Avant de « rentrer dans le rang » du cadrage proposé pour l’atelier « une vie scolaire qui promeut la citoyenneté, dans lequel nous nous sommes sentis quelque peu « à l’étroit », DEI-France tient à réaffirmer l’importance d’une approche globale de l’éducation à la citoyenneté et souhaite que toutes les conséquences en soient tirées, dans cet atelier tout autant que dans le reste de la concertation et de ses autres ateliers.
I/ Conserver une vision globale de l’éducation à la citoyenneté
I a/ Un rôle primordial pour l’Ecole en matière d’éducation à la citoyenneté, mais dans une approche plus globale de co-éducation avec tous les autres acteurs
L’Ecole de la République joue évidemment un rôle primordial dans l’éducation du citoyen : étant l’un des premiers lieux de socialisation de tous les enfants ensemble, elle porte une responsabilité particulière dans l’atteinte de l’une des finalités essentielles de l’éducation définies dans la Convention des droits de l’enfant : offrir à l‘enfant « un maximum de chances de participer pleinement et de façon responsable à la vie d’une société libre »
1. Il est important que la refondation vienne le rappeler tant l’institution a eu tendance souvent à rejeter sur la sphère familiale en termes de défauts d’éducation, la responsabilité des incivilités voire des violences, du non respect des règles de la vie en commun – en réduisant au passage la citoyenneté à la civilité et au respect des règles.
Cependant cette éducation à la citoyenneté ne peut se construire que dans un cadre d’éducation englobant plus largement dans une démarche de co-éducation aussi bien les familles – à commencer par les enfants eux-mêmes – que l’ensemble des autres acteurs éducatifs autour de l’enfant : associations d’éducation populaire, centres de loisirs, clubs de sports, collectivités territoriales etc
. Il s’agit de donner à voir aux enfants que la société n’est pas une juxtaposition de systèmes qui s’ignorent et ont chacun leurs propres règles, mais se construit bien par le dialogue de toutes ces structures entre elles avec un objectif : le bien-être de tous, à commencer par le leur, celui des enfants. C’est bien ce vers quoi tendent les propositions de l’Appel de Bobigny auquel DEI a participé.
Il est donc indispensable que la loi d’orientation à venir situe d’emblée l’institution scolaire dans un contexte éducatif plus large impliquant tous les acteurs dans des démarches de projet éducatifs locaux s’inscrivant dans un cadre national global
I b/ Au sein de l’Ecole, d’autres leviers d’éducation à la citoyenneté que la seule « vie scolaire »
Ceci a bien été rappelé en introduction de l’atelier par Eric Prairat, mais DEI-France réinsiste sur l’importance à ce que les autres leviers soient étudiés dans les autres ateliers de la concertation et dûment pris en compte dans la loi d’orientation, en particulier :
1 1ère observation générale du Comité des droits de l’enfant sur les buts de l’éducation. § 12.
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• Dans le contenu des enseignements du socle commun, il est impératif d’ajouter, dans un but de construction du jugement aussi bien que de bagage nécessaire à tout futur citoyen, une éducation juridique et civique dès le primaire 2:
qu’est-ce que le droit ? A quoi sert-il dans une société ? Quels sont ses liens avec les valeurs de liberté, d’égalité ? Comment se construit-il dans une société démocratique ? Que sont les droits humains et particulièrement ceux des enfants ? Un minimum de connaissance du droit civil, du droit de la famille et de ses grands principes, mais aussi du droit pénal semble aussi important
en fin de scolarité obligatoire que la maîtrise de la langue, l’acquisition d’un bagage fondamental en histoire… ou un minimum de compréhension des mécanismes économiques : « nul n’est censé ignorer la loi », dit-on… mais seuls ceux qui ont fait des études supérieures de droit la connaissent – et encore ! Il faut en finir avec cette absurdité.
• DEI-France appuie également fortement – elle l’a à plusieurs reprises déjà signalé dans les débats du groupe 2 – la dynamique de projets comme levier essentiel de l’éducation à la citoyenneté. Il s’agit donc que la refondation en tire toutes les conséquences pour l’institution scolaire, en particulier :
– Prévoir dans l’organisation du temps scolaire des activités de projets – projets de classe, projets inter-classes, projets inter-âges, projets avec l’extérieur de l’établissement scolaire, qui sont bien mieux à même de développer les compétences citoyennes actives que les temps d’enseignement au sens classique ;
– Prévoir des temps de construction du projet d’orientation de chaque élève où celui-ci, accompagné de sa famille et des personnels scolaires, soit véritablement acteur et décideur de son projet d’études ;
– Prévoir une autonomie suffisante des établissements scolaires (y compris les écoles ou groupes d’écoles dans le primaire) pour permettre de décliner un véritable projet d’établissement adapté au contexte local, dans le respect du cadre national ; prévoir un temps de lecture de ce projet aux personnels souhaitant rejoindre l’établissement ;
– Prévoir des temps de travail des personnels scolaires pour s’investir, avec les collectivités territoriales et l’ensemble des acteurs locaux de l’éducation, dans la construction de projets locaux d’éducation ;
– Prévoir dans l’ensemble de ces projets d’associer, dès la conception et jusqu’à l’évaluation, aussi bien les enfants que leurs parents.
I c/ Plus généralement, un véritable effort de démocratisation au sein de l’Ecole
Il a été affirmé d’entrée de jeu dans l’atelier que « l’Ecole n’est pas une démocratie » ; cette affirmation mériterait d’être questionnée : certes aujourd’hui les élèves n’élisent pas leur professeurs ni leurs chefs d’établissement mais est-il exclu à ce point qu’ils participent un jour, au titre de l’article
12 de la Convention des droits de l’enfant, avec leurs parents au titre de l’article 5 qui fait d’eux les premiers garants des droits de leurs enfants, à la désignation de ceux qui vont diriger ou administrer leurs établissements, ou encore à la définition de ce qu’on va leur apprendre ou du comment de ces apprentissages ?
2 DEI-France propose une réflexion sur ce que pourrait être cette éducation juridique et civique, en particulier avec le texte de Marie-Martine Bernard issu du Journal du droit des jeunes et réactualisé que l’on trouvera sur :
http://www.dei-france.net – rubrique mobilisations collectives /refonder l’Ecole de la République
3 Quoi qu’il en soit, si l’Ecole n’est pas une démocratie, il n’empêche qu’elle doit dès maintenant être le premier lieu d’exercice et d’apprentissage concret de la démocratie. La refondation doit là aussi prendre pleinement en compte cette exigence. Comme l’explique le texte de Frédéric Jésu en annexe, au delà de la consécration universelle de droits spécifiques des enfants à être protégés et éduqués, la Convention apporte une dimension nouvelle qui n’est autre que l’extension adaptée aux enfants des
principes de liberté et d’égalité, avec des droits d’expression, de participation à ce qui les concerne, d’émancipation progressive ; des droits « politiques » ou « citoyens » sur leur territoire de vie. On en est encore loin car c’est une nouvelle vision de l’enfant qui est proposée là et à laquelle ne se sont pas encore résolus nombre d’éducateurs.
Le temps n’est pas si loin non plus où l’Ecole, au motif d’une relation éducative fondée sur un décalage de statut entre éducateur et éduqué, relation qui se déclinait souvent en termes de pouvoir de l’éducateur sur l’éduqué, était encore une zone de non droit où l’élève était à la merci des abus de pouvoir des personnels scolaires.
C’est pourquoi, sans réduire la relation éducative à une relation juridique, sans judiciariser à outrance l’Ecole, DEI-France persiste à penser que la démocratisation voulue par la CIDE dans les relations enfants-adultes demande d’inscrire plus que jamais l’institution scolaire dans un cadre juridique, et tout particulièrement d’exiger de celle-ci le respect du droit international et des grands principes généraux du droit.
II/ Pour une vie scolaire qui promeut la citoyenneté
II a : Définition de la notion de « vie scolaire »
La définition proposée en ouverture de l’atelier a été la suivante : la vie scolaire est l’ensemble des dispositifs et des modalités qui organisent et structurent la vie des élèves dans les établissements des
1er et 2nd degrés.
DEI-France approuve le fait que la définition avancée pour la vie scolaire englobe également les dispositifs et modalités de vie des élèves pendant les heures d’enseignement et qu’elle concerne également le premier degré – alors que jusqu’à présent on en parle plutôt dans le second.
Cependant, nous suggèrons que cette notion de vie scolaire soit étendue à toutes les personnes présentes au sein des établissements – et pas seulement les élèves – comme cela a d’ailleurs été proposé pour le règlement intérieur ; la vie scolaire serait donc la vie de l’ensemble de la communauté scolaire au sein des établissements et non la vie des écoliers seulement. En effet, ce que les adultes donnent à voir aux enfants dans la façon dont ils vivent à l’Ecole est particulièrement important dans
l’éducation à la citoyenneté de ces derniers.
Venons en aux 5 chantiers proposés dans l’atelier :
II b/ Les 5 chantiers proposés
II b-1 / Les instances représentatives
5 propositions ont été faites :
Dans le second degré
• un Conseil de vie de classe, régulier et pouvant être réuni également à la demande des élèves
(qui remplacera l’heure de vie de classe)
• un Conseil de vie collégienne
Dans le premier degré
• un Conseil de vie de classe dès le CP, régulier (toutes les 2 semaines)
• un Conseil de vie d’école avec 2 délégués par classe (réunion 3 fois par an)
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De plus un CESC proposera un parcours d’éducation à la santé et à la citoyenneté tout au long de la scolarité
DEI-France ne peut qu’approuver les 4 premières propositions qui confortent l’apprentissage de la démocratie, tant participative que représentative.
Pour autant, ces nouveaux dispositifs ne permettront de promouvoir réellement l’éducation à la citoyenneté qu’à certaines conditions :
• si les conditions d’une réelle représentation de tous les élèves sont réunies, en particulier un taux de participation élevé aux élections des représentants au Conseil de vie collégienne et une formation des délégués ; une représentation « tournante » peut aussi être envisagée ;
• si les conditions sont créées pour une réelle expression des jeunes, car il ne suffit pas de la décréter ;
• si ces dispositifs permettent aux enfants d’aborder tous les sujets qui les concernent dans
l’établissement sans restriction ;
• si les conclusions et propositions que les élèves y élaborent ne restent pas lettre morte. Les jeunes s’en détourneront s’ils sentent, comme cela a été souligné dans l’atelier, que ces structures n’ont pas de légitimité aux yeux des adultes ni de réel pouvoir de changer les conditions de la vie scolaire, si leur opinion n’est pas « dûment prise en considération » par les
adultes comme le demande l’article 12 de la Convention.
Comme proposé dans le document en annexe, il s’agit plus globalement de la mise en application réelle et circonstanciée de l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui reconnaît à tout enfant, selon son âge et son degré de discernement, le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question le concernant et de voir celle-ci prise en considération ;
Quant à la cinquième proposition (CESC), encore faudrait-il que leur création ne reste pas sur le papier, qu’ils soient effectivement des structures vivantes où les enfants et les jeunes participent eux-mêmes au choix des projets et des méthodes de mise en oeuvre qui correspondent à leurs attentes.
II b-2/ la communauté scolaire et le règlement intérieur
Comme indiqué dans le document en annexe, DEI-France propose d’ouvrir le chantier de « l’élaboration participative de règlements intérieurs des établissements scolaires aux contenus équilibrés (c’est-àdire faisant état tant des droits que des obligations, tant des enfants que des adultes (…) » DEI-France rejoint donc les propositions qui ont été faites :
• D’élaborer une charte (déontologie, valeurs) pour tous les professionnels intervenant dans les établissements, qu’ils soient débutants ou confirmés dans le métier. Cette charte devrait être assise, entre autres, sur les obligations de l’Etat- et par conséquent de tous les professionnels
intervenant dans les établissements publics ou conventionnés – telles qu’elles sont définis dans la CIDE : en particulier celle de prendre des décisions en ayant l’intérêt supérieur de l‘enfant (ou des enfants) comme considération primordiale et celle de créer les conditions pour que l’enfant puisse exprimer son opinion et de prendre celle-ci dûment en considération.
• d’inclure dans un règlement unique les règles applicables aux adultes comme aux enfants afin de donner à voir aux élèves que les adultes sont eux aussi inscrits dans une dialectique droits/obligations et qu’ils sont inscrits dans une égale dignité humaine.
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• de référencer clairement dans les règlements intérieurs les droits des élèves à la CIDE ;
• de rappeler l’égalité filles garçons et le refus de toute discrimination, qui découle là aussi de l’article 2 de la CIDE
• de donner plus de consistance à la communauté scolaire en en faisant un projet dans le projet d’établissement.
Nous insistons sur l’obligation, de surcroît, pour une bonne appropriation du règlement intérieur par
tous :
• de son élaboration et de sa révision collective impliquant les enfants, leurs familles et tous les personnels : c’est là un exercice authentique d’éducation à la citoyenneté en ce sens qu’il prépare l’exercice du pouvoir législatif dans nos sociétés démocratiques.
Quant au fait de donner plus de consistance à la communauté scolaire, on pourrait aussi proposer :
• qu’en dehors du respect par tous – adultes compris – du règlement intérieur, en plus de la formation aux références et obligations communes découlant de la CIDE (cf infra), les personnels de toutes catégories et les parents soient invités à développer certaines postures co-éducatives : respect mutuel entre personnels des différentes catégories, respect mutuel avec les élèves, instauration de relations de confiance avec les familles, partage de références communes, coopération et solidarité, reconnaissance du rôle, de l’expertise et des limites de chacun, exemplarité dans les comportements citoyens des adultes (même s’il est nécessaire dans le même temps de déconstruire le mythe de l’infaillibilité de l’adulte au yeux des enfants).
• Ces postures peuvent souvent être développées dans le cadre de « formations » communes aux différentes catégories d’adultes de la communauté éducative, ou de mise en oeuvre de projets dans l’établissement.
II b-3/ Le socle commun et la morale civique – évaluation des compétences civiques
Il a été proposé :
• de supprimer la note de vie scolaire ;
• de clarifier et rendre lisibles les compétences civiques et sociales des piliers 6 et 7 du socle commun et de définir comment les évaluer
• d’affirmer l’importance de la morale civique (laïque ?) et revoir la circulaire d’août 2011 DEI-France militant pour la suppression des notes dans toutes les disciplines, la première proposition recueillera doublement notre approbation.
Concernant l’enseignement d’une « morale laïque », outre que cette annonce s’est accompagnée de termes malheureux de « redressement intellectuel moral » et malgré le discours selon lequel la morale laïque permettrait de s’émanciper des déterminismes et d’accéder à une réelle liberté de choix pour un citoyen éclairé, nous proposons d’abandonner le terme de morale pour celui d’éthique.
Les morales apportent des règles qui sont autant de réponses, dans chaque contexte particulier, à des questions éthiques fondamentales. L’éthique, elle, est de l’ordre du questionnement universel. Les générations futures auront à réinventer des morales adaptées aux contextes qu’il vivront et qui ne sont plus ceux de l’Ecole de Jules Ferry. Donnons leur l’accès à ces questionnements éthiques, fondés notamment sur les droits de l’homme – et ceux de l’enfant – plutôt qu’à des règles morales, même s’il est important qu’ils sachent comment la République française a traduit ces principes à un moment donné en s’inscrivant dans la laïcité
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Plus qu’une morale laïque, DEI-France pense important de prévoir dans le socle commun une éducation à l’éthique – et en particulier aux droits humains universels, et une éducation juridique comme noté cidessus.
II b-4 / L’ordre scolaire et les sanctions Comme indiqué dans le document en annexe, le règlement intérieur doit prévoir « notamment, en cas de transgressions, des modalités transparentes d’évaluation et de gestion de celles-ci, et des sanctions justes, proportionnées, éducatives et respectueuses des principes généraux du droit ».
Il a été proposé de modifier la circulaire d’août 2011 et les textes complémentaires de 2012 pour supprimer l’automaticité de la saisine du conseil de discipline : DEI-France ne peut qu’approuver cette mesure, l’automaticité étant contraire au principe général d’individualisation des peines en droit.
La question de la suppression de l’obligation de motiver par écrit toute sanction – disposition jugée trop contraignante et non réalisable – a également été soulevée. DEI-France réfute cette proposition.
Il est impératif de rester dans les principes généraux du droit : même si la sanction dans le cadre d’une relation éducative passe essentiellement par l’explication orale, il serait contre productif de laisser croire aux enfants que l’Ecole peut être une zone de non droit. Sans être réduite à sa seule dimension juridique, la relation éducative ne peut pas pour autant s’en exonérer.
Ici, il est surtout essentiel de revoir les pratiques d’exclusion (de cours, de l’établissement) qui ne contribuent pas à la résolution des problèmes mais enferment l’enfant dans un cercle vicieux qui peut le mener jusqu’au décrochage scolaire complet, avec des perspectives d’exclusion sociale.
• Des pratiques de sanctions réparatrices et inclusives doivent donc impérativement venir remplacer les exclusions physiques.
II b-5/ Curriculum et formation des enseignants
Il est impératif du point de vue de DEI-France, de prévoir :
• La formation de tous les personnels scolaires, et particulièrement les enseignants, au cadre éthique et juridique que constitue la Convention des droits de l’enfant ; il en découle des obligations dans leurs fonctions d’éducateurs promoteurs de la citoyenneté, tout particulièrement dans la mise en oeuvre concrète des droits au respect, à l’information, à la
participation des élèves et à l’exercice progressif de leurs libertés.
II c/ D’autres chantiers nécessaires aussi dans le cadre de la vie scolaire :
Il serait cependant dommage de limiter l’éducation à la citoyenneté dans le cadre de la vie scolaire à une vision purement politique (pratiques politiques démocratiques) ou civique (respect des règles) comme déclinée ci-dessus. Il convient de lui ajouter une dimension de responsabilisation sociale :
L’exercice progressif de la citoyenneté – au sens large de la solidarité et de la recherche du bien commun – peut également passer, hors tout exercice de démocratie formelle comme ci-dessus :
• par l’utilisation de pédagogies coopératives dans les apprentissages formels
• par la mise en oeuvre de projets collectifs
• par le fait de favoriser l’entraide aussi bien dans les apprentissages que dans la vie au sein de l’établissement (à l’occasion de l’accueil d’enfants en situation de handicap par exemple)
• par la mise en place d’élèves médiateurs.
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CONCLUSION
La promotion active de la citoyenneté dans l’Ecole – dont nous pensons à DEI qu’elle n’est fondamentalement possible que dans le cadre d’une vraie démocratisation des relations adultes –élèves dans les établissements et de leur fonctionnement institutionnel – appelle aussi un changement de paradigme de la notion d’autorité. Bien loin d’une vision passéiste autoritaire basée sur une différence de statut adulte/ enfant ou éducateur/éduqué qui induirait un pouvoir de l’un sur l’autre, il s’agit
d’entrer dans une relation de confiance où l’enfant accordera l’autorité à l’adulte car il saura que celu-ici
– tout en le protégeant et l’éduquant – l’accompagne dans une émancipation et des prises de risques progressives. A l’occasion de cette refondation, Nous mettons l’Ecole – ainsi que tous les autres éducateurs à commencer par les parents – au défi de relever ces nouvelles postures auxquelles nous appelle la Convention internationale des droits de l’enfant. Tous les membres de la communauté scolaire ont à y gagner.
PJ ANNEXE : Mieux faire connaître et appliquer enfin la Convention Internationale des droits de l’enfant dans les établissements scolaires par Frédéric JESU
On pourra aussi se référer à des textes complémentaires sur la page du site de DEI-France dédiée à la refondation :
http://www.dei-france.net – rubrique mobilisations collectives /refonder l’Ecole de la République
DEI-France est la section française de Défense des Enfants International, ONG habilitée auprès des Nations
Unies qui promeut la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Elle milite, de façon globale et pluridisciplinaire, pour le respect des droits de tous les enfants à être éduqués, protégés, mais aussi à pouvoir participer à leur éducation et à exercer progressivement leurs libertés.
DEI-France, 41 rue de la République, 93200 Saint-Denis
courriel : contact@dei-france.org – site: www.dei-france.org / www.dei-France.net
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ANNEXE :
MIEUX FAIRE CONNAITRE ET APPLIQUER ENFIN LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT DANS LES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES
DEI-France considère que la ratification par la France, en octobre 1990, de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée le 20 novembre 1989 par l’Assemblée générale de l’ONU constitue tout à la fois :
– une avancée radicale en matière de reconnaissance et d’exercice précoces des droits de l’homme, tant formels que réels ;
– un puissant levier de mobilisation conjointe, en ce sens, de l’ensemble des acteurs de l’éducation (et notamment des parents, mais aussi des enfants et des jeunes eux-mêmes) ;
– une formidable source d’inspiration de politiques publiques porteuses de progrès éducatif et social, et visant l’ensemble des espaces et des temps de vie des enfants et des jeunes.
Ce texte, conçu et promu au rang de référentiel juridique supranational, exprime une approche trop rare de la mondialisation : harmonisant les valeurs par le haut, il invite chacun des détenteurs des droits qui en résultent à se les approprier, individuellement et collectivement, à l’échelle de son cadre de vie – par exemple à celle de l’établissement scolaire. Il confère en l’espèce aux enfants et aux jeunes de toutes conditions un ensemble de droits cohérents et complémentaires : à la protection, au
respect et au bien-être, ce qui est essentiel ; mais aussi à l’expression, à la participation et à l’émancipation, ce qui ne l’est pas moins.
Les uns et les autres de ces droits se renforcent mutuellement, mais ils sont loin sinon d’être reconnus du moins d’être concrétisés dans la vie courante des institutions. Depuis plus de dix ans, en France, et notamment depuis 2007, non seulement l’applicabilité de la CIDE dans le droit interne ne progresse guère, mais les gouvernements et les majorités parlementaires qui se sont succédés en ont bafoué à de multiples reprises tant l’esprit que la lettre, y compris en se refusant à en assurer la diffusion, la connaissance et la pédagogie active pourtant prévues par l’article 423.
DEI-France entend bien au contraire agir sans trêve pour faire respecter et faire appliquer en tous lieux, et notamment dans les établissements scolaires, avec le concours de la communauté éducative, l’ensemble des « droits politiques » reconnus par la CIDE aux enfants et aux jeunes, et notamment : le droit d’expression individuelle et collective, de voir cette expression dûment prise en compte et d’être partie prenante aux décisions qui le concernent selon l’âge et le degré de discernement (art. 12, 13 et
15), le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 14 et 30), le droit d’être protégé des immixtions arbitraires dans la vie privée (art. 16), le droit d’accéder à une information diversifiée et visant à promouvoir le bien-être physique, mental et social (art. 17), enfin le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à l’âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique.
Les visées et les engagements de DEI-France concernent tout autant les « droits sociaux » et leur reconnaissance effective dans et autour des établissements scolaires : le droit à une famille ou à une protection familiale (art. 8, 9, 10, 20 et 21), le droit à l’éducation notamment scolaire (art. 28 et 29), le droit à la santé et à la délivrance de soins de santé (art. 24 et 25), le droit d’accès personnel et familial aux prestations et aux services sociaux (art. 18, 26 et 27), le droit à une série d’aides adaptées
3 Art. 42 : « Les Etats parties s’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants. »
9 en cas de handicap (art. 23), enfin le droit d’être protégé de toutes formes et sources de violences, négligences, mauvais traitements et exploitations (art. 19 et 32 à 37).
C’est à l’aune de ces ambitions que DEI-France formule le voeu que les concertations initiées par les pouvoirs publics contribuent à un développement substantiel des principes et des pratiques démocratiques dans les écoles, les collèges et les lycées.
Deux chantiers prioritaires devraient être dores et déjà ouverts, sans préjudice de l’opportunité d’en ouvrir d’autres :
– la mise en application réelle et circonstanciée de l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui reconnaît à tout enfant, selon son âge et son degré de discernement, le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question le concernant et de voir celle-ci prise en considération ;
– l’élaboration participative de règlements intérieurs des établissements scolaires aux contenus équilibrés (c’est-à-dire faisant état tant des droits que des devoirs, tant des enfants que des adultes) et prévoyant notamment, en cas de transgressions, des modalités transparentes d’évaluation et de gestion de celles-ci, et des sanctions justes, proportionnées, éducatives et
respectueuses des principes généraux du droit.
A cet effet, une refonte – et pas seulement une réforme superficielle – du Code de l’éducation pourrait être envisagée. Le Code de l’éducation ne peut plus se cantonner à rester un timide recueil de la réglementation scolaire en vigueur, mais traduire dans le droit les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant telles qu’applicables dans la vie scolaire et au delà. Le Code de l’éducation doit notamment prendre en considération la globalité de la personne de l’enfant ou du jeune,
et pas seulement ce qu’elle désigne sous le nom d’« élève » pour résumer et limiter ses compétences juridiques à son égard. Comme le souligne la FCPE, « si l’Ecole a pour mission d’élever le niveau de connaissances, de compétences et d’offrir des qualifications aux jeunes de notre pays, elle doit aussi leur permettre d’acquérir autonomie et esprit critique pour devenir des citoyens libres et éclairés ».
Il ne suffit donc pas de réduire la connaissance des fondements historiques, théoriques et pratiques de la démocratie et la découverte de la citoyenneté de l’enfant et du jeune à de « simples » contenus, parmi d’autres, des apprentissages scolaires. Il faut aussi et surtout en rendre désirable, possible et effectif l’exercice au quotidien. Et il faut le faire, dans un souci de cohérence et de continuité, au sein des univers scolaires comme des univers dits « périscolaires » et « extrascolaires », et tout autant par
la connaissance du droit que par les modalités concrètes de son application au sein de l’ensemble de ces communautés éducatives.
(Frédéric Jésu)