
Les procédures ont-elles accompagnées le collège unique ?
Pas particulièrement ! Les « nouvelles procédures d’orientation » de 1973 ont sans doute « freiné » la mise en œuvre du collège unique. La réforme de 59 avait maintenue des procédures pour chaque année du secondaire. Le collège de Haby l’organise en deux cycles et laisse seulement deux niveaux d’orientation au collège, le niveau cinquième et le niveau troisième. Le taux de redoublement en 6ème reste équivalent à celui des sixièmes précédant la réforme “Haby”. Le pallier d’orientation de cinquième, même s’il faut l’accord des familles, oriente vers le professionnel un quart des élèves. Au fur et à mesure cette séparation des élèves se fait en interne du collège (selon le même pourcentage d’ailleurs). Rappelons que la loi votée était : tous les élèves rentrent en sixième et sortent du collège… après la troisième. Il faut attendre la réforme Bayrou (1994) pour supprimer le palier cinquième en créant… trois cycles et en terminant extinction des CAP “cinquième”, et donc trois paliers d’orientation, et la parcours « particuliers » de fleurir.
Et bizarre, le taux d’orientation vers la voie professionnelle après la troisième est resté constant jusqu’à ce jour, autour de 30%, et cela quelques soient les diverses modifications des flux de collégiens atteignant cette classe.
Les procédures ont-elles permis la compréhension de l’éducation à l’orientation ?
Au milieu des années 90 la question du travail et de l’emploi stable se pose de plus en plus pour les futures générations. D’où un effet en retour sur la conception jusque-là largement adéquationniste de l’orientation dans l’éducation nationale. Une éducation à l’orientation au sein des collèges et lycée devrait permettre l’acquisition et le développement de compétences permettant de s’orienter au cours de sa vie. Sauf que cette innovation apparait dans un système où la circulation des élèves est contrainte par les procédures d’orientation. Dès lors un biais de compréhension s’installe s’appuyant pour beaucoup sur la culpabilité des acteurs : et si cette éducation permettait aux élèves de faire des choix d’orientation plus « réalistes », il y aurait alors moins de tentions… Aujourd’hui le PDMF a remplacé l’EAO, mais les mêmes erreurs d’interprétation ont cours. Il doit permettre d’améliorer la circulation dans le système scolaire, et s’étend même dans l’enseignement supérieur avec l’orientation active.
Une réelle éducation à l’orientation, telle que réclamée par la commission européenne, suppose une confiance dans l’éducabilité des élèves, or nos procédures reposent sur l’idée qu’il faut des garde-fous aux désirs des élèves et des parents et qu’elles permettent des rectifications de ceux-ci. Parole largement entendues en conseil de classe : « c’est trop risqué ». Et je posais alors la question : « pour qui est-ce vraiment risqué ? ».
Les procédures accompagnent-elles l’objectif du socle commun ?
Nous avons déjà abordé cette question dans un petit article proposé au site soclecommun2012 : Bernard Desclaux : une condition oubliée pour le socle commun .
Le socle commun, à la différence de la lotion de programme, ne s’arrête pas à la détermination d’un contenu de formation, mais surtout, ce qui est nouveau, à l’objectif de le faire acquérir par tous les élèves. C’est l’objectif indiqué pour la période de l’obligation scolaire, soit chez nous l’école primaire et le collège. Or les procédures d’orientation du niveau troisième, à la fin du collège, supposent que les élèves ne sont pas capables tous de poursuivre dans l’enseignement général et technologique. Si l’objectif du socle était atteint, que cela se passerait-il ? Sur quelle base cette répartition se ferait-elle ? Idée naturaliste : les élèves sont ainsi, ils ne sont pas capables ; ou bien effet fonctionnel : ils sont produits ainsi pour assurer la possibilité de cette répartition ? Idée violente, mais il faut bien y réfléchir.
Le débat violent lui aussi sur l’évaluation du socle et le maintien du système de notation s’inscrit dans cette interrogation. La notation est un système de discrimination et de hiérarchisation des élèves. L’évaluation est autant évaluation de l’élève qu’un moyen de piloter les modalités de l’apprentissage. Il faut libérer l’enseignant français de cette contrainte pour qu’il puisse se centrer sur les modalités d’apprentissage de ses élèves.
Pour terminer je vous invite à la lecture de l’interview de Andreas Schleider : Education : comment concilier performance et équité. Andreas Schleider dirige le Programme international pour le suivi des acquis des élèves de l’OECD, connu sous le nom de PISA. Il tire les leçons de la comparaison entre systèmes scolaires.
Bernard Desclaux