in IRDSU :
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Lancé en 2009 à l’initiative de l’IRDSU et d’ATD Quart Monde, le chantier « En associant leurs parents, tous les enfants peuvent réussir » est aujourd’hui à mi-parcours. Il agit pour renforcer la place et le rôle des familles, y compris les plus défavorisées, dans l’Ecole et le système éducatif, à partir d’une expérimentation dans une vingtaine de villes ou quartiers français (Agen, Bellegarde, Besançon, Le Blanc-Mesnil, Brest, Châteauroux, Courçon, Flers-Alençon, Guéret, Le Blanc, Nantes, Pierre-Bénite, Poitiers, Rennes, Tarbes, Tourcoing et Lorient), impliquant plusieurs centaines de parents, de professionnels, d’élus et de chercheurs.
Changer les postures professionnelles pour accroître le pouvoir d’agir des familles ; créer des espaces de rencontre entre parents et professionnels ; se former ensemble dans une logique de co-qualification ; valoriser la coopération comme moteur de la construction de l’action éducative au niveau local ; redonner du sens et du crédit à l’action collective,
tels sont les objectifs que se sont fixés les associations partenaires (L’Inter-Réseau des professionnels du Développement Social Urbain (IRDSU), ATD Quart-monde, la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE), la Fédération Générale des Pupilles de l’Enseignement Public (FGPEP), l’association de Promotion des Initiatives Sociales en Milieu Educatif (Prisme), l’Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels (ACEPP), et la Fédération des Centres sociaux et Socioculturels de France (FCSF).
Nous sommes convaincus que c’est en développant l’implication des familles, et en particulier de celles issues de milieux populaires, que nous améliorerons la situation des enfants et des jeunes sur un territoire. Il ne s’agit pas seulement de faire une place aux familles dans l’Ecole, mais bien qu’elles puissent toutes conquérir un pouvoir d’agir pour favoriser la réussite des enfants et des jeunes. Les parents sont tous capables de s’associer aux professionnels pour l’éducation de leurs enfants. Mais pour cela, des complémentarités sont à rechercher inlassablement. Se reconnaitre, se former mutuellement et agir ensemble sont autant de conditions à la réussite de tous les enfants.
Le « chantier » a été conçu comme une action-recherche. La mise en partage des expériences de terrains dans des séminaires annuels y tient une place importante. Plusieurs enseignements ont déjà pu être tirés, ils sont autant de propositions pour faire évoluer les pratiques et développer des relations de qualité entre les parents, l’Ecole et l’ensemble des acteurs du monde éducatif :
1. Travailler par groupes de pairs est essentiel pour garantir une vraie place à la parole des parents
La coopération entre acteurs éducatifs suppose de créer les conditions d’une relation plus équilibrée entre parents-professionnels-élus. Initié dans les séminaires nationaux du chantier, le travail par groupes de pairs s’est imposé comme un processus qui garantit une vraie place à la parole des parents en leur donnant du temps pour élaborer leur point de vue de manière collective avant de le confronter aux autres acteurs éducatifs. Cela facilite la participation des parents les plus exclus qui se trouvent plus à l’aise pour échanger avec leurs pairs dans un premier temps.
2. Reconnaitre l’importance des groupes de parents pour réduire la dissymétrie et créer des interactions avec les professionnels
Dans un environnement qui tend à privilégier les rapports individuels entre parents et institutions, la dimension du collectif s’affirme comme l’espace possible pour réduire la dissymétrie entre parents et professionnels. Le projet ne vise pas à former de « bons » parents selon une norme, un standard, mais bien à faciliter un cheminement personnel par l’engagement collectif. Cet engagement permet de se mettre à distance de sa propre situation pour comprendre et améliorer ses relations avec les autres acteurs éducatifs.
3. Créer des espaces tiers pour dépasser les « confrontations »
Les territoires sont des espaces permettant des échanges entre professionnels et familles. La Ville peut par exemple être une interface entre enseignants, parents et enfants. Sa participation au processus de discussion permet aussi de dépasser la dualité Ecole-familles et de prendre en compte la dimension sociale et urbaine qui entoure l’Ecole. L’inscription de la relation parents, professionnels, élus dans les projets éducatifs territoriaux est donc particulièrement importante.
4. Accorder une importance particulière, à l’écrit et au travail sur les mots
La coproduction des écrits favorise une conscientisation, une mise à distance et une réappropriation personnelle et collective. Elle permet d’appréhender la complexité et de garder des traces du chemin parcouru par chacun et par le groupe
L’association des familles est un facteur majeur de réussite de tous les élèves au sein de l’Ecole, notamment parce qu’un enfant ou un jeune sentant que ses parents sont reconnus par l’institution s’investit d’avantage dans sa scolarité. Pour que cette participation de toutes les familles, y compris les plus pauvres, soit effective, l’Ecole ainsi que les élus doivent se saisir de cette question sans plus attendre. Cela passe d’abord par la prise en compte de la relation parents-professionnels et de la diversité des familles dans la formation des enseignants. Cela demande aussi aux acteurs locaux de prendre en compte cette dimension de la participation des parents dans l’élaboration de leurs projets éducatifs territoriaux.
La dimension politique de ce projet nous semble importante à relever : En associant les parents les plus défavorisés, dans un territoire, avec tous les autres acteurs éducatifs, pour que l’avenir des enfants devienne l’affaire de tous, n’est-ce pas le chemin le plus sûr d’aller vers une vraie démocratie ?
Déjà, nous remarquons que les parents participant à ces diverses expérimentations locales témoignent des progrès constatés à l’Ecole ou dans leurs vies personnelles :
« Pendant les réunions, lors des rencontres parents professionnels à la Maison des parents, on s’est senti entendue lors de la nouvelle rédaction du règlement intérieur. Lors de nos échanges sur des expériences négatives… Des parents ont réagi aux synthèses affichées dans la salle d’accueil. On réalise mieux le rôle du groupe de parents ».
« Au conseil d’orientation, on a été écouté et on s’est aussi rendu compte de la réalité institutionnelle et économique »
« Cette participation apporte une affirmation de soi, une assurance pour aller parler à l’extérieur. »
« Elle apporte une connaissance sur certains sujets, sur des réseaux. »
Quel lien avec la refondation de l’école, quel apport de notre chantier à la Loi d’Orientation qui devrait voir le jour en 2012 ?
Notre chantier est une expérimentation concrète pour montrer que l’école, pour devenir plus équitable et faire réussir tous les enfants, ne peut s’enfermer sur elle-même, mais doit s’ouvrir aux autres acteurs de l’éducation, pour devenir une maison des savoirs et de l’éducation.
Elle doit s’associer en premier aux familles, et notamment les plus éloignées de sa culture, pour prendre en compte et valoriser tous les savoirs et compétences.
Elle a besoin de tous les partenaires éducatifs pour y parvenir.
Cela suppose que tous les acteurs se forment pour croiser leurs savoirs et compétences, et coopérer pour la réussite de tous les enfants. D’où l’importance d’une véritable formation des enseignants et des professionnels de l’éducation, en ce qui concerne les relations aux familles et le partenariat. Tout ceci doit prendre forme dans des projets éducatifs et sociaux territoriaux, élaborés avec l’Education nationale à égalité avec les autres partenaires éducatifs, notamment les collectivités locales.
Notre chantier entend bien contribuer à ce que la Loi d’Orientation sur l’Ecole serve à ce que tous les enfants trouvent vraiment leur place à l’école et deviennent de vrais citoyens, qui s’impliqueront à leur tour pour faire vivre la démocratie.