Retours, avec deux participantes, sur une formation à l’animation du croisement des savoirs(1) qui s’est déroulée sur six jours, entre septembre et décembre 2014.
« Il existe beaucoup de démarches participatives. Je ne m’intéresse qu’à celles qui ont pour but le changement social. Ce qui m’a marquée dans cette formation est d’abord son déroulement harmonieux, malgré le grand nombre de personnes qui y ont participé : 30, en plus des six formateurs. Une bonne partie d’entre elles souhaitent utiliser le croisement des savoirs pour faire bouger des choses dans leurs pratiques professionnelles. Par exemple, un centre social envisage de s’appuyer sur cette démarche pour faire participer des parents éloignés de l’école à la Commission éducative de territoire. La force du croisement des savoirs, outre la démarche elle-même, est à mes yeux l’importance du réseau « Participation et croisement des savoirs » d’ATD Quart Monde(2), qui est suffisamment dense pour que des professionnels qui ont suivi une co-formation(3) puissent en contacter d’autres, s’apporter un soutien moral, s’échanger des bons conseils et éventuellement entreprendre un projet ensemble. Le fait que les personnes en précarité qui participent au croisement des savoirs parlent en nom collectif et soient accompagnées dans la durée permet qu’elles ne deviennent pas ce que j’appelle des « habitants professionnels » qui finissent par ne plus représenter qu’eux-mêmes. Dans la démarche de Qualification mutuelle(4) telle que je la pratiquais auparavant, ce risque existait.
Je travaille souvent avec des politiques qui, lorsqu’ils pensent « participation », pensent surtout à celle des « classes moyennes ». Ils estiment que faire participer les personnes en situation de pauvreté prend beaucoup plus de temps. C’est vrai, mais c’est la condition pour faire véritablement changer des choses. L’objectif du croisement des savoirs est clairement politique : montrer que les choses doivent et peuvent changer, avec la participation de personnes dont, en général, on n’attend jamais aucun apport. » (Suzanne Rosenberg, formatrice)
« Notre Conseil général met en place le Projet pour l’enfant. Ce document précise les actions à mettre en œuvre afin de préserver l’intérêt de l’enfant dans sa famille et son environnement. Il prévoit aussi de recueillir la signature des parents en tant que co-responsables du projet. Dans cet esprit, nous voulons donner la possibilité aux parents et à leur enfant de pouvoir écrire leur point de vue. Cela soulève des questions et du scepticisme chez beaucoup de travailleurs sociaux qui soulignent que c’est justement leur rôle de retranscrire la parole des parents et des enfants, et qu’il faudrait plus de temps et d’outils pour pouvoir leur proposer d’écrire eux-mêmes. J’ai cherché sur Internet une méthode qui nous permettrait d’avancer sur ces questions. J’ai trouvé cette formation à l’animation du croisement des savoirs. Avec cette formation, j’ai appris qu’il était possible de faire travailler ensemble des travailleurs sociaux et des parents, même si leur relation est déséquilibrée a priori, du fait d’une relation aidant-aidé. J’ai appris aussi que, malgré notre formation et notre expérience, nous nous trouvons parfois loin de la réalité que les familles vivent et que, souvent, nous reformulons trop vite ce que nous croyons avoir compris des parents. Il est exigeant et laborieux de donner une vraie place aux parents et nous ne voyons pas comment faire concrètement. Durant la formation, un médecin de Chambéry a expliqué comment il avait organisé des co-formations entre des professionnels de santé et des personnes en situation de pauvreté. Cela nous a convaincus que c’était possible et que cela portait des fruits. » (Marguerite Kamara, conseillère technique à la Direction Enfance-famille du Conseil général des Côtes d’Armor)
Au Québec : des personnes en précarité co-chercheurs… c’est possible !
Le 16 octobre 2014 à Montréal (Québec), deux personnes en situation de pauvreté ont présenté devant une quarantaine de chercheurs, cliniciens et décideurs, avec deux chercheurs et une volontaire permanente d’ATD Quart Monde les résultats du projet « EQUIsanTÉ » auquel ils ont participé.
EQUIsanTÉ est un projet de recherche participative mené depuis 2011, impliquant des personnes en situation de pauvreté, des chercheurs et des professionnels de la santé, dans le but de réduire les inégalités d’accès aux soins et d’améliorer la relation entre les personnes en précarité et les équipes de soins. Peu de recherches s’intéressaient jusqu’alors à l’amélioration des pratiques pour relever ce défi, et encore moins en associant des personnes en précarité en tant que co-chercheurs du début à la fin du projet – et non pas seulement objets de recherche.
Cette recherche s’est appuyée sur la pédagogie du croisement des savoirs. Elle a identifié des barrières existant entre des équipes de soins et des personnes en précarité et a proposé des réponses pour les dépasser.
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