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Mardi 30 octobre 2012
– Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente –
Loi de finances pour 2013 – Audition de M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, et de Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative
La commission procède à l’audition de M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, et de Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative, sur le projet de loi de finances pour 2013.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Je souhaite la bienvenue aux ministres ainsi qu’à notre collègue Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. – Je suis heureux de vous présenter, avec George Pau-Langevin, le budget de l’année 2013, même si nous avons déjà eu l’occasion de nous rencontrer récemment. Je me réjouis en outre, compte tenu des événements récents, que vous receviez prochainement Éric Debarbieux, à qui a été confiée la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire.
Ce budget est cohérent avec la loi de finances rectificative adoptée en juillet dernier. Il concrétise la priorité donnée à l’éducation nationale annoncée par le Président de la République. En effet, grâce à la concertation achevée il y a moins d’un mois, permise par l’implication de beaucoup d’entre vous au-delà des clivages politiques traditionnels, le chef de l’État a fixé le cap des années à venir et confirmé la priorité budgétaire en faveur de l’éducation. Il était temps, car depuis des années, l’éducation nationale a souffert d’un abandon matériel, intellectuel et moral. Il nous faut désormais la replacer au coeur de la République.
Ainsi, le budget de l’éducation nationale s’élève désormais à 62,7 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 2,92 %. Hors charges de pension, cela signifie une progression de 0,6 % pour l’année 2013, soit 280 millions d’euros. L’état des finances publiques impose de stabiliser les dépenses de l’État en valeur : nous envoyons dès lors un signal fort.
Le Sénat avait eu la primeur de l’annonce de 43 000 recrutements d’enseignants en 2013. Ces postes seront créés par la voie du concours normal, pour lequel la période d’inscription vient de s’achever, mais également par la voie d’un concours exceptionnel, pour lequel les inscriptions auront lieu après Noël, dans la perspective d’un recrutement en juin. Ce second concours est nécessaire. Il est paradoxal que ces recrutements aient suscité une polémique, alors que je reçois sans cesse de nouvelles demandes sur les postes de réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), sur la formation des enseignants ou sur les disciplines déficitaires. La France manque d’enseignants, c’est une réalité cruelle. Notre taux d’encadrement, surtout dans le primaire, est faible et se détériore depuis des années. Il nous faut en même temps recomposer la formation des enseignants : c’est l’ambition des écoles supérieures du professorat et de l’éducation d’une part ; de l’organisation d’autre part, à l’attention des enseignants reçus dès le mois de juin prochain à ce second concours, d’une année de formation rémunérée à hauteur de 900 à 1 000 euros, incluant une présence sur le terrain de six heures seulement. Cela correspond à la création pour cette année de 8 281 postes, auxquels nous rajoutons 500 postes de non-enseignants.
Le budget pour 2013 s’inscrit dans une programmation triennale, afin d’asseoir notre action dans la durée. Plus que toute autre politique publique, la nôtre a besoin de temps, de sérénité et de persévérance. Le budget de l’éducation nationale augmentera encore de près de 400 millions d’euros en 2014 et de 500 millions d’euros en 2015. La consommation des moyens est essentiellement consacrée à la mise en place de cette nouvelle formation des enseignants. Votre collègue Jean-Pierre Chevènement me confirmait encore tout à l’heure au téléphone qu’il s’agissait de l’élément le plus fondamental de la loi d’orientation et de programmation dont nous aurons à discuter prochainement.
Les moyens qui ne concernent pas les postes de professeurs sont majoritairement consacrés aux auxiliaires de vie scolaire, dont la mission consiste à aider les enfants atteints de handicap. Afin de respecter notre promesse républicaine et de reconstituer notre vivier de recrutement, ce budget prévoit crée 6 000 emplois d’avenir professeurs dès la rentrée de janvier. Il en sera créé autant en 2014 et en 2015, à condition que nous puissions pérenniser ce dispositif dans notre budget. Au titre de 2013, 31 millions d’euros lui sont consacrés.
Pour la rentrée 2013, en dehors de la reconstitution de la formation des professeurs, les créations de postes seront ciblées selon les priorités affichées depuis le début et partagées par tous : d’une part, sur l’accueil des enfants de moins de 3 ans, pour lequel une attention particulière sera portée aux zones urbaines ou rurales connaissant les tensions les plus vives ; d’autre part, sur la transformation pédagogique, qui consiste à disposer de plus de maîtres que de classes. Ce principe, mis en place dès la rentrée en fonction des moyens disponibles, sera également ciblé sur les zones en difficulté.
Les crédits d’intervention du ministère sont préservés. Ils financeront à hauteur de 539 millions d’euros, soit 15 % de plus que l’année précédente, les bourses nationales d’études destinées aux familles défavorisées dont les enfants sont inscrits dans un établissement du second degré. Les fonds sociaux sont maintenus au niveau de la loi de finances pour 2012, qui les créditait de 30 millions d’euros. Les crédits dédiés à l’assistance éducative et aux contrats aidés sont revalorisés à hauteur de 115 millions d’euros. Soucieux de la situation des contrats aidés mis en place pour soutenir les directeurs d’école, nous avons alerté le ministère du travail qui gère ces contrats. Les directeurs d’école ont une tâche très difficile, et les réductions de ces contrats ont eu sur eux un impact très négatif. En dépit de la création par la loi de finances rectificative de 1 500 postes d’auxiliaires de vie scolaire individualisés, et de la circulaire ciblée sur les enfants handicapés que j’ai envoyée aux recteurs en début d’année, quelques milliers d’entre eux n’ont pas pu être accueillis. Cette situation est indigne. Nous avons évidemment inscrit au budget le financement des 12 000 contrats aidés maintenus à la rentrée. Les assistants d’éducation et les 500 postes d’assistants de prévention et de sécurité nouvellement recrutés ont été formés. J’irai installer publiquement le premier de ceux-ci à Amiens à la fin des vacances de la Toussaint. Tous sont bien sûr intégrés en année pleine dans le budget 2013.
En revanche, et je me réjouis que nous soyons aussi exemplaires, notre budget de fonctionnement est soumis aux mêmes règles que les autres ministères : il baissera en 2013 de 5 %. C’est un effort considérable, compte tenu de la baisse de 25 % déjà enregistrée par ce poste sur la période 2007-2012, et nous le poursuivons. Nos opérateurs sont soumis aux mêmes règles d’économies. Le seul poste non concerné par ces réductions est celui de l’économie numérique : nous avons en effet là un retard préoccupant à rattraper. La dotation qui lui est consacrée passe de 3,6 millions à 10 millions d’euros. Je tiens à votre disposition le détail des opérations que nous menons avec la Caisse des dépôts et consignations, le commissariat à l’investissement, et bientôt, je l’espère, avec le fonds européen de développement régional (FEDER).
Nous allons fixer nos priorités d’allocations de moyens. Elles concernent d’abord les remplacements : vous connaissez les nouvelles difficultés que connaît la Seine-Saint-Denis actuellement, où le vivier de remplacement pour plusieurs centaines de postes est déjà entièrement consommé. Y remédier est un impératif pour garantir la continuité du service public et répondre aux soucis majeurs des familles et des enfants. Il s’agit également de l’accueil des tout petits, en vertu du principe « plus de maîtres que de classes ». Dans le second degré, nous mettrons les moyens dont nous disposons en priorité dans les établissements les plus défavorisés et professionnels, au front de la difficulté sociale et scolaire.
Le temps viendra, rapidement, de la loi d’orientation et de programmation sur la refondation de l’école. Nous sommes au stade des consultations nécessaires avant la finalisation du texte. Celui-ci sera présenté au conseil des ministres avant Noël. Nous devrions avoir l’occasion d’en débattre au premier semestre 2013. Elle portera sur cinq ans, non par obsession du quantitatif, mais bien au contraire pour assurer la réussite de tous.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée à la réussite éducative. – Ce budget maintient, malgré les difficultés que nous connaissons dans la période actuelle, la priorité donnée à l’éducation nationale. En particulier, les moyens nécessaires sont alloués à l’éducation prioritaire, même s’il conviendra sans doute de modifier à la marge certains dispositifs n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité.
Nous avons en outre accru l’effort de scolarisation des enfants handicapés. Les scolariser tous est un objectif certes impossible à atteindre ; mais un trop grand nombre d’enfants dont l’état rend possible une scolarisation se trouvent encore en dehors du système scolaire. Je veux à ce propos saluer le travail remarquable qui est réalisé dans de nombreux établissements, notamment par les enseignants, pour que les enfants handicapés puissent vivre avec leurs camarades et évoluer à leur rythme.
Un mot sur l’action sociale. Vous le savez, les bourses et les fonds sociaux ont été gelés pour une partie de l’année, ce qui est particulièrement préoccupant, alors que la situation d’un certain nombre de familles s’aggrave. Pour l’année prochaine, nous avons la volonté de faire en sorte que bourses et fonds sociaux soient suffisants et mieux utilisés. Par exemple, nous prenons au sérieux le problème de l’alimentation des adolescents : leur faire bénéficier d’une restauration scolaire de qualité est primordial. En outre, nous souhaitons que les bourses permettent de pallier les difficultés familiales que les enfants rencontrent trop fréquemment.
Enfin, nous savons que beaucoup d’efforts sont faits par les collectivités locales, notamment dans le cadre de la politique de la ville, pour améliorer les dispositifs de réussite éducative. Nous aurons à faire le point avec nos partenaires sur ces sujets, et sur la manière qui nous permettra d’évaluer des dispositifs dont l’empilement ne contribue pas toujours à améliorer le service rendu aux jeunes. Ce travail sera sans doute à mener en dehors de la discussion budgétaire.
Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement scolaire. – Au nom de mes collègues, je ne cacherai pas le plaisir que j’ai eu à vous entendre. En effet, après cinq années de discussions sur les suppressions de postes, les non-remplacements, et même l’assèchement des recrutements en école maternelle, vous êtes aujourd’hui, pour nous, porteur d’espoir. Vous défendez une perspective qui est pour nous celle de l’avenir de l’école et de la réussite pour tous les enfants.
Malgré le contexte budgétaire très contraint qui est celui de notre pays, vous maintenez un effort particulier en direction de l’éducation nationale, avec une hausse de 2,92 % de son budget, mais aussi avec la priorité donnée au recrutement d’enseignants supplémentaires : vous l’avez dit, nous avons des taux d’encadrement très bas par rapport aux autres pays européens, notamment dans le primaire. Vous donnez aussi la priorité à l’école maternelle : effectivement, c’est là qu’il faut agir pour remédier au drame que constitue la sortie sans qualification du système éducatif de 150 000 jeunes chaque année. Ce défi nous est posé depuis de nombreuses années, et nous voyons pour la première fois la détermination du ministre et les actions proposées pour y faire face.
Je reviens sur la préscolarisation des enfants de 3 ans. Certes, nous n’allons pas renverser tout de suite la tendance à la chute du taux de préscolarisation, passé de 35 % à 10 %. Mais est-ce pour vous une priorité pour les territoires en difficulté, ruraux ou urbains ?
L’enseignement prioritaire est aujourd’hui réglementé par la carte des zones d’éducation prioritaires (ZEP). Où en est votre réflexion sur cette carte ? Allez-vous la remettre à plat ? Plus largement, quelle est votre philosophie sur les établissements en difficulté et les moyens qui leur sont alloués ? A ce propos, vous avez évoqué la question des remplacements : c’est dans ces établissements qu’ils s’imposent, plus que partout ailleurs. Nous le savons bien, lorsqu’un professeur reste trop longtemps absent, le sentiment d’abandon des élèves et des parents redouble, et ceux qui avaient fait le choix courageux de s’y inscrire se découragent et partent.
Vous avez évoqué le numérique. J’y vois une solution pour les élèves décrocheurs, un moyen de leur redonner le goût de l’étude et de les remettre en selle.
Vous réfléchissez, avec la ministre de la culture, sur la place de l’éducation artistique. Les ateliers sur la refondation de l’école ont réaffirmé son importance. Où en êtes-vous de vos réflexions ?
Enfin, les collectivités locales, notamment les communes, s’impliquent de plus en plus dans la réussite scolaire. Or les rythmes scolaires sont en voie d’être réformés profondément. Cette refonte ne pourra se faire sans l’adhésion et l’engagement des collectivités. En particulier, la liberté de choix entre le mercredi et le samedi matin pourra-t-elle être laissée aux territoires ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement professionnel. – Je veux d’abord saluer l’arrêt de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et le renversement de tendance qui va donner de l’air à l’école. Ensuite, je me réjouis de la priorité donnée à l’enseignement élémentaire et préélémentaire, du retour au débat sur l’accueil des moins de 3 ans, et de la volonté de mettre davantage de moyens là où c’est nécessaire. Toutefois, cette bouffée d’oxygène sera-t-elle suffisante pour refonder l’école ?
La formation des enseignants est au coeur de cette ambition. La formation initiale bien sûr, qui mobilise un groupe de travail au Sénat, mais aussi la formation continue, aujourd’hui sinistrée. Nous devons réfléchir à ces deux aspects et imaginer un lien avec la recherche. Vous avez parlé des RASED, dans lesquels beaucoup de postes ont été supprimés. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le volume des départs en formation ?
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Madame Gonthier-Maurin, votre groupe pourra interroger le ministre sur l’ensemble de son budget ; vous étiez censée n’évoquer que l’enseignement professionnel.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement professionnel. – Pour une fois que je suis très positive, on ne s’en plaindra pas ! Je voulais aussi souligner l’importance de rapprocher le ministère de l’éducation nationale du ministère des droits des femmes pour faire reculer les stéréotypes de genre.
Monsieur le ministre, la fixation de la carte des formations professionnelles par les conseils régionaux a été annoncée. Pouvez-vous nous en préciser les modalités, revenir sur le rôle dévolu aux recteurs et nous rassurer ainsi sur le respect du principe d’égalité d’accès au service public ?
Dans le cadre du service public territorialisé d’orientation, qu’en est-il de l’idée de double tutelle que vous avez avancée ? Quel en sera le fonctionnement, l’intérêt attendu pour les élèves et le gain d’efficacité escompté ?
Un mot sur le développement de l’apprentissage au sein des lycées professionnels : s’y côtoient des publics différents aux parcours différents, ce qui n’est pas sans poser des problèmes pédagogiques et d’organisation, sans parler de la répartition du produit de la taxe d’apprentissage. Comment comptez-vous traiter ces sujets ?
Comment le Gouvernement compte-t-il atteindre simultanément l’objectif de développer l’apprentissage de niveau 5 dans les lycées professionnels et la préparation à la poursuite d’études ? Dans le cadre du futur rapport consacré à l’enseignement professionnel, nous nous attachons au bilan de la rénovation de la voie professionnelle et du bac professionnel en trois ans : on sait les envies de poursuite d’études qu’elle a générées, on sait aussi que tous les élèves sont loin d’y parvenir ! Que comptez-vous faire pour que la poursuite d’études ne se traduise pas par de nouvelles déceptions ?
Pour finir, où en sont les groupements d’établissements publics d’enseignement (GRETA) ?
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances. – Comme ma collègue, votre budget me satisfait. Vous nous avez grandement rassurés : les questions que nous posions l’an dernier trouvent des réponses qui vont dans le bon sens.
A défaut de tout remettre à plat, pourrez-vous prendre des décisions concernant l’éducation prioritaire dès la rentrée 2013 ?
En outre, si les enfants handicapés sont de plus en plus nombreux à être accueillis dans l’enseignement primaire, c’est moins le cas vers 15 ou 16 ans. C’est sans doute moins un problème d’accueil – les collèges et lycées accueillent ces enfants s’ils en font la demande – qu’un problème d’objectifs clairs fixés aux professeurs et aux personnes chargées de les accompagner. Un recrutement important d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) est prévu cette année : c’est un métier extrêmement difficile en raison de la multiplicité des handicaps, qui nécessite une formation poussée.
Mme Colette Mélot. – Vous nous avez annoncé vos priorités ; parmi elles figurent le recrutement et un nouveau concours. Pouvez-vous nous en dire plus sur la formation dispensée par les écoles supérieures du professorat ? Votre prédécesseur avait choisi d’uniformiser les recrutements au niveau du master, dans le but de valoriser la profession et les salaires. Entendez-vous continuer dans ce sens ?
M. Jacques-Bernard Magner. – Certains de nos collègues sénateurs ici présents sont membres du groupe de travail sur le pré-recrutement des enseignants. Nous souhaitons faire part des propositions d’ici la fin décembre, afin qu’elles soient reprises dans le projet de loi d’orientation et de programmation.
Le Sénat avait en outre proposé, à la fin du quinquennat précédent, de fixer l’obligation scolaire à 3 ans, afin de sanctuariser le fonctionnement de l’école maternelle. Non financée, la proposition s’était heurtée à l’article 40 de la Constitution. Serait-il possible de la reprendre ?
Enfin, les associations d’élus s’interrogent beaucoup sur la réforme des rythmes scolaires. Des mesures d’accompagnement sont-elles prévues pour les communes qui ont des écoles élémentaires à leur charge, ainsi que pour les conseils généraux, qui vont devoir adapter le rythme de fonctionnement des transports scolaires ?
Mme Françoise Laborde. – J’insiste sur les rythmes scolaires. Il ne faut pas que les élus soient obligés de choisir entre mercredi et samedi matin pour des raisons financières, ce qui nuirait au principe d’égalité territoriale. Cela vaut aussi pour l’éducation artistique et le sport : ces activités auront-elles vocation à occuper les enfants ou sont-elles à ajouter dans les grilles d’enseignements existantes ? Le dialogue avec la ministre de la culture devrait permettre d’inclure dans les programmes ces vraies matières, dont les communes défavorisées doivent pouvoir bénéficier au même titre que les autres.
Je sais qu’il y a des difficultés à trouver des remplaçants. Il existe aussi des enseignants qui n’arrivent pas à avoir leur mutation ineat-exeat ; ils ne sont pas sollicités, alors qu’ils feraient de très bons remplaçants.
M. Jean-Léonce Dupont. – La vérité absolue n’est ni d’un côté ni de l’autre. J’étais heureux, monsieur le ministre, de vous entendre parler de consensus et d’échange. J’étais plus déçu de vous entendre déplorer l’abandon « matériel, intellectuel et moral » dont aurait fait l’objet l’éducation nationale. Ces deux phrases me semblent contradictoires. Les analyses démontraient depuis plusieurs années que, relativement aux autres pays, nous étions plutôt bien dotés financièrement en ce qui concerne l’enseignement secondaire, mais plutôt en retard dans l’enseignement primaire et supérieur. Le gouvernement précédent avait engagé un effort considérable de rattrapage, notamment dans l’enseignement supérieur. Je ne suis donc pas choqué que vous présentiez une des mesures de rééquilibrage de l’enseignement primaire. Mais vous savez que l’art de gouverner est l’art de faire des choix, de fixer des priorités, et d’être dans le champ du possible. Je ne crois pas que l’obtention de moyens supplémentaires permette de résoudre tous les problèmes : quels sont donc vos choix ?
Plus largement, quelle est votre conception de l’autonomie des établissements ? Beaucoup de difficultés pourraient être dépassées dans le cadre d’une autonomie intelligente.
Je ne suis pas satisfait du système actuel de dérogation : nous avons peu de marge de manoeuvre, et subissons les stratégies de certaines familles qui nuisent à la promotion de la mixité sociale. Avez-vous des propositions sur ce sujet ?
Je me félicite que nous posions ensemble la question des rythmes scolaires. Mais il y a des conséquences très précises, notamment financières, attachées aux choix que nous serons amenés à faire. En tant que président d’un conseil général, j’ai fait le calcul de ce que coûterait la mise en place d’une demi-journée supplémentaire : la dépense nouvelle s’élève à un million d’euros par an. Si telle était votre décision, qu’elle soit bonne ou non, comment comptez-vous aider les collectivités locales, compte tenu des contraintes budgétaires qui sont les leurs ?
M. Michel Le Scouarnec. – Je connais plusieurs auxiliaires de vie scolaire dans mon département et dans ma commune. La plupart travaillent à mi-temps et ont un salaire mensuel de 680 euros. Est-ce là une règle nationale, ou existe-t-il des perspectives de travail à temps complet ?
La Bretagne était une des premières terres d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans. Notre taux de scolarisation était de 64 %, et nos résultats scolaires rangeaient l’académie de Rennes parmi les meilleures de France. Nous sommes tombés aujourd’hui à une moyenne de 20 voire 15 %. Dans les petites communes rurales dépourvues de crèche et de pôle multi-accueil, voire dépourvues de vie culturelle, organiser l’accueil des jeunes enfants devrait être une priorité.
Je signale à madame la ministre que les communes font déjà de gros efforts pour améliorer la restauration scolaire, notamment grâce au barème fondé sur le quotient familial. J’ignore si les régions et les départements apportent également des aides, mais les communes jouent là un rôle essentiel.
Les classes surchargées sont un élément explicatif du décrochage et de l’absentéisme. Autrefois, il y avait une grille organisant l’ouverture de classes supplémentaires en fonction de l’effectif moyen des classes existantes. Est-il dans vos intentions de rétablir une telle grille, afin de promouvoir l’égalité des chances ? Les surcharges constatées aujourd’hui sont préjudiciables à la réussite scolaire de nos enfants.
Mme Corinne Bouchoux. – Je constate le changement de paradigme opéré au ministère, tant dans l’état d’esprit que dans les moyens mis en oeuvre. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
L’innovation pédagogique requiert un peu de moyens, mais beaucoup d’état d’esprit. Que faites-vous en la matière, à coût constant, notamment au niveau de l’enseignement primaire ?
Les internats d’excellence sont une bonne idée sur le papier. Les visiter fait constater une autre réalité : d’une part, le milieu social des jeunes n’est pas forcément celui que l’établissement était censé attirer ; d’autre part, le coût du dispositif, rapporté au nombre de bénéficiaires, est exorbitant. N’y aurait-il pas là matière à l’infléchir ?
Même si le métier d’enseignant est harassant, difficile, et insuffisamment reconnu, ne peut-on envisager un système innovant permettant aux volontaires de suivre des formations en dehors du temps scolaire ? Cela permettrait de faire de l’innovation pédagogique. Un tel mécanisme existe notamment en Allemagne, où il fonctionne très bien.
M. Alex Türk. – J’enseigne actuellement le droit en première année et les sciences politiques en master 2. Le niveau d’orthographe est en chute libre. Décide-t-on de faire quelque chose pour le redresser ou le laisse-t-on filer ? Dans la première hypothèse, cela ne profitera qu’aux générations à venir, car les étudiants aujourd’hui dans le système sont, à cet égard, perdus, sauf cas très exceptionnels. La situation est devenue insupportable, au point que nos assistants hésitent à sanctionner de telles lacunes.
M. Claude Domeizel. – Je n’ai pas bien perçu si le paiement des pensions de retraite était compris dans la présentation du budget.
En outre, il est proposé 43 000 recrutements. Ce n’est pas rien. Y a-t-il, pour satisfaire cet objectif, que je qualifie d’exceptionnel, des moyens prévus pour éveiller les vocations et susciter des choix pour ce métier ? Il ne s’agit pas seulement de créer des emplois, mais de recruter des enseignants !
Mme Maryvonne Blondin. – Je n’ai pas entendu parler, dans vos priorités, de la santé à l’école. Des avancées ont été réalisées : par la revalorisation indiciaire des médecins, quoique la mesure ne soit pas encore entrée en application ; par le passage des infirmiers scolaires en catégorie A, bien qu’aucun recrutement complémentaire ne semble prévu. Il y a pourtant une politique ambitieuse à développer en matière de santé à l’école. Pour améliorer l’attractivité du métier, un volet consacré à la médecine scolaire pourrait être inséré dans la formation initiale des médecins. Aujourd’hui, les médecins scolaires passent un concours de l’éducation nationale et suivent une année d’études supplémentaire à l’école des hautes études en santé. La reconnaissance de leur spécialisation pourrait être améliorée, en lien avec d’autres ministères. Quant aux infirmiers, ce sont souvent eux qui réalisent, faute de médecins en nombre suffisant, l’indicateur du bilan de santé des enfants de 6 ans sur lequel on se fonde fréquemment : ils pourraient s’investir dans une formation en master des pratiques avancées, comme cela existe dans d’autres pays. Il y a là un gros chantier à engager sur deux volets : le suivi de la santé des élèves d’une part, car l’on sait que, faute d’un tel suivi, certaines maladies sont en recrudescence ; l’éducation à la santé et aux comportements responsables d’autre part, qui inclut la lutte contre les stéréotypes de genre et l’apprentissage du respect. Un tel programme devrait être inclus dans l’emploi du temps des élèves et adapté à leur âge.
Mme Claudine Lepage. – Le ministère de l’éducation nationale n’exerce pas de tutelle sur l’agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Il me semble toutefois qu’elle ne peut être écartée de l’effort national consenti pour l’éducation. Les parents d’élèves inscrits dans des établissements français à l’étranger ne comprennent pas le décalage entre la volonté du Président de la République et du Gouvernement de faire de l’éducation la priorité du quinquennat, en vertu d’un objectif essentiel de justice, et la situation qu’ils vivent au quotidien. Celle-ci est en effet marquée par la hausse des frais de scolarité depuis plusieurs années, le niveau trop faible des bourses, et la baisse constante du taux d’encadrement par des professeurs titulaires, compte tenu du plafond d’emplois. Ces exemples illustrent la nécessité d’organiser une cotutelle, ou à défaut des partenariats étroits entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l’éducation nationale. J’ai eu l’occasion d’en parler avec votre collègue. Monsieur le ministre, qu’en pensez-vous ?
La France compte plusieurs lycées au statut d’établissement international : celui de Saint-Germain-en-Laye, par exemple. La capitale dispose d’un lycée comportant six sections internationales près de la porte de Clichy, la cité scolaire Honoré de Balzac, et plusieurs autres sections isolées dans différents lycées. Sans statut de lycée international, les sections internationales de Balzac peuvent être remises en cause chaque année. Si Paris ne dispose d’aucune école élémentaire internationale, hors un projet pilote d’école franco-allemande dans l’est parisien existant depuis 25 ans, le lycée Balzac répond à un véritable besoin, comme en témoigne la croissance continue des demandes de scolarisation en section internationale. Un lycée international est en projet depuis plusieurs années à Bry-sur-Marne. Il est nécessaire pour satisfaire une demande croissante, mais son emplacement n’est peut être pas le plus pertinent, notamment pour les expatriés et les entreprises multinationales, et ne saurait rivaliser avec une localisation située dans Paris intra-muros. Où en est ce projet, et une autre implantation est-elle envisageable ?
M. Vincent Eblé. – Ma question a peut-être été évoquée de façon allusive par notre collègue qui évoquait cette belle maxime selon laquelle l’art de gouverner est l’art de faire des choix. Pour le précédent gouvernement, l’art de faire des choix se limitait à l’art de faires des coupes : 80 000 postes, excusez-moi du peu, il faudrait être très mauvais en arithmétique pour ne pas s’apercevoir que c’est une soustraction.
1 000 postes supplémentaires d’encadrement, notamment pour l’enseignement élémentaire, ont été créés au niveau national. Vous savez, pour y être venu au printemps dernier, que le département dont je suis l’élu a bénéficié de cette mesure à hauteur de 44 postes, ce qui en fait le département le mieux doté de France. Nous en sommes satisfaits et vous en remercions. Toutefois, cela ne comble qu’une partie très limitée d’un retard accumulé depuis fort longtemps. Ma question porte sur l’aspect géographique d’une telle mesure : comptez-vous poursuivre ce rattrapage d’effectifs pour les départements les plus en retard ? Comment comptez-vous lutter contre les inégalités territoriales ? Allez-vous fixer, pour l’affectation des nouveaux postes mis à la disposition des directeurs départementaux de l’éducation nationale, des critères par académie, ou à l’intérieur des académies ? Les inégalités géographiques qui existent aujourd’hui influent directement sur les taux de réussite : pour ce qui nous concerne, elle est de 4 points inférieure au taux national pour le baccalauréat général et de 7 points pour le baccalauréat technologique.
Mme Dominique Gillot. – Je salue l’ambition dont témoignent les perspectives que vous nous avez présentées. Il s’agit en effet de rendre à l’école sa vocation : permettre la réussite de l’ensemble des enfants. Mais vous savez bien qu’il ne suffit pas pour cela d’augmenter les moyens. Votre ambition est beaucoup plus vaste : vous avez la volonté de redonner le goût d’enseigner aux enseignants, et celui d’apprendre aux élèves. Quelles innovations pédagogiques souhaitez-vous engager dans les prochains mois ? Allez-vous évaluer et, le cas échéant, utiliser dans votre refondation de l’école des dispositifs tels que les programmes de réussite éducative, le soutien à la parentalité, l’accompagnement de la scolarité des enfants handicapés, ou encore la conduite d’éducation artistique en partenariat avec des associations ou des établissements culturels, qui constituent une mine d’innovations potentielles ? M. Antoine Prost nous a parlé des principes qui avaient présidé à l’introduction du travail manuel dans les apprentissages fondamentaux du secondaire. C’est une autre manière d’appréhender la culture : effectivement, la main était aussi utile au philosophe que le cerveau.
Par ailleurs, au sujet de la scolarisation des enfants en situation de handicap, il y a eu des questions sur la professionnalisation des accompagnants, car ces personnes, recrutées sur des emplois précaires, en période de pénurie, pour dégonfler les chiffres du chômage, aspirent aujourd’hui, dans la diversité de leurs situations, à la pérennisation de leur poste. Avant de définir un statut pour ces agents, il faut s’interroger sur la finalité de la scolarisation des enfants handicapés en école ordinaire. Elle n’est pas une fin en soi mais, pour ces enfants, un moyen d’apprentissage et de développement de l’autonomie, pourvu que personne ne se substitue à eux dans les gestes d’apprentissage. Je sais que les enseignants apprécient la présence d’un autre adulte dans leur classe, mais il faut bien analyser la fonction exacte qui doit être celle de ces assistants de vie scolaire.
M. Jean-Étienne Antoinette. – Je m’associe à l’intervention de M. Eblé. En Guyane, 27 % des enseignants sont contractuels, et il serait nécessaire de renforcer les moyens de l’inspection, ainsi que la fonction de conseiller principal d’éducation (CPE). Comment établir des priorités selon les territoires ? A partir de quels critères ? Madame la ministre, vous avez dit que vous reverriez certains dispositifs qui se cumulent parfois avec la politique de la ville, en particulier les fonds de droit commun. De quels dispositifs parlez-vous exactement ? Dans les territoires où les résultats scolaires sont mauvais, et où il faut travailler sur la parentalité, il conviendrait surtout d’accompagner les efforts des collectivités locales.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. – Mme Gillot l’a rappelé à juste titre, Rousseau a écrit que la main est un instrument d’apprentissage et de philosophie. Je vais essayer de mettre de l’ordre dans ma réponse à vos questions très diverses, afin de faire apparaître clairement le sens de notre action, car rien n’est plus préjudiciable à l’action politique que le pointillisme, l’éclatement, l’absence de priorités nettes. Pensons, après Rousseau, à Descartes, et à la méthode, c’est-à-dire au chemin à suivre pour avancer.
Nous sommes dans un contexte budgétaire contraint. Élus de la nation, ministres de la République, nous devons être sensibles à la situation très difficile du pays. Nous devons aussi être les garants d’un retour à des comptes publics assainis, pour pouvoir parler de manière crédible de jeunesse, de compétitivité, de politiques de justice ou d’éducation. Dans ce contexte, le Président de la République a choisi de fixer une priorité très claire pour le pays : la jeunesse, l’école. C’est nouveau : ce n’était pas une priorité ces dernières années. Même du point de vue de la compétitivité et de la croissance, un tel investissement est utile. Mais nous devons le faire dans un cadre budgétaire rigoureux, ce qui suppose de définir des priorités. Bien sûr, ce que nous faisons n’est pas suffisant, mais c’est nécessaire. Avoir davantage de moyens serait formidable, mais cela n’améliorerait pas forcément les résultats éducatifs. Ceux que nous avons sont le résultat de sacrifices dans d’autres ministères et coûtent aux Français, ils nous obligent donc à des résultats.
La première priorité, c’est la formation des enseignants, que l’ensemble des études internationales – et sans doute aussi votre expérience – identifie comme le facteur majeur de réussite des élèves. Il s’agit, bien sûr, de connaître les disciplines, mais aussi de maîtriser les différents aspects d’un métier. Tous les pays qui ont réussi leur réforme éducative, ce qui prend entre cinq et dix ans, ont accordé à la formation des enseignants toute l’importance qu’elle mérite. Nous n’allons pas refaire les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), ni les Écoles normales : nous allons inventer des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, dont les ambitions seront très élevées. La programmation budgétaire pour les prochaines années indique bien que la remise en place de la formation des enseignants consomme l’essentiel des moyens supplémentaires que le Président de la République accorde à l’école, priorité de la nation. Il s’agit du facteur essentiel : comment ceux qui doivent former ne seraient-ils pas eux-mêmes formés ? Pour le numérique, par exemple, si les personnels ne sont pas formés, il est très difficile de mettre en place de nouveaux outils. La prévention des difficultés, le travail en équipe, les questions de sécurité, le rapport aux parents, le rapport aux collectivités locales, à l’équipe éducative, sont autant d’éléments d’un référentiel de compétences que nous sommes en train de construire, et qui doit faire l’objet d’un apprentissage.
Le concours qui figure au budget est transitoire : nous devons recruter davantage cette année car ceux que nous recruterons en juin ne feront que six heures de cours et seront formés pendant un an pour prendre leur poste à la rentrée 2014. Nous recruterons moins dans les années suivantes. Ce concours est ouvert aux étudiants de Master 1, qui auront leur Master 2 à l’issue de l’année de formation : on ne baisse donc pas le niveau de qualification, qui reste conforme au cadre européen, mais le vivier de recrutement est beaucoup plus important. Comment les motiver ? Les étudiants sont pauvres aujourd’hui, les études sont devenues difficiles d’accès, le métier de professeur encore plus : nous entendons favoriser l’accès à ces concours. Dès la deuxième année de faculté, un boursier de la République pourra poursuivre des études pour devenir professeur. Les professeurs ressembleront ainsi davantage à ceux auxquels ils enseigneront, ce qui est aussi l’un des facteurs majeurs de la réussite d’un système éducatif. Si les jeunes ne présentent plus les concours, c’est parce que les conditions sont devenues beaucoup plus dures : à mon époque, on recrutait avant le bac, aujourd’hui il faut faire – et financer – au préalable cinq années d’études. 30 % des étudiants arrêtent leur cursus parce qu’ils travaillent, en moyenne, plus de 28 heures par semaine. Comment faire autrement pour vivre à Paris ? Notre génération n’a pas reproduit pour eux ce dont elle a bénéficié pour elle-même, et viendrait ensuite les critiquer en disant qu’ils n’ont pas de vocation ? Lorsque nous étions recrutés, nous faisions une année de stage qui était rémunérée. Elle a été supprimée. Commencer immédiatement à exercer le métier en faisant dix-huit heures de cours par semaine devant plusieurs classes de différents niveaux est de nature à décourager les plus motivés. C’est terminé : désormais les stagiaires n’auront que six heures de cours à faire, et ils seront rémunérés et formés. Ce n’est pas extraordinaire, c’est simplement ce dont nous avons bénéficié et dont on a pu prétendre qu’ils n’avaient pas besoin. Résultat : le nombre d’inscriptions au concours augmente.
C’est aussi que notre discours sur le métier est plus valorisant, après l’abaissement moral qu’il avait subi ces dernières années sous l’effet de propos sur le rôle du curé par rapport à celui de l’instituteur, ou sur la Princesse de Clèves. Le discours du Président de la République devant le monument à Jules Ferry a affirmé clairement que les valeurs de la connaissance seraient désormais respectées. Il ne s’agit pas d’un clivage entre la gauche et la droite : le discours de M. Chirac sur l’école était identique au nôtre. La France s’est construite autour de son école. Il y a eu une dérive récente : redresser la barre coûte cher. Les Écoles supérieures recruteront à la fin du Master 1, et les élèves reçus y feront un stage d’un an comportant six heures de cours, en tant qu’élèves-fonctionnaires. Ils effectueront ainsi une entrée progressive dans le métier, car pour apprendre il faut aller de la théorie à la pratique et inversement, en étant accompagné dans cette démarche par des pairs.
Nous souhaitons également faire travailler ensemble tous les personnels enseignants, de la maternelle à l’université, ainsi que les personnels de l’éducation. La République a été grande quand on était capable de faire travailler ensemble l’instituteur et le professeur au Collège de France sur des manuels scolaires. Il y aura donc des moments de formation communs à tous les niveaux.
Nous entendons aussi mieux articuler le temps scolaire et le temps éducatif, ce qui comporte une dimension de décentralisation. Les enseignants apprendront désormais à travailler avec des acteurs extérieurs à l’école, issus du monde économique bien sûr mais aussi des collectivités locales, ainsi qu’avec les parents. La recherche sur ces questions sera conduite dans ces Écoles. Le conseil de l’innovation va être recréé ; Mme Pau-Langevin y travaille. Pour diffuser les bonnes pratiques, nous créerons un service public de l’éducation numérique qui comprendra une plateforme d’échange entre enseignants. L’expérimentation sera présente dans la loi, notamment pour l’articulation entre l’école élémentaire et les collèges. Nous ne reviendrons pas sur l’école du socle, mais nous permettrons d’organiser des réseaux entre écoles et collèges.
Le Président de la République a annoncé qu’il souhaitait que nous revenions sur la politique d’éducation prioritaire, en développant une gestion plus individualisée des établissements dans des contrats pluriannuels. Ce travail très précis ne pourra guère être fait avant la rentrée 2014. Comme avec les internats d’excellence, que nous n’allons pas développer car ils sont onéreux et leur efficacité est douteuse, il faut veiller à ne pas déstabiliser des équipes pleines de bonne volonté, mais à leur permettre d’accompagner les changements.
L’éducation artistique sera présente dans la loi : il y aura un parcours d’éducation pour chaque jeune.
Les rythmes scolaires sont une grande préoccupation pour vous, et je le comprends. Malgré la contrainte financière qui le tient, l’État a décidé de faire cette réforme. Les enseignants accepteront, sans doute, de travailler une demi-journée supplémentaire sans être payés davantage. Quelle autre catégorie de fonctionnaires ferait le même effort ? Il ne faut pas arguer des inégalités entre les collectivités locales pour bloquer la réforme des rythmes scolaires. Car ce sont les enfants qui seraient pénalisés. Un rapport a été voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, la consultation menée par mon prédécesseur a été adoptée par tous, tous les médecins, tous les pédagogues sont formels : 144 jours, ce n’est pas un bon calendrier. L’Europe nous regarde attristée. Il faut faire cette réforme. Cela coûtera de l’argent, à l’État comme aux collectivités locales. Mais celles-ci devront être aidées dans chaque choix que nous ferons, afin de garantir la cohésion nationale. C’est ce que nous avons fait en répartissant les mille postes, en mettant l’accent sur les zones rurales.
Sur la santé à l’école, les postes que nous avons créés ne trouvent pas preneur pour le moment.
Pour l’orthographe, il faut donner au primaire la vraie priorité. Les collectivités locales doivent participer au pilotage des politiques éducatives, de concert avec les établissements et avec le rectorat. Il en va de même des cartes de formation professionnelle. Régions et État doivent désormais se concerter pour établir ces cartes. Le service public de l’orientation est aujourd’hui une des causes importantes de l’échec massif de nos élèves : il faut donc changer les choses. Les régions proches des bassins d’emploi doivent collaborer à ce service public. De même, les plateformes de décrochage passeront des préfets aux régions.
Sur les salaires, la politique du gouvernement précédent, mis à part un petit geste sur les débuts de carrière – que j’avais salué – n’a pas été une politique de revalorisation. J’estime que nous payons mal les enseignants, mais nous n’avons pas les moyens de faire mieux. Nous devons, d’abord, recruter et former. Dans un second temps, le dossier de la rémunération sera ouvert, si c’est possible. La loi dont vous allez débattre engage pour cinq ans, mais l’action de refondation doit être de plus longue haleine. Le métier d’enseignant a changé, et nous devrons en réformer certains aspects. Un agenda de la refondation sera proposé après le vote de la loi.
La question du numérique est pour nous une grande ambition. La transformation des pédagogies, la possibilité de créer une filière française de logiciels pédagogiques : si nous ne menons pas à bien ce projet, ce sera très handicapant pour le pays.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. – Une partie des professionnels qui épaulent les enseignants accueillant les enfants en situation de handicap sont en effet en situation précaire : emplois à mi-temps, pour une durée de trois ou six ans, ce qui fait que lorsque la personne commence à avoir de l’expérience elle s’en va ! C’est pourquoi nous avons lancé, Mme Carlotti et moi-même, un groupe de travail sur la professionnalisation des assistants de vie scolaire. Présidé par Mme Pénélope Komitès, et comprenant des représentants de toutes les associations concernées, il rendra ses conclusions en mars, afin que nous puissions prendre des mesures pour la prochaine rentrée. La scolarisation des enfants handicapés s’est beaucoup développée ces dernières années, mais les handicaps sont extrêmement divers, et même si nous améliorons la formation des enseignants ils ne pourront pas être spécialistes de tout. Tous les enfants ne pourront pas être accueillis dans les écoles. Certains aussi ne le sont qu’à temps partiel.
Nous avons également installé un groupe de travail, cette fois avec ma collègue Mme Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur la pauvreté et la réussite scolaire. Animé notamment par M. Madignier, président d’ATD Quart Monde, et par Mme Versini, il nous remettra une analyse des situations et quelques pistes pour améliorer la situation actuelle, car il y a une corrélation parfaite entre niveau social de la famille et la réussite scolaire de l’élève, ce que nous ne pouvons pas accepter.
Sur la santé à l’école, nous souhaitons recruter, mais il n’y a pas de vivier. Nous devons donc réfléchir à l’attractivité de ces métiers.
Nous recréons le Conseil de l’innovation, qui sera aussi un Conseil de la réussite éducative, puisque l’éducation nationale n’est plus le seul intervenant dans la réussite des enfants. Là où la pédagogie classique est en difficulté, l’innovation peut nous procurer des solutions. Mais ce Conseil ne devra pas être hors-sol, comme le précédent : il sera solidement arrimé à la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) afin que son travail irrigue l’éducation nationale.
En Guyane, la situation est en effet très particulière. La taille du territoire fait que certaines familles sont isolées, et que les enfants font de longs trajets. Parfois aussi la langue française n’est pas maîtrisée par les parents. Il faut donc adapter nos préconisations.
La réussite éducative est un travail de partenariat entre de nombreux acteurs.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Merci pour la richesse de ces échanges.
Nomination d’un rapporteur
M. Philippe Nachbar est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 39 (2012-2013) de M. Antoine Lefèvre visant à protéger les monuments historiques.
Communications diverses
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – M. Le Deaut s’est vu confier par Mme Fioraso le soin de co-piloter les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Avec M. Sido, président de l’Office, il nous indique que le 4 décembre, à l’Assemblée nationale, une audition publique sera organisée, consacrée à ces assises. Il souhaite que nos rapporteurs, M. Plancade pour la recherche et Mme Gillot pour l’enseignement supérieur, soient présents, ainsi que les membres de la commission susceptibles de jouer un rôle dans la discussion de la future loi-cadre.
Enfin, l’office parlementaire organise chaque année un jumelage entre le Sénat et l’Académie des sciences ; notre commission doit présenter un candidat et je vous invite à me faire des propositions.