Mon histoire personnelle est liée à celle de la famille Lentin, sans que je n’en aie eu conscience avant un âge avancé. Toute petite, j’entendais parler autour de moi « des Lentin» qui habitaient à Fressines, dans le Poitou où je suis née. Plus tard, arrivée en région parisienne, volontaire pour enseigner en maternelle, après un bref parcours par les sciences mathématiques et physiques du collège, j’ai lu les livres de Laurence Lentin.
Tout de suite, j’ai compris que j’avais trouvé là ce dont j’avais besoin pour être celle que je voulais être dans ma pratique. Je n’avais pas encore fait lien entre les « deux» Madame Lentin avant mon inscription à l’université! Si je devais dire ici en quoi l’apprentissage de ses thèses m’a été utile, je répondrais immédiatement: apprendre à faire des liens et enseigner comme priorité la capacité à relier tout ce qui est vivant, tout ce qui est intellectuel, tout ce qui se parle, tout ce qui se pense.
Première étape: l’expérience en maternelle
J’ai choisi, dans les années 1970, de demander un poste en école maternelle à Grigny-La Grande Borne (Essonne) car j’ai toujours eu la certitude que l’égalité des chances se joue dès le plus jeune âge. Je recevais les habitants du bidonville de la Porte d’Italie, démoli pour laisser place à l’actuel Chinatown dans le 13e arrondissement de Paris. Différentes vagues migratoires successives étaient présentes : italienne, espagnole, portugaise puis maghrébine, africaine sub-saharienne et turque.
Je me préparais à l’accueil de ces diversités avec mes moyens de l’époque. Les enfants apprenaient à se débrouiller en français en une année, leur avenir scolaire ne me posait pas de problème.
L’année où La Soufrière, en Guadeloupe, a menacé d’exploser, des familles entières qui vivaient sur les flancs du volcan ont été transférées dans les appartements vides car insalubres. Comme je m’attendais à recevoir des Français, je n’ai rien lu, rien préparé.
C’est à ce moment que j’ai vécu un échec notoire: je ne comprenais pas pourquoi plus rien ne fonctionnait avec les enfants très vite, j’ai compris que les difficultés étaient liées à des faits de langue, en même temps que des marques culturelles à la valeur insondable pour moi à cette époque. J’ai alors décidé de reprendre des études, de commencer des études de linguistique et choisi le « cursus Lentin » car il correspondait à mes interrogations.
L’HARMATHAN 2008