Compte-rendu de la réunion du 22 Septembre du groupe de travail. « Contre la criminalisation des familles » . Réunion AITEC
Par Fabienne Messica
état des lieux
Les mobilisations de l’hiver et du printemps dernier n’ont pas eu les résultats escomptés sinon en termes de mise en réseau. La visibilité actuelle du mouvement est faible. Beaucoup de militants se demandent quoi faire, comment. Le mouvement des éducateurs de rue se poursuit et plusieurs réunions sont prévues au mois d’octobre : outre le refus du projet de loi Perben, le mouvement est axé sur la défense des mineurs étrangers et la lutte contre les nouvelles mesures qui les visent. Le groupe s’associera aux prochaines réunions.
Porter cette question de la criminalisation des familles auprès des fédérations de Parents d’élèves (organisation de débats), des structures de l’éducation populaire et auprès des organisations féministes. Ces propositions sont guidées par le constat que la responsabilisation et pénalisation des familles s’inscrivent dans un mouvement de restauration qui met en cause les évolutions de la société en termes de libération de la femme, de remise en cause du modèle patriarcal et de promotion de conceptions plus émancipatrices de l’éducation.
Débat sur la question de la place de la famille dans les évolutions actuelles
La place de la famille dans ces évolutions fait toujours l’objet d’un débat. Ce terme gêne, il renvoie soit à un impensé politique, soit à des considérations morales. Michel Chauvière rappelle les acquis de la Révolution française, en particulier la suppression des corps intermédiaires parmi lesquels la famille : l’actuelle valorisation et responsabilisation des familles serait en recul par rapport à la vision républicaine. Cette figure de la famille omniprésente dans les débats, à la télévision, dans les discours est valorisée en contradiction avec la vision républicaine qui s’est construite par l’abolition du pouvoir des corps intermédiaires dont la famille. Cependant, si l’ensemble du groupe partage l’idée que le recours à des valeurs familialistes comme la responsabilisation/pénalisation des parents traduisent un désengagement des institutions et de la société en général vis- à – vis de la prise en charge sociale et éducative, tous ne font pas la même analyse de ce que doit être la place de la famille et des individus qui la composent en tant « qu’usagers » des services publics.
Les divergences de fond renvoient principalement à quatre questions :
 Celle de la liberté individuelle, de l’autonomie et de la place de la famille dans les différentes théories politiques. La pensée progressiste a relégué la famille dans des définitions à tout le moins insuffisantes : lieu d’aliénation, cellule de reproduction de l’ordre politique et social, lieu pathogène. S’opposent sur cette question ceux qui considèrent la famille essentiellement sous l’angle de l’institution donc d’une structure politique ; et ceux qui, au contraire, estiment que la famille est bien objet d’une politique qu’il faut analyser mais qu’elle n’est pas, surtout dans sa forme actuelle, un relais de l’Etat, une institution politique proprement dite, d’autant plus qu’elle se forme et forme des liens sur le principe des affinités électives (l’amour, le désir d’enfants), d’où d’ailleurs son instabilité. Le recours actuel à la responsabilité parentale dissout l’individu (le sujet libre) qui disparaît derrière l’unité indifférenciée de la famille : mais la réponse au mouvement de restauration d’une famille patriarcale, autoritaire, responsable, « communautaire» , solidaire à la place de la société ne peut pas faire l’impasse sur une réflexion renouvelée sur la construction de l’individu, le libre-arbitre, ce qu’est un sujet libre en particulier par rapport aux déterminations familiales et socio-économiques, enfin sur le rôle que jouent la famille, la communauté, le quartier dans l’intégration à la société.
 Celle de la place des usagers : en matière de protection de l’enfance et d’éducation, qui sont les usagers ? Les parents ou les enfants ? Le droit des usagers participe-il à une délégitimation des professionnels ? Le débat est particulièrement confus sur ces questions car il touche à la question des légitimités (y compris celle des professionnels de l’intervention socio-éducative). En tous les cas, il y a beaucoup d’interrogations mais aussi de dissensions, y compris sur la place des parents à l’école. Le terme « usager » est d’ailleurs ambigu parce qu’il provoque d’emblée une suspicion de « consumérisme » donc d’illégitimité. Des expériences locales modestes d’implication de parents d’élèves sans papiers dans les associations de parents d’élèves sont citées pour montrer qu’il y a un enjeu d’intégration et de participation citoyenne autour de la question de l’éducation et de l’école. Le thème de la place des usagers s’oriente vers la question de la participation des habitants, jugée très décevante par certains et favorable à une vision sécuritaire dominante dans les comités de quartier par exemple. En partant de la famille, le débat s’élargit très vite aux quartiers, à la participation, aux légitimités politiques (élus), des professionnels, des « usagers » ou publics, à question de la décentralisation : sur l’ensemble de ces questions, les expériences, constats et perceptions sont contradictoires.
Une discussion a lieu sur la question de l’espace privé et l’espace public. La protection de l’espace privé n’entre t-elle pas en contradiction avec la protection de l’enfance ? Mais le regard sur cette question par la protection de l’enfance n’est-il pas biaisé ?
 Celle du droit des enfants et dans ce contexte, du caractère démocratique ou pas de la famille. Sur ce sujet, il y a débat puisque théoriquement, l’avis des enfants doit être pris en compte sur toute décision qui les concerne en fonction de leur degré de discernement mais on ne peut pas pour autant considérer que les individus, au sein de la famille sont égaux : ce sont les parents qui sont responsables, ce sont eux et les institutions si nécessaire qui prennent les décisions.
 Celle de la pertinence du concept de famille étudiée sous l’angle du droit :les sujets de droits sont les parents et les enfants (grands parents et petits-enfants, cf. « obligation alimentaire ») mais pas la famille.
« Dans les années 70 remarque Dominique Labous, on ne parlait plus de la famille, la famille c’était fini ».
En réaction à cette remarque, on conclut qu’il s’agit bien de repenser cette question de la famille et de sa criminalisation, en lien avec la question de l’émancipation.
En conclusion, il est décidé de prendre des contacts avec les Fédérations de parents d’élèves et les organisations féministes et d’organiser des débats.